Alzheimer : comment expliquer l'évolution lente ou rapide de la maladie

Publié le 3 janvier 2020 à 16h15, mis à jour le 3 janvier 2020 à 16h34
Alzheimer : comment expliquer l'évolution lente ou rapide de la maladie
Source : Thinkstock

MÉDECINE – Des chercheurs américains ont mené une étude qui permettrait de prédire les futures évolutions de la maladie d’Alzheimer lorsqu’elle n’est encore qu’à un stade précoce. Explications avec Philippe Amouyel, le directeur général de la Fondation Alzheimer.

Pourrons-nous bientôt prédire précisément l’évolution de la maladie chez les patients atteints d’Alzheimer ? C’est ce qu’espèrent avoir découvert des scientifiques de l’université de Californie, à San Francisco, dans une nouvelle étude. Selon eux, en regardant le cerveau des patients à un stade précoce, il serait possible de déterminer la vitesse à laquelle la maladie va évoluer selon chaque patient.

Pourquoi la maladie ne se propage-t-elle pas à la même vitesse chez chaque patient ? Comment le cerveau évolue-t-il durant la maladie ? Comment les chercheurs peuvent-ils prédire son futur ? Le professeur Philippe Amouyel, directeur général de la Fondation Alzheimer et auteur du livre Le guide anti-Alzheimer, les secrets d’un cerveau en pleine forme, répond à ces questions pour LCI.

LCI : Une nouvelle étude publiée le 1er janvier par des chercheurs américains estime qu’il est possible de prédire l'évolution, lente ou rapide, de la maladie. Comment l'explique-t-on scientifiquement  ?

Philippe Amouyel : La caractéristique de la maladie d’Alzheimer est la perte neuronale qui crée une atrophie du cerveau. La maladie d’Alzheimer se caractérise par deux grands types de lésions. Les premières, ce sont les plaques amyloïdes : ce sont des accumulations de protéines qui constituent une espère de colle qui envahit le cerveau à l’extérieur des neurones. Les secondes touchent elles directement les neurones. A l'intérieur de celles-ci, il y a une protéine, appelée Tau, qui devient anormale chez les patients atteints d’Alzheimer et entraîne la mort du neurone. 

L'étude dont nous parlons a observé ces deux types de lésions sur des patients et cherché des liens avec l'évolution de la maladie. 

La vitesse de progression de l'atrophie du cerveau est corrélée à la protéine Tau
Philippe Amouyel

Et qu'en ont-ils conclu ?

L’étude a été menée sur 32 patients à un stade précoce symptomatique de la maladie. Les patients présentaient des troubles du comportement, de la mémoire ou de l’orientation, mais légers. Trois examens ont été réalisés : une IRM morphologique qui regarde l’atrophie cérébrale, un TEP scan amyloïde, qui consiste à injecter un marqueur qui va se fixer sur la protéine amyloïde et que nous pouvons observer via une radio, puis un TEP scan Tau, le même principe mais pour la protéine tau. Les TEP scan permettent de détecter la présence et la quantité des protéines dans le cerveau.

Quinze mois plus tard, les chercheurs ont refait une IRM morphologique pour mesurer l’atrophie du cerveau. Ils ont alors comparé la vitesse d’évolution de l’atrophie avec la première IRM, puis ont regardé si le PET amyloïde ou le PET Yau corrélaient avec la vitesse de progression de l’atrophie. Ils se sont alors rendu compte qu’il y avait une corrélation importante avec le PET Tau : plus cette protéine est présente à certains endroits, plus la progression de l’atrophie est rapide.

Alzheimer : des thérapies sans médicaments pour atténuer les symptômesSource : JT 13h WE

D'un point de vue médical et même éthique, est-ce une bonne chose de pouvoir dire à un patient en combien de temps sa maladie va prendre le pas sur lui ?

Pour le moment, cela reste de la recherche dont l’intérêt est d’avoir une idée de la vitesse de la maladie. L’étude présente cependant des limites : elle n’a été réalisée que sur 32 personnes, c’est faible. Elle n’a pour l’heure pas d’utilité clinique. Lorsque nous donnons une information à un patient, il faut aussi donner une solution. Or, aujourd’hui, il n’y a pas de traitements capable de guérir la maladie d’Alzheimer, seulement des moyens de prise en charge sociaux. Il faut laisser de l’espoir aux patients.

On se rend compte donc que selon le type d'Alzheimer que l'on a, le pronostic n'est pas le même, est-ce que d'autres éléments interviennent dans l'évolution des symptômes ? 

Oui et nous pouvons l'expliquer par ce que l'on appelle la réserve cognitive. Elle fonctionne comme un capital retraite : c’est quelque chose que vous préparez le plus tôt possible dans votre vie pour pouvoir bien vivre lors de votre retraite. C’est la même chose pour le cerveau avec la réserve cognitive. Le cerveau change tout au long de la vie, mais il faut l’entretenir. Il s’use si vous ne vous en servez pas. Un des éléments les plus importants qui constitue cette réserve est l’éducation. Plus les gens ont une éducation longue, plus leur capital cerveau est important.

Quelqu’un qui débute la maladie à 50 ans et qui a une réserve cognitive importante grâce à de longues études pourrait voir les symptômes de la maladie n’apparaître que vers 75 ou 80 ans. Tandis que chez une personne qui a une faible réserve cognitive et qui démarre également sa maladie à 50 ans, les premiers symptômes pourront démarrer dès 65 ou 70 ans. Cette variation de la vitesse d’évolution est très dépendante de l’état de votre cerveau et de l’entretien que vous lui assurez.


Idèr NABILI

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