La chronique auto

Conduite sans assurance : un fichier pour faciliter la chasse aux fraudeurs

Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)
Publié le 26 juillet 2018 à 16h00, mis à jour le 26 juillet 2018 à 16h06
JT Perso

Source : JT 13h Semaine

SANCTION -Le décret instaurant la création d'un fichier des assurés (FVA) a été publié ce mardi. Il doit permettre de verbaliser plus facilement les conducteurs sans assurance à partir du 1 er janvier 2019. Ils seraient 750.000 en France. Me Jean-Baptiste le Dall, spécialiste du droit routier, fait le tour de la question. En France, en 2016, 235 personnes ont trouvé la mort dans un accident routier impliquant un véhicule non assuré, soit 7% de la mortalité routière.

Conduire sans assurance donnera bientôt  lieu à une amende forfaitaire délictuelle de 500 euros. Mais en cas de récidive, ce sera le tribunal correctionnel, conformément à ce que pévoit la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (dite loi J21). Cela signifie-t-il pour autant que le contrevenant ne risque qu'une simple amende ? Pas si simple. 

Bientôt une traque aux conducteurs sans assurance

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a  mis en place un dispositif reposant sur un méga-fichier qui ne devrait pas laisser le moindre conducteur passer entre les mailles du filet. L’article 35 de cette loi - dont le décret a été promulgué au journal officiel ce mardi - crée un fichier des véhicules assurés (FVA) destiné à mieux repérer les automobilistes susceptibles de ne pas satisfaire à l'obligation d'assurance. Celui ci entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Les lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (LAPI) dont sont équipées les forces de l'ordre pourront, à terme, détecter les véhicules non-assurés. En clair, un véhicule de police équipé d’un système de lecture automatique de plaques  pourra se promener en scannant les plaques minéralogiques pour repérer les véhicules non assurés. 

Avec la récente obligation, depuis le 1er décembre 2016, de présenter une assurance en règle pour sortir un véhicule de la fourrière, et ce fichier, le gouvernement a décidé de mettre le paquet sur la lutte contre la conduite sans assurance. De quoi rassurer les compagnies inquiètes du mauvais signal envoyé par cette amende forfaitaire.

Une simple amende pour la conduite sans assurance ?

La question de savoir si le défaut d'assurance pouvait donner lieu à une simple amende a fait débat pendant de nombreux mois. Au passage, la conduite sans permis a également fait l’objet d’une mise à niveau législative avec la loiJ21. Tout l’enjeu de ces modifications réside, en fait, dans de pures considérations financières. La justice coûte cher, juger un conducteur qui a pris le volant ou le guidon sans permis ou sans assurance prend du temps, mobilise magistrats et greffiers… D’où l’idée de sortir un délit comme la conduite sans assurance du circuit judiciaire. Au départ, les premières pistes envisagées par Christiane Taubira avaient exploré l’idée d’une contraventionnalisation. Et oui, on ne s’en doute pas forcement mais conduire sans assurance fait de l’automobiliste ou du motard un délinquant.

Transformer un délit en contravention c’est se donner la possibilité d’utiliser la procédure de l’amende forfaitaire que les conducteurs connaissent  bien entre PV de stationnement et verbalisation par radars automatiques. Toutefois, de nombreux observateurs ont considéré que le signal envoyé aux potentiels délinquants était trop mauvais, et ce d’autant que la même réforme était envisagée pour la conduite sans permis.

La chose ne passant pas dans le grand public, le gouvernement s’est lancé dans une séance de bricolage législatif pour parvenir à un résultat à peu près identique…  C’est ainsi qu’a été créé un mécanisme d’amende forfaitaire délictuelle. Alors que jusqu’à présent la procédure de l’amende forfaitaire ne pouvait être appliquée qu’aux contraventions, on peut désormais l’utiliser pour des délits de conduite sans assurance et de conduite sans permis.  

Une addition salée de 500 euros

L’article L324-2 du Code de la route, qui réprime "le fait, y compris par négligence, de mettre ou de maintenir en circulation un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile", a été complété pour permettre, pour les non récidivistes, l’application d’une amende forfaitaire d'un montant de 500 euros. Comme pour les amendes forfaitaires utilisées en matière de contraventions, une prime au bon payeur a été mise en place de même qu’une pénalité pour celui qui traînerait trop les pieds. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est ainsi de 400 euros, et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 1000 euros.

Certes, ces montants demeurent modérés par rapport aux 3750 euros d'amende encourus en cas de passage devant le juge ou à une peine de confiscation du véhicule, qui peut être également prononcée par un tribunal. Mais on ne pourra s’empêcher de regretter un montant de l’amende majorée aussi important lorsque l’on sait que les auteurs de ce genre de délits sont très souvent dans des situations de lourdes difficultés financières, qui justement les incitent à se priver d’assurance. Ce montant ne manquera pas, également, de surprendre les praticiens qui constatent à longueur d’audiences correctionnelles que les montants des amendes prononcés par les juges sont sensiblement inférieurs. Ainsi, on peut aisément imaginer qu’un récidiviste s’en tire finalement mieux que celui à qui sera appliqué la procédure d’amende forfaitaire. 

Un petit coup de salière en plus

Au-delà de cette amende, on rappellera que le condamné sera également sollicité financièrement dans le cadre du financement du Fonds de garantie. La chose est totalement ignorée du grand public, mais l’article L211-27 du Code des assurances prévoit que les  amendes prononcées pour violation de l'obligation d'assurance sont affectées d'une majoration de 50 % perçue, lors de leur recouvrement, au profit du Fonds de garantie. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) indemnise les victimes d'accidents de la circulation lorsque le responsable n'a pu être identifié, ou lorsqu’il n'est pas assuré. Le FGAO se retourne ensuite contre ce conducteur pour tenter de récupérer les fonds avancés. Un décret, qui reste à paraître, doit préciser quand interviendra l’extension de ce mécanisme de majoration aux amendes forfaitaires délictuelles (la loi J21  a fixé une date limite au 31 décembre 2018).

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