INTERVIEW - Le coronavirus et la crainte de sa propagation pourraient avoir un lourd impact sur l'économie du pays. La Banque de France et Bercy tablent déjà sur une baisse du PIB en 2020 par rapport aux prévisions. Comment notre économie pourrait-elle être concrètement impactée ? Le spécialiste éco de LCI Pascal Perri nous éclaire sur la situation.
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, s'inquiète des conséquences de l'épidémie de coronavirus Covid-19. "L’impact sera sévère sur la croissance française en 2020, plusieurs dixièmes de point de PIB", a-t-il prévenu lundi matin. De son côté, la Banque de France prévoit désormais une croissance à 0,1% au premier trimestre, contre 0,3% espérés il y a un mois.
Si des conséquences sont déjà visibles pour des secteurs comme le spectacle et l'événementiel, une intensification de l'épidémie - mais surtout de la psychose générée par celle-ci - laisse présager un impact plus important pour toute l'économie du pays. Quelle pourrait être au final l'ampleur des conséquences du virus ? Eléments de réponse avec le journaliste et économiste de LCI Pascal Perri.
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LCI : Comment se traduira la baisse de plusieurs dixièmes de point de PIB évoquée par Bruno Le Maire ?
Pascal Perri : Tout dépendra de la date de fin de la crise du coronavirus. Si elle se termine en mai, comme le prédisent certains épidémiologistes, les conséquences s’arrêteront en juin. Auquel cas la baisse serait de 0,2 à 0,3 point de PIB. En revanche, si elle se poursuit pendant an, nous risquons d’être confrontés à une année de récession. La durée de la crise aura également un impact sur le chômage. Là, nous pouvons assister à un simple ‘ralentissement de la baisse’, jusqu’à une remise en cause des objectifs de diminution du gouvernement.
LCI : Quels sont les secteurs les plus touchés ?
Pascal Perri : Les entreprises de service sont immédiatement impactées, les transports, l’hôtellerie, la restauration, car leurs activités reposent sur leurs clients. Dès que le fil de la demande est interrompu, les conséquences sur leur trésorerie sont immédiates. Vient ensuite l’industrie, qui commence déjà à manquer de pièces et des matières premières importées. L’Etat doit soutenir l’activité économique et encourager les établissements bancaires à répondre présents.
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LCI : Comment ces entreprises vont-elles réagir ?
Pascal Perri : Le recours au chômage partiel est très efficace. Il avait permis à de nombreuses entreprises d’amortir la crise de 2008, notamment dans l’automobile. Elles peuvent également réduire la voilure pour limiter leurs frais, comme le font déjà plusieurs compagnies aériennes. La Lufthansa baisse déjà ses capacités de vol.
LCI : Cette crise ne montre-t-elle les limites de la mondialisation ?
Pascal Perri : Soyons clairs, ni le libéralisme ni les productions venant de l’étranger ne sont le problème, c’est plutôt leur dose qui en fait un poison. Ces dernières décennies, le consommateur a pris le pouvoir et toute l’économie est tournée vers la recherche du prix le plus bas. Pour y parvenir, la solution a été la délocalisation, y compris de nos secteurs les plus stratégiques. J’ai toujours prôné un rééquilibrage de la mondialisation.
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LCI : D’après Bruno Le Maire, "il y aura dans l’Histoire de l’économie mondiale un avant et un après coronavirus". Va-t-on véritablement assister à une césure selon vous ?
Pascal Perri : Je l’espère. C’est l’occasion de revenir aux fondamentaux de la social-démocratie : le marché autant que possible, l’Etat autant que nécessaire. Disons-le clairement, nous ne pourrons par ramener toutes les productions en France et je ne crois pas que ce soit souhaitable. Mais nous pouvons limiter notre dépendance à un seul pays ou une seule partie du monde. Les sites de production peuvent être implantés plus près de nous, au Maghreb par exemple. Une sorte de mondialisation de proximité.
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LCI : Les entreprises françaises peuvent donc tirer leur épingle du jeu du coronavirus ?
Pascal Perri : J’encourage totalement nos entreprises à se saisir de ce questionnement de la mondialisation. D’après moi, l’opinion est durement marquée. Mais pour que les Français choisissent français, nous avons besoin d’une offre nationale suffisante. Toutes nos importations ne sont pas substituables et la réimplantion de lignes de production ne se fera pas en un claquement de doigts.