Cryptomonnaie : la Banque centrale européenne va tester son "euro numérique"

par Cédric INGRAND
Publié le 12 octobre 2020 à 21h42
Cryptomonnaie : la Banque centrale européenne va tester son "euro numérique"
Source : iStock

VERSION BETA - La Banque centrale européenne veut lancer dans quelques mois les premiers tests d'un euro numérique. Une cryptomonnaie stable, mais limitée dans ses usages, alors que la Chine et d'autres ont déjà sauté le pas.

Cette fois, c'est décidé, l'Europe aura sa cryptomonnaie souveraine. Nul besoin de réinventer la roue, ce que projette la BCE, c'est de proposer un équivalent 100% numérique de l'euro, interchangeable avec la monnaie que l'on connaît déjà. But affiché : suivre l'utilisateur dans ses usages du quotidien.

"Les Européens se tournent de plus en plus vers le numérique dans leurs modes de consommation, d’épargne et d’investissement", explique Christine Lagarde, présidente de la BCE. "Notre rôle consiste à préserver la confiance dans la monnaie. Cela suppose de veiller à ce que l’euro soit adapté à l’ère numérique. Nous devons nous tenir prêts à émettre un euro numérique si cela s’avère nécessaire."

Résister à Bitcoin, Libr, et aux intrusions monétaires d'autres Etats

Dans un rapport rendu public ces jours derniers, les experts de la BCE listent les scénarios qui pourraient mener à une demande plus massive du public pour des échanges en monnaie numérique. Parmi eux, la baisse constante des échanges en argent liquide, mais aussi la possibilité de voir d'autres acteurs privés ou étatiques s'imposer comme créateurs d'une monnaie d'échange au quotidien.

L'année dernière, quand Facebook avait annoncé le lancement prochain du Libra, une crypto-monnaie stable, au cours basé sur celui des grandes devises, l'essentiel des banques centrales de la planète avaient réagi négativement, devant un acteur privé tenté de battre monnaie, malgré les précautions affichées par le projet.

Chez les principaux intéressés, on est un peu sceptiques devant l'initiative européenne. "S'ils le font aujourd'hui, c'est parce qu'ils sentent le sol trembler sous leurs pieds", nous explique Ouriel Ohayon, fondateur de Zengo, une application de portefeuille numérique pour cryptomonnaies. "Après l'annonce de Libra, tous sont passés en mode panique, plus encore depuis que la Chine a lancé sa cryptomonnaie souveraine, le DCEP, dans plusieurs grandes villes."

Une cryptomonnaie, mais à petits pas

La promesse de la BCE, c'est qu'au quotidien, utiliser un "euro numérique" sera aussi naturel que de payer avec de l'argent liquide, ou tout autre moyen de paiement actuel. Pas une cryptomonnaie spéculative, donc, plutôt un moyen d'échange fluide, pour faire des achats ou envoyer et recevoir de l'argent au quotidien. Avantage pour la banque centrale : gérer la masse monétaire sera plus simple en version numérique qu'en imprimant des billets.

Côté utilisateur, le bénéfice serait la confiance dans une monnaie déjà connue, et l'autonomie d'un portefeuille virtuel qui remplacerait le compte en banque... sinon que c'est l'une des choses que la BCE voudrait éviter, en tout cas à grande échelle. Dans le rapport de la banque centrale, ses experts promettent que des limites seront en place pour éviter une migration massive de l'argent géré par les banques de détail vers la nouvelle cryptomonnaie, dont l'échange ne pourrait en conséquence être anonyme. On est loin d'un équivalent numérique de l'argent liquide.

"Ce n'est pas très visionnaire", regrette Ouriel Ohayon, qui estime que les décisionnaires européens "vivent dans le modèle du passé en tentant d'y appliquer des recettes présentes. On est au XXIe siècle, tout est international, les gens veulent juste un argent qu'ils puissent utiliser partout. Qu'il soit issu d'une monnaie européenne est secondaire, presque désuet."

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Décision finale à l'été prochain

En revanche, l'arrivée d'une des grandes devises sur le terrain des cryptomonnaies serait une validation de leur principe même comme monnaie d'échange, et un pied à l'étrier pour le grand public.

Si elle analyse bien l'urgence qui la pousse à avancer, la BCE le fait à pas comptés. Depuis aujourd'hui, la banque a mis en ligne un site d'informations, et une consultation publique sur les contours de la future monnaie, pour lancer ses premiers tests en vraie grandeur d'ici à la mi-2021.


Cédric INGRAND

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