PV - La chose est actée depuis longtemps, la réforme du stationnement payant entre en vigueur l'année prochaine, pour certains automobilistes la note va être salée. Les explications de Me Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.
Pendant des années, le stationnement payant était justifié par les pouvoirs publics comme une nécessité liée à un impératif de rotation du parc. D'autres moyens existaient comme la mise en place de zones bleues limitant la durée du stationnement. Mais beaucoup de mairies ont préféré l'instauration du stationnement payant, bien plus intéressant financièrement. Paradoxalement, ce sont des considérations financières qui vont sceller le sort du stationnement payant tel qu'on le connaissait jusqu'à aujourd’hui.
Même si le montant de l'amende avait été réévalué passant de 11 à 17 euros, il demeurait bien souvent peu dissuasif surtout lorsque l'heure de stationnement atteint les 4 euros. Avec de tels montants, nombreux sont les automobilistes à tenter leur chance et à préférer ne pas payer, en croisant les doigts pour ne pas être verbalisés.
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C'est pour cette raison que beaucoup de maires ont plaidé depuis longtemps pour une augmentation massive du montant de l'amende. Mais ce qui est envisageable dans certaines grandes agglomérations ne l'est pas forcément partout. Aussi, de nombreux responsables locaux souhaitaient pouvoir mettre en place une tarification à la carte. Problème : le non paiement du stationnement de surface est une infraction pénale. En d'autres termes, le stationnement payant est régi par la loi pénale or, cette loi doit être la même pour tous, que l'on stationne son véhicule à Marseille, Lille, Brest, Besançon ou Paris.
Une seule solution pour pouvoir faire varier le montant de l'amende pour non-paiement du stationnement : sortir du droit pénal. Ce qui sera donc effectif en 2018. Zapper l'étape parcmètre ne sera donc plus demain une infraction. Mais, attention, cela ne signifie pas que l'automobiliste distrait s'en tirera sans bourse délier, bien au contraire.
Une addition jusqu'à 50 euros
On abandonne le pénal, on ne parlera donc plus d'amende, mais de "forfait post stationnement" (FPS). L'idée est de pouvoir régler son stationnement soit avant soit après. Et l'on s'en doute, payer après reviendra beaucoup, beaucoup plus cher.
A Paris, on parle d'un FPS pouvant aller jusqu'à 50 euros selon les arrondissements. Dans les Hauts-de-Seine, pour Antony, le FPS a été annoncé à 20 euros, à Levallois-Perret, il passe à 32 euros, tandis que sa voisine Neuilly-sur-Seine monte jusqu'à 50 euros. A Dinan, son montant a été porté à 23 euros. Colmar l'a fixé à 25 euros, tandis que Saint-Nazaire réclamera quelques euros de plus : 28. Angers vient de le fixer à 27 euros. Toulouse passe à 30 euros, Bordeaux et Strasbourg à 35 euros.
Certaines villes ont préféré ne pas augmenter le coût pour l'automobiliste : Montargis, Guéret, Orléans ou encore Montluçon ont maintenu une somme de 17 euros. Et il sera juste de saluer les villes de Moulins, Nancy ou Cagnes-sur-Mer, qui le limiteront à 10 euros (avec un mécanisme de majoration à 25 euros). Pour certaines agglomérations, la baisse a été symbolique, c'est le cas, par exemple, à Saint-Laurent-du-Var, qui fait aux automobilistes un petit cadeau d'un euro, avec un FPS à 16 euros.
Mieux encore : dans les Côtes-d'Armor, Lannion a pris la décision de supprimer le stationnement payant au profit d'un dispositif de zones bleues. Attention, toutefois, pour les automobilistes habitués des zones bleues, l'addition passera de 17 à 35 euros partout (en tout cas sur l'ensemble des zones bleues du territoire).
Avec ce forfait post-stationnement, le montant à payer pourra varier en fonction de la zone de stationnement. Ainsi, d'une rue à une autre, le montant à régler par l'automobiliste pourra différer. Par exemple, pour Bourges, le FPS sera de 25 euros en zone orange et passera à 50 euros en zone verte. A Saint-Brieuc, il a été fixé à 23 euros en zone jaune, contre 35 euros pour la zone rouge du centre ville.
Des mauvais payeurs plus souvent repérés
Il va devenir très difficile pour les automobilistes de passer à travers les mailles du filet. A partir du moment où le non-paiement du stationnement n'est plus une infraction, plus besoin d'agents pour verbaliser. La gestion du stationnement de surface va pouvoir être déléguée au secteur privé. Sans même évoquer l'éventualité d'une recherche accrue de rentabilité, la constatation du défaut de paiement va être considérablement simplifiée.
Les Parisiens l'auront peut-être remarqué, le parc d'horodateur a été renouvelé avec l'arrivée de nouveaux appareils qui pour le paiement nécessitent de renseigner le numéro d'immatriculation du véhicule stationné.
Dès lors que le gestionnaire peut vérifier le paiement non plus grâce à un ticket mais par informatique, des possibilités infinies s'offrent à l'usager comme à ce gestionnaire. Pour l'usager, le ticket devient inutile, plus besoin, alors, d'aller à son véhicule remettre un ticket dès que le temps de stationnement est écoulé. Et des applis permettent à l'usager de régler directement depuis son smartphone. Plus besoin, donc, de se déplacer et la mise en place d'alerte peut lui éviter une verbalisation pour cinq ou dix minutes de trop.
Pour le gestionnaire, la dématérialisation ouvre également des perspectives intéressantes. Avec une détection de paiement ou du défaut de paiement par le biais d'un numéro d'immatriculation, on imagine aisément une constatation considérablement simplifiée avec le recours à un dispositif de Lecture automatique des plaques d'immatriculation (LAPI) embarqué dans un véhicule par exemple.
Des forfaits post stationnement difficilement contestables
La dépénalisation du stationnement détourne le contentieux qui en résulte du juge pénal. Bien sûr, cela ne signifie pas que l'usager se retrouve du jour au lendemain privé de tout recours. Mais faire valoir ses droits risque de s'avérer encore plus compliqué qu'aujourd'hui. Première étape dans le parcours de contestation : un recours administratif préalable obligatoire qui sera formé dans un délai d'un mois auprès de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunal compétent. En l'absence de réponse au bout d'un mois, le recours administratif sera réputé rejeté. L'administration peut également envoyer à l'intéressé une réponse négative (ou positive).
En cas d'échec du recours administratif, l'usager pourra passer à l'étape suivante et tenter d'avoir accès au juge. L'automobiliste sera heureux de constater que le législateur a mis les petits plats dans les grands avec la création d'une juridiction spécialisée : la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP). Il déchantera vite lorsqu'il comprendra que pour avoir le plaisir de voir cette CCSP se pencher sur le dossier, il lui faudra tout d'abord régler l'addition (à savoir le FPS), comme le permet l'article L2333-87-5 du Code général des collectivités territoriales.
Si l'usager a la chance de voir appeler son dossier en audience publique, il découvrira alors que cette juridiction spécialisée est unique et ce, dans tous les sens du terme. Il n'y en a qu'une seule en France et elle a été installée à Limoges. Pas sûr que les automobilistes pour un FPS certes à 40 ou 50 euros (dont ils auront dû se délester pour avoir accès au juge) se bousculent au portillon de cette juridiction limougeaude.
Maître Le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile Club des Avocats intervient sur son blog et sur LCI.