La pénurie d'essence est-elle une excuse valable pour ne pas aller au travail ?

par Sébastie MASTRANDREAS
Publié le 10 octobre 2022 à 13h11
La pénurie d'essence est-elle une excuse valable pour ne pas aller au travail ?

Certains employés ne peuvent pas se rendre au travail en voiture ce lundi matin, faute d'essence.
Peuvent-ils invoquer la pénurie d'essence pour justifier leur absence ?
On fait le point avec Eric Rocheblave, avocat en droit du Travail.

Leurs réservoirs sont à sec. Après un weekend de galère pour des milliers de Français qui ont tenté de s'approvisionner en carburants, certains n'y sont pas parvenus. Résultat : ils ne peuvent tout simplement pas se rendre à leur travail ce lundi.  

Alors que globalement près de 30% des stations-service en France connaissent des difficultés sur au moins un carburant (45% des stations à sec en Île-de-France et  55% dans les Hauts-de-France), la situation qui inquiète de nombreux professionnels pourrait durer encore plusieurs jours. Dans ces conditions, les salariés ont-ils le droit de ne pas se rendre au travail, faute d'essence ? On fait le point. 

"Pas un cas de force majeure"

"Le Code du Travail ne prévoit pas de disposition spéciale en cas de pénurie d'essence", explique à TF1info Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du Travail, inscrit au barreau de Montpellier. "Dans la plupart des situations, le trajet domicile-lieu de travail relève du choix de l'employé. Dès lors, le déplacement jusqu'à son lieu de travail relève de sa responsabilité, et non de celle de l'employeur", poursuit-il.

 

La pénurie d'essence, de même que des intempéries ou des grèves, sont donc le problème de l'employé, résume l'avocat. "S'il n'embauche pas à l'heure, il doit s'en justifier", ajoute Eric Rocheblave, ou bien, il s'expose à des sanctions et une retenue sur son salaire, proportionnelle au temps non travaillé. Or, "le motif de la pénurie ne relève pas d'une absence justifiée, car il ne s'agit pas d'un cas de force majeure", selon lui. En effet, cette force majeure, encadrée par la loi, doit réunir trois éléments pour être invoquée : il faut qu'il y ait un événement extérieur à l'employé, imprévisible et irrésistible. 

Si le premier élément est validé, les deux autres ne le sont pas, note le spécialiste. "On parle depuis plusieurs jours de cette pénurie, il appartient dès lors au salarié de prendre ses dispositions. Ce n'est pas imprévisible", justifie-t-il. Quant à la question de l'irrésistibilité de la situation, "des alternatives sont possibles, comme les transports en commun, le vélo - quand l'employé vit assez près de son lieu de travail - ou encore le covoiturage", souligne Eric Rocheblave. 

S'il ne peut pas invoquer la situation des stations services à sec pour justifier son absence, l'employé peut tout de même opter pour le dialogue avec l'entreprise, qui peut permettre "des aménagements pour l'employé en fonction de la situation", nuance le spécialiste. L'employé peut par exemple, en accord avec son employeur, décaler ses horaires, récupérer ses heures perdues, poser des RTT... "Tout est possible", conclut l'avocat. 


Sébastie MASTRANDREAS

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