RÉEL VS VIRTUEL - Partenaire du Prix Entreprises pour l’environnement (EpE), LCI vous livre pendant un mois des articles autour de la thématique digital et environnement. Cette semaine, nous nous penchons sur la dématérialisation des papiers courants. Une pratique qui ne dessert pas forcément l'environnement. Explications.
Au fil des ans, notre boîte aux lettres est de moins en moins sollicitée. Si les prospectus y sont, certes, toujours aussi nombreux, les lettres s'y font de plus en plus rares. Parmi les absents les plus récurrents : les fiches de paie et les factures, qui ont quasiment disparu. Les entreprises se laissant de plus en plus tenter par la dématérialisation. Les salariés et clients ont donc désormais accès à leurs documents directement par mail ou depuis une plateforme de stockage en ligne. Mais cette disparition du papier se fait-elle vraiment au profit de l'environnement ?
Le bilan carbone d'un courrier
De prime abord, la diminution de notre consommation de papier pourrait sembler être une bonne nouvelle. En France, nous en consommons en moyenne 131 kilos par personne et par an, dont 48 à usage graphique. C'est-à-dire destinés à des fins d'impression ou d'écriture. Or, la production du papier, tout comme son impression et son envoi par courrier a un impact sur l'environnement. D'autant plus que seul 50% du papier est recyclé après usage.
Selon le rapport "Paper Cuts – Recovering the Paper Landscape" publié par le Worldwatch Institute, 2 à 3,5 tonnes de bois sont nécessaires à la fabrication d'une tonne de papier. La matière première est ensuite transformée en pâte grâce à des procédés chimiques ou mécaniques, puis blanchie. Une étape qui nécessite là encore l'utilisation de produits chimiques (eau oxygénée, eau de Javel, chlore gazeux…). Une fois la feuille formée grâce à d'immenses presses généralement chauffées à la vapeur, elle est séchée dans des cylindres chauffants ou encore par micro-ondes.
Au total, d'après le label Energy Star pour les produits écoénergiques, la simple fabrication d'une feuille de papier consomme 0,017 kWh. Pour une ramette de 500 feuilles, il faut donc 8,5 kWh, soit l'équivalent de 629 grammes de CO2.
Découpé puis emballé, le papier passe d'intermédiaires en intermédiaires jusqu'à son utilisateur… avant d'être mis en page et imprimé. Une étape là encore consommatrice d'énergie. En étant allumé quinze minutes, un ordinateur consomme environ 51 W, tandis que pour la simple impression d'une copie, une imprimante en consomme en moyenne 15. Soit la consommation d'une ampoule à économie d'énergie pendant 44 minutes. L'encre a elle aussi une haute empreinte écologique puisqu'elle contient des colorants, des résines, ou encore des cires. Les cartouches d'encre usagées, qui contiennent également des métaux lourds, font d'ailleurs partie de la catégorie des Déchets Industriels Spéciaux (DIS).
Envoyé de façon prioritaire à une adresse située à une dizaine de kilomètres du point de départ, le courrier aura un bilan carbonne équivalent à une quinzaine de grammes de CO2, selon l'éco-calculateur mis en place par la Poste. Une émission qui correspond à celle d'une photo envoyée par e-mail.
Lire aussi
Voiture électrique : un véhicule qui pollue quand même
Lire aussi
Ce que consomment vraiment nos appareils en veille
Le bilan carbone d'un document dématérialisé
Le document dématérialisé paraît de son côté beaucoup plus vert. Ici, pas de bois coupé, ni d'industrie. Seulement du virtuel. Pourtant, les choses ne sont pas aussi simples qu'il n'y paraît. Outre l'utilisation de l'ordinateur qui consomme environ 1,64 kWh par jour (s'il est allumé pendant 8h), la création du document, puis de l'e-mail ainsi que son envoi et sa lecture pèsent eux aussi sur le bilan environnemental.
Selon les calculs de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), envoyer un courrier électronique de 1 Mo à une personne équivaut à la consommation directe de 25 Wh, soit 25 minutes d'utilisation d'une ampoule de 60 W et environ 3 grammes d'équivalent CO2. Et cela est sans compter le temps de lecture du destinataire. "Pour un document de 4 pages, dont le temps de lecture est évalué à 3 - 4 minutes par page, il est préférable d'opter pour la lecture à l'écran, qui aura alors moins d'impact sur le potentiel de réchauffement climatique. Au-delà de 15 minutes environ consacrées à la lecture de ce document de 4 pages, il est préférable de l'imprimer en noir et blanc, recto/verso, 2 pages par face", conseille l'agence.
L'option de stockage que choisit le destinataire est aussi déterminante. Car plus un courriel ou un document est conservé longtemps sur un serveur, plus il a un impact négatif sur le climat. Le stockage d'un e-mail, par exemple, représente l'équivalent de 10 g de CO2 par an, selon la start-up Cleanfox spécialisée dans le nettoyage des boîtes mail. 1.000 courriels stockés durant une année produisent donc l'équivalent d'un kilo de CO2, soit la fabrication de 100 feuilles de papier de 80g. Et lorsqu'on sait que la Poste (Digipost) ou Peopledoc proposent de stocker de 5 à 10 Go à vie... le réchauffement climatique n'a pas fini de faire parler de lui.
En résumé, et parce que la majorité d'entre nous possède quoi qu'il en soit un ordinateur, le document dématérialisé a moins d'impact environnemental... si, et seulement si, il n'est pas lu plus de 15 minutes, s'il n'est pas stocké plus d'un an et demi et s'il n'est pas imprimé, confirme l'Ademe à LCI. Pour une facture, cela est donc tout à fait faisable, selon la garantie ou la politique de retour appliquée au produit. Pour une fiche de paie en revanche, qui doit être conservée à vie, la dématérialisation est loin d'être écologique. Mieux vaut finalement la recevoir une bonne fois pour toutes par courrier.
Entreprises pour l’Environnement (EpE), associée LCI, lance pour la 13e année consécutive, son appel à candidature pour le Prix Jeunes pour l’Environnement doté de plus de 10.000€. Cette année, les concurrents doivent réfléchir à la question suivante : "Digital et Environnement : quelles connexions ?"
Les jeunes de moins de 30 ans ont carte blanche ! Ils sont invités à présenter des idées inédites, des solutions concrètes de services ou d’applications, d’objets connectés, de chatbot, etc… favorisant l’environnement (climat, biodiversité, ressources, eau…) ou, à l’inverse, des solutions concrètes pour diminuer l’impact du recours au digital. Pour plus d'information, rendez-vous sur le site dédié.