NOUVEAUTÉ - Ça bouge pour les permis probatoires. Le gouvernement vient de changer les règles avec la possibilité de suivre une formation post permis pour réduire la période probatoire de trois à deux ans. Les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat des conducteurs.
C'est une façon d'inciter les jeunes conducteurs à se former un peu plus. L’"Ordonnance n°2018-207 du 28 mars 2018 relative à la réduction du délai probatoire pour les titulaires d'un premier permis de conduire qui ont suivi une formation complémentaire" permet en effet à ceux qui n'ont pas commis d'infraction d'obtenir leurs 12 points au bout de deux ans (au lieu de trois) s'ils passent une formation supplémentaire après l'obtention de leur permis de conduire.
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Ce texte publié le 29 mars 2018 au Journal officiel ne donne pas encore toutes les modalités pratiques de cette formation. La Sécurité routière a annoncé ce jeudi 23 août qu'elle serait mise en place au début de l'année 2019. Pour le moment, rien n'a filtré sur le contenu de la formation ni sur son coût. Mais voici ce que l'on sait de cette mesure et les raisons qui ont poussé le gouvernement à la mettre en place.
Une vraie bonne idée !
Les conducteurs le regrettent souvent, ces dernières années, la politique de sécurité routière suit davantage la voie de la répression que celle de la sensibilisation et de la formation. Or les conducteurs les plus jeunes représentent à l’évidence une population à risque. "Le risque d’être tué pour un automobiliste novice (détenteur d'un permis B depuis moins de deux ans), rapporté au nombre de kilomètres parcourus, est le triple de celui d’un conducteur expérimenté", selon les statistiques publiées par la Sécurité routière dans son dernier bilan annuel de l'accidentalité.
S’il est difficile de stigmatiser les plus jeunes qui parfois roulent bien plus que leurs aînés, il est incontestable que l’expérience et la confrontation aux conditions réelles de circulation favorisent un changement des comportements au volant. L’idée de compléter la formation initiale par une piqûre de rappel auprès de jeunes conducteurs qui auront pu faire leurs premiers de kilomètres seuls au volant ne peut qu’être saluée.
Une idée de 2015
L’idée était déjà en germe depuis quelque temps, on la retrouve notamment dans les propositions du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR). Ce concept de formation post permis n’a pas été repris lors du dernier CISR de janvier 2018 mais il faisait partie des mesures proposées par le CISR du 2 octobre 2015.
Une mesure complémentaire D 27, proposait, en effet, d’"expérimenter, en liaison avec le monde professionnel de l’enseignement de la conduite et les assureurs, le continuum éducatif du citoyen usager de la route (CECUR), qui vise à instaurer un enseignement collectif avant et après le passage de l’épreuve pratique et à créer des rendez-vous pédagogiques postérieurs à cette épreuve, sur la base d’une réduction proportionnelle de la période d’apprentissage à l’obtention du permis". Loin d’être restée lettre morte, cette idée de formation post permis a été reprise dans une proposition de loi "visant à instaurer une formation complémentaire obligatoire après l'obtention du permis de conduire" présentée au Sénat le 14 octobre 2015.
Avec cette proposition de loi aurait été créé un nouvel article L. 223-1-1 dans le Code de la route précisant que "durant la période probatoire, le titulaire du permis de conduire poursuit une formation obligatoire composée de trois modules : deux modules d'approfondissement de la conduite et un module de sensibilisation aux dangers de la route. Toutefois la formation prévue au premier alinéa peut être dispensée à tout moment lorsque le titulaire du permis de conduire n'a pu la suivre pendant la période probatoire. Cette seconde phase de formation se déroule au sein d'une auto-école. Son coût est à la charge du titulaire du permis de conduire. A l'issue de cette deuxième phase de formation, une attestation est remise par l'auto-école."
Un dispositif déjà en vigueur en Europe
Cette proposition avortée de 2015 s’inspirait tout simplement de ce qui se pratiquait déjà chez certains de nos voisins européens qui imposent pour les jeunes conducteur un retour en formation dans les 12 mois après l’obtention de l’examen en Autriche et en Slovénie, dans les 23 mois en Estonie ou dans un délai entre 6 et 24 mois en Finlande.
Une formation post permis sur la base du volontariat
Contrairement à la proposition de 2015, l’Ordonnance du 28 mars 2018 ne rend pas la formation post permis obligatoire. Elle s’effectuera sur la base du volontariat. Pour inciter les jeunes conducteur à reprendre le chemin de l’école, le gouvernement a prévu une réduction du délai de probation en complétant l'article L. 223-1 du code de la route par un deuxième alinéa :
"Le délai probatoire est en outre réduit pour le titulaire d'un premier permis de conduire qui se soumet à une formation complémentaire et ne commet durant ce délai aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points ou ayant entraîné une mesure de restriction ou de suspension du droit de conduire."
Cet article prévoit déjà, en effet, un délai probatoire plus court de deux ans (au lieu de trois) pour les conducteurs ayant suivi l'apprentissage anticipé de la conduite.
Potentiellement 3 points en plus au lieu de 2 à l’issue de la première année de permis
Cette réduction du délai de probation s’accompagne également d’un aménagement des modalités de majoration du nombre de points affectés au permis de conduire. C’est ce qu’a fort logiquement expliqué le ministre de l’Intérieur lors du Conseil des ministres du 28 mars : "cet aménagement de la durée de la période probatoire a pour conséquence pour le conducteur remplissant les conditions d'atteindre plus rapidement le nombre maximal de points."
En clair, les conducteurs optant pour cette formation complémentaire pourront récupérer non pas deux points supplémentaires au terme d’une première année de permis sans infraction ayant entraîné retrait de points mais bien trois points.
Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile Club des Avocats, intervient sur son blog et sur LCI.