#Perriscope n°18 - Les bourses rient, les banques pleurent

Pascal Perri, économiste
Publié le 4 mai 2020 à 15h28
#Perriscope n°18 - Les bourses rient, les banques pleurent
Source : LCI

PARADOXE ? - Les économies s'endettent et marquent le pas mais les bourses affichent une santé presque arrogante. Comment expliquer un tel décalage ? L'analyse de Pascal Perri, économiste.

La France a enregistré une  baisse de son PIB spectaculaire, supérieure à celle de ses principaux partenaires européens. Pourquoi ? Recul sans précédent de la production, de la consommation et de l’investissement… La France offre depuis mars un système de chômage partiel très généreux qui a sans doute incité de nombreuses entreprises à interrompre la production. L’arrêt brutal de l’activité, le confinement strict, la baisse de la consommation et l’augmentation massive de l’épargne constituent la toile de fond de cette baisse spectaculaire de la richesse créée. 

Plusieurs thermomètres de l’économie vont pourtant à contresens de ces chiffres alarmants. Les bourses reprennent des couleurs. Le DAX allemand progresse, le CAC 40 se reprend et Wall Street termine avril à +13%, le meilleur mois d’avril de la place financière américaine depuis 1987. Un observateur tombé du ciel pourrait se dire : comment expliquer des indications cliniques aussi contradictoires sur l’état de santé du malade ? La production et la consommation en berne, les bourses qui se réjouissent ! Fichtre. 

L’explication est assez simple. Les 5 grandes valeurs américaines, indicateurs stars des valeurs technologiques ont dépassé la barre des 5000 milliards de capitalisation boursière. Google et Amazon sont en pleine forme, tout comme les autres grands acteurs du marché des activités on line. La crise renforce ces entreprises dont l’activité est orientée vers l’accès (aux consommateurs). Les ventes désintermédiées ont surperformé (par rapport à leur niveau habituel) au cours de la crise du Coronavirus. Le blocus du commerce physique et des activités intermédiées a boosté le canal digital. Des réflexes ont été acquis. 

Le commerce physique doit désormais relever le défi avec ce handicap décisif que lui, paye des impôts et des cotisations sociales ! Comme l’écrit l’avocat Erwan Le Noan, lundi dans les Echos, "le risque de concentration de l’économie guette l’économie". La période en cours favorise les consolidations, les plus faibles tombant à la merci des plus puissants ! Voir la vérité en face, c’est ici admettre que les usages des consommateurs ont été durablement impactés et que  notre modèle de fiscalité sur le commerce est désormais totalement hors sujet. Ajoutez à cela les difficultés de transport dans les métropoles où se trouve l’offre commerciale off line et chacun comprendra que l’explosion des valeurs boursières des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) n’est pas un fantasme de garçon de bourse mais la traduction d’une tendance lourde du marché. 

Les GAFAM, entreprises dites OTT, pour "over the top", au-dessus de nous, plus fortes et plus résilientes que les banques et les Etats ? La crise semble le démontrer et il faut en tenir compte pour l’avenir.
Pascal Perri

Des entreprises technologiques à la fête et des banques sous pression : ceux qui prévoient un infléchissement des modèles financiarisés se sont peut être égarés en route ! Les banques qui financent l’économie réelle sont éprouvées. Le Crédit Lyonnais est le premier a révéler une baisse de son produit net bancaire et une augmentation du risque. BNP et quelques autres devraient suivre. Les GAFAM, entreprises  dites OTT, pour "over the top", au-dessus de nous, plus fortes et plus résilientes que les banques et les Etats ? La crise semble le démontrer et il faut en tenir compte pour l’avenir. 

Au lendemain de cette crise terrible, il faudra faire des choix. La communauté financière fait confiance aux entreprises de l’Internet et parie sur un rebond des marchés mais elle doute des Etats. L’argent emprunté par ceux-ci devra être remboursé d’une façon ou d’une autre. Attention toutefois, on ne pourra pas en même temps protéger l’emploi, les salaires, le pouvoir d’achat, les entreprises, et le patrimoine des Français. Les ajustements de valeur se feront au détriment de quelqu’un ! François Lenglet de TF1, auteur de "Tout va basculer" rappelle que le surendettement se termine toujours par une crise financière de garde ampleur. A bon entendeur…


Pascal Perri, économiste

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