ANALYSE - Plusieurs voix s'élèvent depuis quelques jours pour demander le rétablissement de l'impôt sur la fortune dans le cadre de la crise économique liée au Covid. Est-ce économiquement efficient ? Voici l'analyse de Pascal Perri, économiste.
La clameur monte du fond du pays qui réclame une saignée sur l’argent des "riches". Les plus fortunés doivent apporter leur contribution aux difficultés du pays ! Ne le font-ils pas déjà ? Après Laurent Berger et Nicolas Hulot, Esther Duflot, prix Nobel d’économie estime dans le JDD qu’il faut taxer la fortune pour redistribuer vers les ménages les plus pauvres. Qui sont les riches "à taxer" ? Les super-riches ont déjà quitté le pays. Ceux qui sont restés, es qualité de contribuables sont régulièrement montrés du doigt.
Le capital est mobile. Il circule librement et va s’investir là où son statut est le plus respecté. Ne jetons la pierre à personne. A l’échelon d’un foyer ou d’un individu, les arbitrages sont identiques. Vous même, iriez-vous investir vos économies dans une affaire douteuse ? Quand un placement est meilleur qu’un autre, lui tournez vous le dos ?

Le plus grand flou accompagne le concept de riche. Nous avons tous qu’en France, le riche est d’abord "celui qui est plus riche que moi". Le riche c’est l’autre. Celui qui est préposé au paiement parce que son statut de riche le désigne comme un débiteur à l’égard de la société. Une certaine vox populi présente sous le qualificatif de riches, non plus les rentiers du 19e siècle mais plutôt les entrepreneurs. "Derrière chaque fortune il y a un crime" écrivait Balzac. Le succès des entreprises se fait toujours au détriment de quelqu’un ajoute les tenants de la lutte des classes, oubliant au passage, les intuitions, le risque, le talent, les engagements, le travail. L’entreprise est certes une aventure collective associant le capital et le travail mais notre système social, en partie financé par le capital, assure le travail quand il fait défaut.
La sociologie et à certains égards la philosophie ont été très largement enseignées en France pour susciter le doute sur l’avoir. Certains manuels de sciences économiques présentent même l’entreprise comme un espace de conflits. Le vieux fond chrétien qui inspire les encyclopédistes, pères de nos pensées, rappelle d’ailleurs que les derniers seront les premiers et qu’il faut toujours préférer les valeurs immatérielles aux biens de ce monde. Des générations de jeunes gens ont été élevés à l’apprentissage des inégalités. On a plus insisté sur les écarts de fortunes en s’interrogeant plus sur leurs origines que sur la construction d’un Etat providence sans égal dans le monde occidental. A tel point que nous avons promu l’impôt sur la fortune au rang d’un totem idéologique et plus récemment la taxe à 75% pour saisir tout ce qui se trouvait au dessus de la barre symbolique du million d’euros !
Au sens français, le riche est celui qui gagne bien sa vie et c’est pour cela que la promesse de faire payer les riches se traduit toujours par une ponction violente sur les classes moyennes supérieures
Pascal Perri
Le fiscalisme et la taxomania sont les deux réponses françaises aux crises. A aucun moment l’Etat ne s’interroge sur l’utilisation qu’il fait de l’argent des autres, ce qu’on appelle pudiquement l’argent public comme s’il n’avait pas été privé avant de devenir public. Dans la crise du Coronavirus, le gouvernement a très opportunément soutenu les agents économiques que sont les entreprises et les ménages. Il a garanti des prêts aux entreprises, renoncé à percevoir une part des prélèvements qui lui étaient dus, soit au titre de l’impôt, soit au titre des budgets sociaux auxquels il apporte sa garantie, il a distribué des revenus sociaux additionnels aux familles en difficulté, à 800 000 étudiants et il abonde le très généreux chômage partiel dont le coût final devrait se situer autour de 40 milliards d’euros. Observons au passage que rares ont été ceux à dire simplement : merci ! On a entendu plus de voix pour dire que "ça pourrait être un peu plus", "un peu mieux" ou à défaut que demain n’était pas garanti.
La fiscalité-puisque c’est elle qui, tôt ou tard, va être appelée en renfort-connaît une loi d’airain que résume la formule suivante : une assiette large et des taux modestes. C’est ainsi que l’impôt rentre mieux sans éreinter ceux qui veulent encore investir et prendre des risques. Nous faisons exactement l’inverse. Une assiette trop courte et des taux trop élevés. La boucle est ainsi bouclée. Les super riches, autrement dit les vrais riches partis, restent les autres. Au sens français, le riche est celui qui gagne bien sa vie et c’est pour cela que la promesse de faire payer les riches se traduit toujours par une ponction violente sur les classes moyennes supérieures, celles qui sont les principaux contributeurs à l’impôt sur le revenu et à la CSG, celles qui n’ont pas hérité, celles qui ont constitué une épargne de précaution. Ne méprisons pas cette France là, c’est elle qui, en grande partie, finance la solidarité des revenus sociaux, celle des retraites, c’est elle aussi qui tire le marché intérieur, moteur dominant de notre croissance économique.
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