PV pour vitres teintées : les premières victoires des automobilistes

Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)
Publié le 11 novembre 2017 à 14h00, mis à jour le 24 janvier 2018 à 15h32
PV pour vitres teintées : les premières victoires des automobilistes
Source : Flickr / JPC24M

INFRACTION - Le Code de la route prohibe désormais les vitres avant trop sombres, les verbalisations n'ont pas tardé et les contestations aussi. La justice vient de donner gain de cause à plusieurs automobilistes, mais peut-on pour autant faire à nouveau teinter ses vitres ? Éléments de réponse avec Me Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.

Les vitrages trop sombres à l'avant des véhicules sont prohibés par le Code de la route depuis le 13 avril 2016. Plus précisément l'article R.316-3 indique que "les vitres du pare-brise et les vitres latérales avant côté conducteur et côté passager doivent en outre avoir une transparence suffisante, tant de l'intérieur que de l'extérieur du véhicule, et ne provoquer aucune déformation notable des objets vus par transparence ni aucune modification notable de leurs couleurs. La transparence de ces vitres est considérée comme suffisante si le facteur de transmission régulière de la lumière est d'au moins 70%. En cas de bris, elles doivent permettre au conducteur de continuer à voir distinctement la route. Toute opération susceptible de réduire les caractéristiques de sécurité ou les conditions de transparence des vitres prévues aux alinéas précédents est interdite." 

Le degré d'opacité évalué sans instrument de mesure

Rapidement les premières verbalisations ont été effectuées, et ce d'autant plus facilement qu'il est aisé de repérer dans la circulation un véhicule équipé de vitrages teintés. Pour les contrevenants c'est une amende de 135 euros et surtout 3 points en moins sur le permis de conduire.

Mais concernant l'application de cet article la difficulté ne réside pas véritablement dans le ciblage opéré par les agents verbalisateurs. Elle surgit lorsqu'il s'agit de s'assurer de la réalité de l'infraction. Le texte est très clair et fait référence à un facteur de transmission régulière de la lumière d'au moins 70%. Or, jusqu'à présent, les forces de l'ordre ne disposent pas d'appareils homologués permettant de mesurer ce facteur de transparence.

Les premières décisions en faveur des automobilistes

C'est ce qui a conduit plusieurs juridictions à relaxer les automobilistes ayant contesté leurs verbalisations. Après un premier jugement rendu par le tribunal de Police de Bernay le 10 octobre 2017, c'est le tribunal de Police de Montargis qui, à son tour, le 20 octobre a tranché en faveur de l’automobiliste en rappelant "qu'il appartient au ministère public de rapporter la preuve de l'infraction et en matière de constatations techniques la réglementation impose d'ordinaire aux forces de l'ordre l'emploi d'un appareillage de contrôle homologué, certifié et calibré chaque année, telle que les cinémomètres ou les éthylomètres". 

"Force est de constater qu'aucun appareil de ce type n'est mis à la disposition des forces de l'ordre alors que d'après divers avis d'experts, il est difficile voire impossible de déterminer à l’œil nu si le minimum requis de 70% de facteur de transmission de la lumière est atteint ou non. En l'absence d'une telle constatation appuyée sur un appareil homologué, certifié et vérifié, la réalité de l'infraction n'est pas justifiée."

Les vitres teintées à nouveau légales ?

La position des juridictions de Police sur les conditions d'application des dispositions de l'article R.316-3 du Code de la route était prévisible. Il est bien évidemment possible que le débat soit porté devant la chambre criminelle de la Cour de cassation qui devra alors trancher. Mais même une jurisprudence de la plus haute juridiction ne réglerait pas tout.

L'interdiction posée par cet article demeure tout à fait légale et n'a absolument pas été remise en cause par les tribunaux qui ont eu à se pencher sur la question des vitres teintées. Ces juridictions confirment simplement que la verbalisation implique le recours à des instruments de métrologie légale.

Le jour où les forces de l'ordre auront à leur disposition des appareils de contrôle, la verbalisation ne pourra que difficilement être remise en cause, en tout cas pas en ayant recours à l'argumentation développée jusqu'à présent.

Des appareils destinés à mesurer le facteur de transmission de la lumière existent déjà. Ils pourraient certainement recevoir toutes les homologations nécessaires à leur utilisation sur le terrain par les forces de l'ordre. On peut toutefois s'interroger sur la pertinence pour les forces de l'ordre d'investir dans de tels appareils. Contrairement à un éthylomètre ou un cinémomètre (un radar), un appareil de mesure de facteur de transmission de la lumière ne sera pas forcément utilisé tous les jours. 

L'interdiction des vitres surteintées fait grincer des dents les automobilistesSource : JT 20h WE
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Des vitres teintées de toute façon moins en vogue

Surtout, ce n'est pas la peur du gendarme qui va pousser les propriétaires de véhicules dotés de vitres teintés à les faire " dé-filmer", c'est tout simplement la perspective du contrôle technique. La présence de tels vitrages ne permet plus à un véhicule d'obtenir le précieux sésame.

Bien évidemment se pose également la question des modalités de mesure au sein des centres de contrôle, mais ces derniers qui voient défiler les véhicules à longueur de journée devraient s'équiper d'un appareillage spécifique sans doute plus rapidement que les forces de l'ordre.

La présence de vitres teintées au moment de la revente du véhicule posera bien souvent certaines difficultés au vendeur, les éventuels acheteurs anticipant les risques de verbalisation et le coût du "dé-filmage"'. Bon nombre de vendeurs ayant passé l'épreuve du contrôle technique feront donc procéder à la mise aux normes de leurs véhicules.

Finalement le nombre de véhicules encore pourvus de vitres avant teintées diminue à vue d’œil et là résidait sans aucun doute l'objectif de l'administration, verbalisations légales ou pas.

Maître Le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile Club des Avocats intervient sur son blog et sur LCI. 


Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)

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