PV - Après les radars de vitesse, les radars de feu rouge, les radars de passage à niveau, les radars de stop, la famille radar s'agrandit avec le radar piétons. Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile nous présente le nouveau venu.
On le répète régulièrement, et on le regrette parfois, la politique de sécurité routière se résume souvent au tout radar. Et c'est assez logique que soient déclinés de nouveaux appareils pour traquer des infractions jusqu'à présent uniquement constatées sur le terrain par des agents de police ou de gendarmerie.
De quoi s'agit-il ?
La presse l'a rapidement baptisé avec un joli nom de "radar piéton". Tout simplement parce qu'il a été installé sur un passage piéton. Les contrevenants visés ne sont pas les piétons mais bien les conducteurs. En théorie pourtant, les piétons pourraient être sanctionnés en cas d'infraction lors de la traversée de la chaussée. Le Code de la route s'applique, en effet, à tous les usagers de la route parmi lesquels les piétons. Lorsqu'un piéton souhaite traverser la chaussée il doit commencer par emprunter un passage clouté (Cf. article R.412-37 du Code de la route). En l'absence de passage protégé à moins de 50 mètres, le piéton peut librement traverser la chaussée, il doit néanmoins le faire "perpendiculairement à son axe". C'est ce que précise l'article R. 412-39 du Code de la route qui prévoit également qu'il "est interdit aux piétons de circuler sur la chaussée d'une place ou d'une intersection à moins qu'il n'existe un passage prévu à leur intention leur permettant la traversée directe. Ils doivent contourner la place ou intersection en traversant autant de chaussées qu'il est nécessaire."
Mais même une fois sur le passage clouté, les piétons ne peuvent pas faire comme bon leur semble. L'article R. 412-38 est très clair : "les piétons ne doivent s'engager qu'au feu (pictogramme) vert". Le Code de la route prévoit pour les piétons qui entameraient la traversée alors que le pictogramme est rouge une amende. Ce n'est toutefois pas avec les quatre euros prévus pour une amende de première classe que les municipalités risquent d'amortir l'investissement que représente l'installation d'un radar piéton.
Autre problème : le radar piéton ne permet pas l'identification du piéton contrevenant. Fort heureusement le Code de la route ne contraint pas les piétons à s'équiper d'un gilet fluorescent muni d'une plaque d'immatriculation.Jusqu'à ce que les progrès en matière de biométrie ne fassent sombrer la société dans un univers digne de George Orwell, les piétons seront donc à l'abri de verbalisation par traitement automatisé.
Tel n'est bien évidemment pas le cas des conducteurs de véhicules immatriculés qui seront, par ailleurs, bien plus lourdement sanctionnés que les piétons. L’article R. 415-11 du Code de la route prévoit, en effet, que "tout conducteur est tenu de céder le passage, au besoin en s'arrêtant, au piéton s'engageant régulièrement dans la traversée d'une chaussée ou manifestant clairement l'intention de le faire." En cas d'infraction, le contrevenant en sera quitte pour une amende de 135 euros (90 euros en tarif minoré) et une perte de quatre points sur le permis de conduire.
Un appareil en test dans l'Hérault
Le système actuellement en test à la Grande-Motte fonctionne comme le radar de stop qui avait été installé à Yerres dans l'Essonne en 2016 (et c'est d'ailleurs la même entreprise la société AFS2R qui commercialise les deux dispositifs). Le dispositif n'est pas autonome, les images enregistrées après la détection de l'infraction sont visionnées par un agent qui pourra alors constater l'infraction et procéder à la verbalisation.
Pour l'instant le radar piéton de la Grande-Motte est utilisé dans un cadre pédagogique. A cela, sans doute une explication d'ordre juridique avec une interrogation sur la légalité du dispositif. C'est ce qu'explique dans Le Progrès notamment le Maire de Saint-Bonnet de Mure qui indique néanmoins se heurter "à un vide juridique car ce type d'infractions constaté par vidéo n'est pas répertorié. La préfecture n'a pu nous donner un avis favorable."
L'élu fait certainement allusion aux dispositions de l'article R.121-6 du Code de la route. Cet article a été créé par un récent décret n°2016-1955 du 28 décembre 2016. Cet article qui liste l'ensemble des infractions pouvant être constatées par le biais de radars automatisés a été élaboré après la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle. Avec cette loi, a été transféré au pouvoir exécutif la faculté de fixer cette liste d'infractions pouvant être "radarisées".
Si l'on reprend la liste établie à l'article R. 121-6 du Code de la route, un alinéa 7 prévoit bien la possibilité de verbaliser de la sorte les infractions aux règles sur« les signalisations imposant l'arrêt des véhicules prévues aux articles R.412-30, R. 412-31 et R. 412-6 ». Mais rien n'est prévu par cet article R. 121-6 sur le refus de priorité au piéton.
Le système en test à la Grande-Motte s'apparente néanmoins plus à de la vidéo-verbalisation qu'à un traitement automatisé des infractions constatées par radars. Le recours à ce dispositif devrait alors s'insérer dans un cadre légal, défini par arrêté lui même soumis à la Préfecture.
Un cadre juridique qui pourra évoluer
Si aujourd'hui l'environnement juridique ne permet pas la verbalisation par le biais de ce nouveau « radar piéton », ce contexte peut évoluer très rapidement. En terme de vidéo-verbalisation, l'élaboration d'un arrêté ne présente rien d'insurmontable à partir du moment où se dégage une volonté politique. Et concernant la liste établie par l'article R.121-6 du Code de la route, les changements apportés par la loi de modernisation de la justice rendent son actualisation extrêmement simple : plus besoin de passer par le législateur, un simple texte élaboré par le pouvoir exécutif suffit désormais.
Maître Le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile Club des Avocats, intervient sur son blog et sur LCI.