Véhicules d'occasion : des acheteurs mieux informés ?

Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)
Publié le 3 mars 2018 à 14h00
Véhicules d'occasion : des acheteurs mieux informés ?

Source : Jay_Zynism / Thinkstock

À VENDRE - Le gouvernement veut régler le problème des épaves maquillées. A l’avenir l’acheteur pourra savoir si sa future voiture a fait l’objet de réparations importantes. Les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.

C'est une année record. 5.683.102 voitures d'occasion ont été vendues en France en 2017. Ce chiffre, donné par Autoscout 24, est d’autant plus impressionnant qu’il tient compte des deux derniers mois de l’année qui ont connu un recul inédit du fait des couacs liés aux nouvelles procédures dématérialisées au sein des préfectures. Si le marché de l’occasion peut devenir attractif en temps de crise, l’achat d’un véhicule ayant déjà quelques kilomètres au compteur présente forcément pour le consommateur un risque accru par rapport à l’acquisition d’une voiture neuve. Prenant acte des affaires qui ont pu secouer le monde de la vente d’occasion et peut-être effaroucher d’éventuels acheteurs, le gouvernement entend offrir aux consommateurs une information plus large.

C’est ce qu’explique le dossier de presse  du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) de janvier 2018 : "Des affaires retentissantes mettant en lumière des expertises frauduleuses de véhicules gravement endommagés remis en circulation alors qu’ils étaient dangereux imposent un renforcement de l’information des consommateurs sur l’état des véhicules qu’ils se préparent à acquérir (réparations importantes)." Une affaire à l’ampleur inédite, l’affaire dite des 5000 VO (pour véhicules d’occasion) a permis de mettre à jour des pratiques illicites aux termes desquelles se retrouvaient en circulation des véhicules pouvant présenter un risque en terme de sécurité du fait de réparations sommaires ou de l’emploi de pièces douteuses. 

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Pour le profane, il peut s’avérer quasiment impossible de déceler la réalisation de travaux d’importance sur un véhicule présenté à la vente. Rien ne contraint un vendeur à détailler par le menu toutes les interventions qui ont été faites sur les véhicules (à quelques exceptions près comme par exemple pour un passage au marbre, un procédé complexe visant à redresser l’ensemble de la structure d'une voiture), et d’ailleurs il se peut que le vendeur lui-même ignore totalement la survenance de ces travaux s’ils ont, par exemple, été entrepris par un précédent propriétaire. La plupart des réparations même de large ampleur peut demeurer connue du seul propriétaire et du réparateur ayant mené les travaux, difficile dès lors d’envisager une information exhaustive. 

Pour autant certaines interventions lourdes sont portées à la connaissance de l’administration. Il s’agit des réparations qui impliquent le contrôle du véhicule et des interventions par un expert en automobile. Dans le cadre de ces procédures, le véhicule ne peut être revendu tant que l’expert n’a pas donné un avis favorable sur la bonne réalisation des travaux. C’est la remise de son rapport qui permettra de lever l’interdiction de cession du véhicule. L’administration est donc tenue informée de la survenance de ces travaux et l’information est d’autant plus accessible qu’elle est renseignée sur le Système d’immatriculation des véhicules (le fichier SIV). L’idée du gouvernement est donc de permettre la consultation de cette information, c’est l’objet de la mesure n°16 présentée à l’issue du CISR.

Mesure n°16 du CISR

Voici ce que prévoit le 16e point du CISR : "Mettre à disposition de tout acheteur d’un véhicule d’occasion, gratuitement et simplement, sur le même principe que le certificat de non gage, l’historique des réparations importantes survenues sur ce véhicule."

Quel intérêt par rapport à un contrôle technique ?

Même si l’inspection périodique du contrôle technique est menée en profondeur (et elle le sera encore davantage à compter de mai 2018) certaines malfaçons ne sont que difficilement décelables. Tel sera, par exemple, le cas de travaux de soudure dont il est impossible de contrôler la bonne réalisation une fois recouverts d’une couche de peinture. 

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Confronté à un "véhicule à réparations contrôlées", l’acheteur potentiel pourra s’il le souhaite inviter le vendeur à lui fournir plus de détails sur ces réparations. 

Un coup dur porté aux professionnels indélicats

Avec un tel dispositif, clairement les trafics à grande envergure seront beaucoup plus compliqués à mettre en place. Il deviendra, en effet, difficile de travestir ces "véhicules à réparations contrôlées" en banal véhicules d’occasion sans antécédent particulier. S’il est bien sûr envisageable que de façon isolée de telles arnaques existent toujours, le nouveau dispositif ne devrait plus permettre à des filières illicites de prospérer.

Pourquoi pas une démarche volontaire pour le vendeur ?

Dans un premier temps, les informations mises à disposition de l’acheteur devraient être assez parcellaires et surtout ces renseignements ne portent que sur un véhicule ayant été soumis à une procédure administrative particulière nécessitant le contrôle par un expert en automobile. De même qu’il est possible de présenter son véhicule à un contrôle technique de façon volontaire, il pourrait être envisagé demain une démarche volontaire de la part d’un vendeur qui pourrait soumettre un véhicule à la vente au regard d’un expert. 

Un plus pour les consommateurs

Cette mesure a été présentée dans le cadre du CISR pour répondre à une problématique de dangerosité. Et effectivement pour ne parler que de l’affaire des 5000 VO, les expertises des véhicules concernés ont révélé de graves désordres pouvant présenter un risque réel pour le conducteur et les autres usagers. Cette mesure de plus grande transparence pourrait également éviter à des consommateurs abusés de se retrouver avec un véhicule inutilisable et invendable avec pour seul recours une action en justice (pour vices cachés par exemple) engagée à l’encontre de vendeurs parfois insolvables.

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Cette mesure qui doit être mise en place dans le courant de l’année 2018 ne devra néanmoins pas dispenser les acheteurs de faire preuve de bon sens lors de l’essai d’une éventuelle future voiture. Ne seront pas, en effet, concernés les véhicules n’ayant pas été soumis au contrôle d’un expert et qui peuvent avoir également subi de lourdes réparations. Quel que soit l’historique d’une voiture ou son état à un instant T, celui-ci peut évoluer rapidement en fonction de son usage et de son entretien. 

Quelques conseils pour bien choisir une voiture d'occasion ?Source : Sujet JT LCI
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Maître Le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile Club des Avocats intervient sur son blog et sur LCI.


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