Yuka, Y’a quoi dedans, Open Food Facts… Les applis alimentaires changent-elles vraiment notre façon de faire les courses ?

Publié le 18 octobre 2019 à 12h33, mis à jour le 21 octobre 2019 à 15h53
Yuka, Y’a quoi dedans, Open Food Facts… Les applis alimentaires changent-elles vraiment notre façon de faire les courses ?

PLUS SAIN - La volonté de bien manger est devenu une priorité pour bon nombre de familles. Résultat, un Français sur quatre utilise une application pour évaluer la qualité nutritionnelle des aliments, selon un sondage Ifop. Cette nouvelle pratique a-t-elle pour autant bouleversé nos habitudes de consommation ? Pas si sûr. Reportage dans une enseigne de grande distribution à Paris...

Que ce soit Yuka, l'application aux 10 millions d'abonnés, Y'a quoi dedans ?, lancée par Système U, ou encore, Open Food Facts, la pionnière, les coachs nutritionnels virtuels qui décortiquent la composition des aliments et distribuent les bons et mauvais points se multiplient à la vitesse de l'éclair. Tout comme l'intérêt du public. Selon un sondage Ifop pour la société Charal*, publié ce jeudi 17 octobre, 1 Français sur 4 dégaine désormais son smartphone pour faire ses courses et ils ont 76% à les utiliser depuis moins d'un an. Mais qui sont ces stakhanovistes du bien manger ? Pour l'Ifop, cela concerne plus particulièrement les femmes (57%), âgées de 50 ans et plus (44%), CSP+ (27%), et habitant Paris ou la région parisienne (23%). 

Pour en avoir le cœur net, nous nous rendons dans une enseigne de grande distribution, Porte d'Auteuil à Paris. Entre le rayon frais et les viennoiseries, nous scrutons le moindre comportement suspect. A savoir toute personne avec un paquet de gâteau ou un plat cuisiné à la main passant plus de 3 minutes à lire chaque étiquette. Premier constat, il n'y en a pas tant que ça. Nous décidons donc de nous diriger vers la première mère de famille poussant un caddie : "J'achète ce qui me fait envie ; la composition n'est pas vraiment une obsession pour moi",  dit-elle. "Je ne me pose pas vraiment de questions. Je fais confiance au packaging", lance une autre. Ça commence mal. 

Yuka, l'application en vogue

Pourtant, si l'on en croît l'Ifop, ces utilisateurs arpentent bien les supermarchés, avec un Graal - et quasiment le seul - : Yuka, la fameuse application à la carotte. D'après cette enquête, quand il s'agit de vérifier la présence de perturbateurs endocriniens dans les gâteaux et les jambons, elle est brandie par 88% des sondés, loin devant ses concurrentes. Bernard, 62 ans, est l'un d'eux. Repéré au fond du magasin, cela fait cinq bonnes minutes qu'il compare les pains de mie entre eux, avec le catalogue de promotions de l'enseigne dans une main et son smartphone dans l'autre.

"C'est mon épouse qui m'a initié", assure-t-il en expliquant que la répartition des tâches est bien huilée, lui faisant les courses la semaine dans une grande surface et elle se chargeant du marché le week-end. Chez eux, pas de produits transformés ni congelés, que du frais. "Tous les aliments que je passe au scanner de Yuka, je les connais bien maintenant, donc je les achète les yeux fermés. En revanche, quand j'ai affaire à une nouveauté, je sors systématiquement mon application", précise-t-il. Et le sexagénaire est particulièrement vigilant quand il s'agit de charcuterie : "Surtout les jambons, insiste-t-il. Parce que là on trouve de tout, surtout en matière d'additifs". Ce qui ne l'empêche pas d'éplucher toute la composition : "Un conseil, quand il y a plus de cinq ingrédients, il ne faut surtout pas en consommer", prévient-il, avouant que si un produit n'a pas les faveurs de Yuka, il n'est pas question pour lui de l'acheter !

La composition des produits, critère le plus important

Comme le souligne l'Ifop, ce sont surtout les produits  ultra transformés, comme les plats cuisinés, ou les gâteaux/biscuits sucrés, et dans une moindre mesure les produits bruts telles que les viandes rouges ou blanches, qui sont dans la ligne de mire des consommateurs. Conséquence, pour ces catégories, plus d’1/3 des utilisateurs changent de marque si le résultat donné par leur application n’est pas conforme à leurs attentes. C’est pour les viandes panées et les snacks du rayon traiteur que la sanction est la plus importante. 

Pour Karine, une jeune femme enceinte, rencontrée au rayon "légumes secs", le veto est immédiat quand les enfants sont concernés : "J'utilise Yuka notamment pour les gâteaux, le chocolat ou les céréales de ma fille, et je n'hésite pas à changer de marque si le résultat n'est pas bon, avance-t-elle. Mon critère le plus important, ce sont les additifs, car on sait que c'est cancérigène". Même son de cloche pour 51% des sondés par l'Ifop qui trouvent extrêmement important de savoir si les produits qu'ils achètent contiennent des colorants, des conservateurs ou encore des arômes. Viennent  ensuite la quantité de sucre (37%), la présence de certains ingrédients comme l'huile de palme ou le gluten (36%) ou la quantité de sel ou de graisse (33%).

Beaucoup de gens sont accros à ce truc ? C'est ridicule. Qu'est ce qui me dit que ce ne sont pas des groupes industriels qui sont derrière tout ça ?
Marie, 78 ans

Pour autant, des Gaulois font encore de la résistance. Pour ces réfractaires, pas question qu'une application dicte leur choix. Julie, une mère de famille de 35 ans, est bien décidée, par exemple, à continuer à acheter certains gâteaux à ses enfants même si elle sait que la composition n'est pas toujours idéale. "Je prends ça comme des produits d'appoint pour me dépanner. Sinon, je lis surtout la composition et la provenance des produits que j'achète, souligne-t-elle. Seule utilité de ces applications reconnue toutefois par la jeune femme : "Elles m'ont permis de voir que les sous-marques sont parfois de bien meilleure qualité que les marques elles-mêmes, surtout en matière d'additifs ou de sucre !" 

La sanction tombe également pour Marie. A 78 ans, cette ancienne prof de sciences naturelles ne mâche pas ses mots : "Beaucoup de gens sont accros à ce truc ? C'est ridicule. Qu'est ce qui me dit que ce ne sont pas des groupes industriels qui sont derrière tout ça ?", lance-t-elle. Pour notre doyenne, savoir ce que l'on mange, c'est avant tout une question de bons sens : "Il suffit de lire la composition. Comment faisait-on avant ? Par ailleurs, on est tellement informé qu'il suffit d'appliquer les conseils qu'on nous donne", dit-elle, tout en reconnaissant que ce n'est pas toujours facile. 

*Enquête Ifop MeatLabCharal réalisée du 18 au 20 septembre 2019 sur un échantillon national représentatif de 1006 individus âgés de 18 ans et plus et 500 utilisateurs d’applications alimentaires.


Virginie FAUROUX

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