"Bout de chantier" : comment la plateforme pour échanger les chutes de matériaux s'est bâtie un joli succès

Publié le 19 août 2023 à 9h30

Source : JT 20h Semaine

Pots de peinture, laine de roche, paquets de carrelages ou de lames de parquet entamés…
La plateforme "Bout de Chantier" donne une 2ᵉ vie aux surplus et chutes de matériaux qui dorment dans les caves et garages.
Objectif, favoriser le recyclage et diminuer les coûts de travaux.

Vous vous attelez à refaire votre cuisine. Vous passez des heures à tout calculer pour limiter les surplus : vous achetez des paquets de carrelage au centimètre carré prêt, vous optimisez vos plans de travail et vous prévoyez ce qu’il vous faut de plomberie. Problème, vos découpes vous obligent à racheter du carrelage, la société qui vous livre votre plan de travail se trompe de couleur et vous en fournit un autre et vous devez changer le tuyau d’évacuation de l’eau de l’évier finalement inadapté. Résultat, vous vous retrouvez avec une pléthore de matériaux dont vous ne vous servirez pas. Au mieux, vous les jetez en déchetterie mais ces chutes ne sont pas recyclées pour autant. Au pire, elles s’abîment, rongées notamment par l’humidité.

Depuis janvier 2023, la loi responsabilité élargie des producteurs (REP) oblige les fabricants et distributeurs, y compris dans le secteur du bâtiment, à se charger de la fin de vie des produits commercialisés. Or, ce principe "pollueur payeur" a encore du pain sur la planche : L’Agence pour la transition écologique (Ademe) estime que chaque Français dépose en déchetterie chaque année 200 kg de déchets et objets divers. Selon une étude de l’Institut FCBA (France cellulose bois-construction ameublement), sur un total de 2,3 millions de tonnes de déchets de bois récoltés en 2021, seulement 2,5 % ont permis de fabriquer de nouvelles palettes.

Du bois, la plateforme "Boutdechantier.com" en propose : lames de parquet, battants de fenêtres, planches… En 2019, Laurine Daurat, fraîchement diplômée en communication, décide d’aider sa maman Carole à monter un site internet pour revendre les surplus de matériaux. "Ma maman a cette idée depuis des années, mais elle ne savait pas comment le mettre en place. Professionnelle dans le domaine de la rénovation, elle se rendait en permanence jeter en déchetterie. Elle a voulu valoriser ces chutes de chantier. En 2019, on a mis nos connaissances en commun et on a travaillé avec un développeur pour lancer ce site d’annonces."

Entièrement gratuite, cette plateforme enregistre cinq nouvelles annonces tous les jours. Le revêtement du sol rencontre un franc succès : moquette, dalles. Les pots de peinture achetés en trop intéressent également les bricoleurs. "5000 visiteurs uniques par mois consultent nos annonces et nous progressons constamment", se réjouit Laurine Daurat. Ils sont parisiens, bordelais et lyonnais et s’intéressent aux chutes de chantier d’occasion affichées sur la plateforme. "Les vendeurs viennent plutôt du Nord et de l’Est, tandis que nos visiteurs résident plutôt dans des petites villes ou villages avec des projets de rénovation de maison. Ce sont des habitués des sites d’annonces qui ont fleuri ces dernières années. Ils sont familiers du recyclage et de la seconde main", ajoute la responsable communication du site.

Une fois sur le site, rien de plus simple : vous pouvez explorer les annonces qui apparaissent, rechercher celles dans le secteur où vous vous trouvez et affiner en déterminant une catégorie de bien : plomberie, outillage (perceuse ou raclette par exemple), industrie (vis), gros œuvre (reste de porte ou fenêtre ou laine de verre), etc. Si vous voulez vendre, créez un compte. "Vous pouvez ajouter une photo de votre bien et la localisation par région, département ou ville. Ma maman ou moi vérifierons que tout est cohérent et validerons dans les 24h. Pour l’instant, les premières annonces sont celles publiées en dernier", décrit Laurine Daurat. Les deux femmes laissent vendeurs et acheteurs échanger sans intervenir. "Ils se contactent directement et nous n’avons rien à dire sur les prix. Nous conseillons juste de privilégier le téléphone pour des questions de sécurité", complète Laurine Daurat. Elle précise vouloir prochainement installer une messagerie intégrée et développer l’ergonomie.

Colmater les failles des déchetteries

Beaucoup de professionnels figurent également parmi les vendeurs. "Maçons, menuisiers ou entreprises de démolition postent beaucoup d’annonces d’un coup. Ils cherchent des solutions pour débarrasser rapidement", commente Laurine Daurat. Les deux instigatrices du projet sont démarchées par des entreprises de démolitions et d’autres menuisiers favorables à des partenariats. "Un magasin physique aurait tout son sens", sourit la responsable marketing.

Manque de place chez soi, difficulté à se rendre tout déposer à une déchetterie… "Les bricoleurs ne savent pas toujours quoi faire de leurs bouts de chantier. Il y a peu d’informations ou de consignes sur quoi faire de ses chutes de matériaux et les façons de les trier ou de les recycler", regrette Laurine Daurat. L’Ardéchoise, vivant en milieu rural, sait de quoi elle parle. Sa maman, à Lyon en milieu urbanisé, se retrouve quant à elle aux prises à de fortes incapacités de stockages.

Sur le marché de la seconde main des chantiers, le recyclage du bois tient la corde. L’annuaire en ligne Opalis.eu recense près de 180 entreprises et associations qui commercialisent et utilisent des planches, du parquet, des escaliers, des poutres d’occasion. Il n’est pas superflu de rappeler que ces nouveaux objets présentent les mêmes qualités, aspect, robustesse, longévité, que s’ils étaient sortis d’une menuiserie classique.


Geoffrey LOPES

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