RECOURS - L’administration vient d’élargir les informations présentes sur son site HistoVec permettant désormais aux particuliers de découvrir s’ils ont été victimes d'une fraude au compteur. Me le Dall, avocat en droit automobile, fait le point sur ce qui peut être fait en cas de mauvaise surprise.
La fraude au compteur kilométrique ou le rajeunissement de compteur est une pratique qui a toujours existé dans le milieu automobile. L’arrivée massive de l’électronique dans nos voitures a pu, un temps, laisser croire que ce phénomène allait s’estomper. Pour un profane, il peut, à première vue, sembler plus difficile d’aller rajeunir son auto de 20 ou 30.000 km aujourd'hui qu'à l'époque où les fraudeurs avaient besoin d'un simple tournevis pour faire remonter un rouleau kilométrique.
Mais à l’image de nos ordinateurs personnels, des tablettes ou même de nos smartphones, la technologie a su rendre accessibles et très simples d’usage les logiciels de fraude. Et les fraudes kilométriques s'avèrent d’autant plus difficiles à démasquer pour un particulier que les automobiles actuelles sont bien mieux finies et bien plus fiables que leurs aînées.
Si, dans les années 90, il était encore difficile de faire passer une auto affichant 250.000 km pour une jeunette d’à peine 120.000 km, ce n’est plus le cas aujourd’hui. À l’époque, les kilomètres laissaient sur l’auto et son habitacle de nombreux stigmates alors qu’aujourd’hui des automobiles fortement kilométrées peuvent présenter un habitacle sentant presque encore le neuf.
La qualité d’assemblage, les efforts faits par les constructeurs en matière de finition ne permettent plus, au premier coup d’œil, de faire la différence entre un véhicule peu kilométré et une voiture ayant beaucoup plus roulé.
Un rajeunissement qui peut rapporter gros
Si certains vendeurs mal intentionnés se livrent a ce genre de pratiques c’est évidemment parce que le rajeunissement de compteur peut s’avérer extrêmement rentable. Le kilométrage du véhicule influe grandement sur sa cote et donc son prix de vente. La fraude au compteur kilométrique permet un gain non négligeable. Et si certains escrocs en ont fait une spécialité, de simples particuliers peuvent également se laisser tenter par la fraude au moment de revendre leurs véhicules d’occasion.
Les problèmes de compteur trafiqués touchent également fortement les véhicules en provenance de l’étranger. Rien d’étonnant lorsque l’on sait par exemple qu'en Allemagne un véhicule sur trois a vu son kilométrage abaissé artificiellement. L'automobile-club allemand (ADAC) estime ainsi à près de 6 milliards d’euros par an le préjudice causé par ces pratiques de rajeunissement de compteur.
Consciente du problème, l’administration française a décidé de lutter contre ce phénomène en permettant, tout simplement, aux automobilistes français de pouvoir identifier certaines fraudes.
Un historique de kilométrages accessible via HistoVec
Toujours dans l’idée d’offrir plus de transparence sur le passé administratif des véhicules d’occasion l’administration avait déjà mis en place un site Internet dédié : HistoVec. Sur ce site sur lequel l'utilisateur se connecte avec les informations présentes sur la carte grise, il est possible de retrouver bon nombre d’informations sur le véhicule : identification, motorisation, couleur, nombre de portes, nombre de places… Au-delà de ces spécifications techniques ou administratives, il est également possible de connaître le nombre de propriétaires, et même les durées de détention de ce véhicule par les différents propriétaires.
La nouveauté en ce début d’année 2021 réside dans les informations sur le kilométrage du véhicule. L'usager a désormais accès au kilométrage relevé lors du dernier contrôle technique et, c’est une surprise, également aux kilométrages relevés lors des visites périodiques précédentes. Il est donc possible avec les nouvelles informations accessibles via HistoVec de détecter des incohérences dans l’évolution du kilométrage.
L’accès à l’historique n’est pas ouvert à tous. En théorie, seul le titulaire du certificat d’immatriculation peut se rendre sur HistoVec. Néanmoins n’importe quel acheteur potentiel peut demander au vendeur du véhicule de lui faire suivre le lien Internet lui permettant l’accès au rapport HistoVec. Autant dire que les propriétaires refusant à des acheteurs éventuels l’accès à ces informations risquent d’avoir du mal à vendre leurs véhicules.
L’effort de transparence fait par l’administration française sur cette question du kilométrage pourrait dans les années à venir permettre de lutter efficacement contre ces problématiques de fraude au compteur. En attendant ce sont aujourd’hui de simples particuliers qui risquent d'avoir une très mauvaise surprise en se rendant sur HistoVec pour vérifier les informations de leurs propres véhicules.
Que faire en cas d’arnaque ?
L’automobiliste qui découvrirait en se rendant sur le site HistoVec que son véhicule a en réalité 50.000 ou 100.000 km de plus qu’affiché au compteur devra anticiper une hausse du budget entretien. Ce sont, en effet, des factures de garagiste plus élevées qu’il faudra prévoir avec une usure prématurée du véhicule. La ligue de défense des conducteurs souligne aussi la problématique qui risque de se poser en termes de sécurité avec des pièces utilisées bien au-delà des préconisations constructeurs.
À la revente c’est également la douche froide puisque la cote du véhicule sera fortement impactée par ces dizaines de milliers de kilomètres supplémentaires.Pour l’automobiliste qui serait confronté à cette mauvaise surprise, il ne sera pas envisageable de taire le véritable kilométrage au moment de la revente. C’est donc un réel manque à gagner pour le consommateur floué...
Des recours existent
La jurisprudence est très claire en la matière : un faux kilométrage, contrairement à ce que certains pourraient penser, ne constitue pas un vice caché mais un manquement à une obligation de délivrance conforme par rapport à ce qui était prévu au contrat (article 1604 du Code civil). Juridiquement l’acheteur d’un véhicule au compteur rajeuni peut se retourner contre son vendeur dans les cinq ans à compter de l’acquisition du véhicule. Contrairement à une action en justice en matière de vice caché, la fraude au compteur kilométrique permettra d’aller beaucoup plus vite en "zappant" dans de nombreux cas l’étape souvent nécessaire des expertises amiables ou judiciaires.
À partir du moment où le kilométrage est réellement faussé (on oubliera l'idée d'un recours pour une différence inexpliquée de quelques dizaines de kilomètres) l’acheteur peut demander la résolution de la vente. Une telle demande débouchera alors sur la restitution du véhicule par l’acheteur floué, de son côté le propriétaire précédent devra restituer le prix versé au moment de la vente.
Le propriétaire d’un véhicule peut également faire le choix de conserver le véhicule (malgré ce problème de kilométrage) et pourra limiter sa demande à une simple indemnisation financière correspondant à la dépréciation de la valeur du véhicule et c'est peut-être le plus simple à gérer pour tout le monde.
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La démarche pourra dans un premier temps se faire à l’amiable, mais en l’absence de réaction de la part du vendeur (qui préférerait garder le silence) c’est du côté de la justice qu’il faudra alors se tourner. Le mécanisme juridique en cas de manquement à l’obligation de délivrance pourra être mis en œuvre à l'encontre de n’importe quel propriétaire vendeur : professionnel ou simple particulier, vendeur de mauvaise foi ou au contraire dans la plus totale ignorance d’une fraude qui a pu être commise par un précédent propriétaire.
Les automobilistes qui vont découvrir le "pot aux roses" dans les prochains jours avec la nouvelle version du site HistoVec pourront se rapprocher d’associations de défense des conducteurs ou de consommateurs, d’avocats ou encore rechercher des informations complémentaires des sites Internet proposant de plus larges informations que celles offertes par administration via HistoVec.
Un site comme Histo-Auto donne, par exemple, accès à des informations relatives au passé de certains véhicules à l’étranger... pratique quand on a craqué pour une grosse berline allemande affichée à un tarif canon.
Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI.
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