Listeria, E. coli, salmonelle... Faut-il s'inquiéter face aux rappels de produits en série ?

par A. LG
Publié le 14 février 2023 à 19h14, mis à jour le 15 février 2023 à 11h40
JT Perso

Source : Sujet JT LCI

Les autorités sanitaires ont ces derniers jours ordonné un rappel massif de fromages à travers le pays.
Si les rappels de produits s'enchainent, les intoxications alimentaires graves sont devenues rarissimes.
De nouvelles méthodes de contrôle et d'alerte ont été mises en place ces dernières années.

Les Français commencent à y être habitués. Cette semaine encore, plusieurs produits font l'objet d'une vaste campagne de rappel. Il s'agit d'une trentaine de fromages commercialisés par la Société laitière de Vichy et vendus dans toute la France entre le 1er octobre 2022 et le 4 février 2023. Ils sont susceptibles de contenir de la listéria, l’agent responsable de la listériose. Depuis quelques mois, les cas de contaminations ou de risques de présence bactérienne sur des produits alimentaires se multiplient, certains ayant viré au scandale sanitaire à l'instar de l'affaire des pizzas surgelées Buitoni (groupe Nestlé), des chocolats Kinder  (Ferrero) ou encore des fromages au lait cru de Lactalis.

Depuis près de deux ans, pas moins de 5888 alertes pour des aliments ont été enregistrées, soit plus de 240 rappels par mois en moyenne.  Suspicion de listeria, E. coli, salmonelle... si les causes de ces procédures de rappel sont multiples, la santé des consommateurs est chaque fois en jeu avec des risques potentiels importants. Le professeur François-Xavier Weill, médecin et micro-biologiste, à la tête de l'unité des Bactéries pathogènes entériques de l'Institut Pasteur livre son éclairage à TF1info.

On a l'impression que depuis quelques mois les contaminations alimentaires s’enchaînent, est-ce le cas ?

Il faut commencer par rappeler que depuis avril 2021, le rappel de produits est accessible au public sur le site du gouvernement rappel.conso.gouv.fr. Forcément, à partir du moment où il y a un service dédié et accessible à tous, il y a aussi plus de médiatisation autour de ces rappels. Certains cas ont été plus médiatisés que d'autres, également par ce qu'ils concernaient de gros groupes et qu'ils touchaient par ailleurs nos enfants. En outre, depuis cinq ans, dans le cadre de notre mission de surveillance, nous sommes passés au séquençage de l'ADN complet, ce qui nous permet de dépister des épidémies au tout début. C'est une vraie révolution, car on peut maintenant savoir s'il y a un cas groupé dès la détection sur le plan national de deux souches partageant la même séquence. Grâce à cela, on est passé en quelques années de dizaines de signaux d'alerte à une centaine par an. Donc si le chiffre est plus élevé, ce n’est pas parce qu’il y a plus d’infections alimentaires, mais que l’on est plus performant dans la détection. À noter, enfin, que le rappel n'équivaut pas au retrait. Dans le second cas, on retire simplement le produit des points de vente, dans le premier, le stade au-dessus, on rappelle les produits chez les gens.

La grande tendance quand même, depuis vingt ans, est à une diminution par deux du nombre de cas, et cela ne concerne pas uniquement la France, c'est au niveau européen

Professeur François-Xavier Weill, médecin et micro-biologiste à l'Institut Pasteur

Doit-on craindre d'être plus exposé aujourd'hui au risque d'intoxication alimentaire qu'il y a quelques années ? 

Si les rappels augmentent, les intoxications alimentaires graves, elles, sont devenues rarissimes. Pour ce qui concerne la salmonellose, on a effectivement enregistré l'an dernier un nombre inhabituel de cas, mais il est encore trop tôt pour expliquer pourquoi et il faudra du temps pour comprendre. C'est entre autres qu'on a eu une forte diminution en 2020 (dans toute l'Europe, il y a eu une baisse de 30% des cas chez l'homme cette année de confinement).

Mais de façon générale, la grande tendance quand même depuis vingt ans est à une diminution par deux du nombre de cas, et cela ne concerne pas uniquement la France, c'est au niveau européen. À titre de repère, il y avait 20.000 cas humains confirmés par an au début des années 1990, aujourd'hui, il y en entre 10. 000 et 12.000. Dans ce laps de temps, il y a des méthodes de contrôle qui ont été prises chez l'animal, mais il y a une telle diversité de produits qui peuvent être contaminés par les salmonelles que les mesures ne concernent que certaines filières, les plus pourvoyeuses (filière volaille).

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Comment s'organisent les contrôles en matière de sécurité alimentaire ? 

Il y a plusieurs segments si l'on peut dire. Tout d'abord tout ce qui est compris "de la ferme à la fourchette" qui dépend principalement du ministère de l'Agriculture, étant entendu que l'industriel doit mettre un produit indemne de tout agent pathogène et respecter un certain nombre de normes sanitaires en vigueur, mais qu'il va définir pour cela ses propres contrôles. 

Il y a ensuite une surveillance chez l’homme dans le cas où un produit contaminé est "passé sous le radar" des contrôles précédents. Pour organiser cette surveillance, l’État a mis en place deux systèmes. Tout d’abord le système de déclaration de TIAC (toxi-infections alimentaires collectives), c'est-à-dire que n'importe qui peut saisir les services de l’État (comme l'ARS) à partir du moment où il y a au moins deux personnes malades après avoir partagé un repas en commun. Les déclarations de TIAC sont ensuite centralisées et analysées, à Santé publique France. Le second repose sur une surveillance de laboratoire. 

La mission du centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella que je dirige à l’Institut Pasteur, consiste à réaliser la surveillance de ces pathogènes le plus souvent transmis par voie alimentaire. Il ne s'agit pas alors d'un système déclaratif : ce sont les laboratoires privés et publics qui participent à la surveillance en nous envoyant les souches bactériennes isolées chez leurs patients pour que nous les typions. Si nous identifions des souches avec une même séquence à un moment donné, cela veut peut-être dire qu'un aliment sur le marché est contaminé. Nous avertissons, dans ce cas-là, Santé publique France qui va interroger les patients à la recherche d’un aliment en commun susceptible d'être contaminé. Notre hantise ce sont les produits congelés (ou comme en 2022 les œufs en chocolats) car ils peuvent être stockés plusieurs mois chez les gens. 

À noter que ce système de surveillance en laboratoire existe depuis la Seconde guerre mondiale et que les deux systèmes sont complémentaires. À titre d'exemple, dans l'affaire des laits en poudre contaminés par Salmonella en 2017, il n'y avait aucune déclaration de TIAC, et sans l'analyse des souches, on n'aurait jamais pu mettre en évidence cette épidémie dès le début. Pour résumer, s'il y a un accident en amont sur la chaîne alimentaire, on est là pour agir le plus vite possible, tel un filet de sécurité.

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Quels sont les symptômes les plus répandus qui doivent nous alerter en cas de consommation de produits contaminés ?

Les symptômes sont multiples, car l'étendue des symptômes est liée aux différents agents pathogènes. Chaque agent pathogène a un mode de virulence différent. Mais dans la plupart des cas d'intoxication, à commencer par la salmonellose, les symptômes qui surviennent sont ceux d'une gastro-entérite, avec des douleurs abdominales, des nausées, et de la fièvre. Dans le cas d'E. coli entérohémorragiques (épisode des pizzas en 2022), il y aura des diarrhées sanglantes et ensuite dans 10% des cas, des complications sanguines et rénales. Dans le cas de la Listeria, les personnes âgées et la femme enceinte restent le public le plus vulnérable avec des risques d’infections sévères et d'avortement. Les symptômes qui peuvent survenir après consommation d'un produit contaminé sont des signes de fièvre, des maux de tête, ou courbatures.

À noter que l'apparition des symptômes varie en fonction de l'heure de consommation des repas. Ainsi, quand il faut 48h à certaines bactéries pour se multiplier, comme la salmonelle, il faut plus de temps pour d'autres, tandis qu'il ne faudra qu'une à deux heures si c'est une toxine.


A. LG

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