Pimkie, Kookaï, Camaïeu... Pourquoi les enseignes françaises de prêt-à-porter sont-elles en difficulté ?

Publié le 3 février 2023 à 18h05, mis à jour le 4 février 2023 à 10h06

Source : TF1 Info

Après les enseignes Kookaï et Go Sport, placées en redressement judiciaire, Pimkie pourrait supprimer 500 postes.
Que se passe-t-il avec ces enseignes françaises pourtant plébiscitées dans les années 2000 ?
TF1info a posé la question à Gildas Minvielle, spécialiste du marché de l'habillement.

Le secteur de l'habillement est en crise depuis plusieurs années et certaines enseignes françaises, en particulier, n'ont pas su réagir assez tôt. Kookaï a annoncé, le 1er février, se trouver en redressement judiciaire en raison des "difficultés économiques que rencontre le secteur du prêt-à-porter en Europe, que la crise du Covid-19 n'a fait qu'accentuer". L'enseigne Pimkie, fondée en 1971, qui connaît des difficultés depuis plus d'une décennie, est quant à elle sur le point d'être cédée par l'association familiale Mulliez (AFM) à un consortium alliant Lee Cooper France, Kindy et Ibisler Tekstil, un rachat qui pourrait entraîner la suppression d'environ 500 postes. 

Dans les années 2000, ces enseignes françaises se démarquaient par leurs prix abordables. Mais aujourd'hui, pour payer moins cher, ce sont les sites Internet qui ont la cote. Selon une étude publiée par l'Institut français de la Mode (l'IFM) et le panéliste Kantar en mai dernier, un cinquième des ventes de vêtements en 2021 s'est fait en ligne, contre seulement 6% en 2009. 

Ce n'est pas la seule raison de leur déclin, affirme Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire économique de l'IFM, que nous avons interrogé sur l’état actuel du marché. 

Être plus attractif que les autres

Pourquoi ces enseignes françaises périclitent, là où des marques comme H&M ou Zara continuent à tirer leur épingle du jeu ?

Même H&M et Zara ont eu des difficultés et ne sont plus aussi porteurs qu'à une certaine époque. Il y a un marché en France qui, depuis 2007-2008, est arrivé à maturité. Notamment parce que la croissance n'est plus aussi soutenue qu'avant. Il y a peut-être eu aussi des erreurs stratégiques qui sont propres à chacun, mais je crois surtout que c'est la conjonction de plusieurs éléments. Premier point, ce sont plutôt des chaînes françaises historiques, qui ont déjà plusieurs dizaines d'années d'ancienneté, et je pense que la pérennité est difficile dans un secteur comme la mode où ce qui compte beaucoup, c'est de se renouveler. Celles qui restent - c'est une sorte de sélection naturelle parmi les marques - sont les meilleures. Car aujourd'hui, quand on est une enseigne de mode, si on veut continuer à exister, il faut être plus attractif que les autres. 

Après, énormément de nouveaux acteurs sont venus les concurrencer, comme Primark ou Shein. Ces nouvelles enseignes cassent les prix avec des méthodes de production qui soulèvent des questions, mais qui ont recours aux réseaux sociaux et aux influenceuses, ce qui fonctionne auprès des consommateurs. Or cela n'est pas dans la culture des chaînes historiques. 

La seconde main a complètement siphonné l'industrie de l'habillement.
Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire économique de l'Institut français de la Mode

Justement, on dit que ces entreprises, comme Kookaï ou Pimkie sont restées sur des schémas de vente plus classique, délaissant par exemple l'e-commerce, qu'en pensez-vous ?

Il est vrai qu'aux alentours de 2015, quand il y a eu les premières difficultés du groupe d'habillement et de chaussures Vivarte, avec notamment la vente d'André et de Naf Naf, et la fermeture de nombreux magasins La Halle, ces chaînes ont fait de mauvais choix. Elles ont décidé de compenser le recul de leur chiffre d'affaires en augmentant le nombre de leurs points de vente, mais du coup, elles ont ouvert trop de magasins. Résultat, il y a eu trop d'acteurs dans cette catégorie du milieu de gamme. Parallèlement, durant cette période, l'e-commerce s'est beaucoup développé (c'est presque 20% du marché aujourd'hui) et ce potentiel n'a pas été exploité. Ainsi, ceux qui ont bien traversé la crise du Covid sont ceux qui étaient bien préparés à la vente à distance. Ceux-là ont pu profiter du rebond en 2020. Ce n'est pas la seule raison des difficultés des enseignes historiques, mais c'est un élément déterminant. 

L'autre tendance lourde n'est-elle pas la montée en puissance de la seconde main ?

Qui aurait pu penser en effet que la seconde main puisse prendre une ampleur pareille ? Plusieurs choses expliquent ce nouveau mode de consommation. Il y a d'abord la montée en puissance des enjeux environnementaux. C'est un phénomène de société bien implanté aujourd'hui. On est dans le moins et le mieux. Puis, il y a le prix, premier moteur dans l'acte d'achat, surtout dans un contexte de baisse du pouvoir d'achat et d'augmentation des dépenses contraintes. La seconde main permet ainsi d'acheter des produits de marques pour beaucoup moins chers. Cela a complètement siphonné l'industrie de l'habillement. Ce nouveau marché est aujourd'hui estimé à 6 milliards d'euros. Comparé au marché global du neuf (habillement, chaussures et maroquinerie), qui représente 45 milliards d'euros, ce n'est pas rien. Surtout, la seconde main est un marché en pleine expansion puisqu'il n'était que de 1 milliard d'euros autour de 2018. Enfin, contrairement au marché traditionnel, la crise sanitaire n'a pas contribué à le faire baisser, bien au contraire. 


Virginie FAUROUX

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