Dans ses rayons, Intermarché a installé des affiches publicitaires qui captent l’attention.Leurs slogans moqueurs dénoncent les méthodes de certaines grandes marques.On décrypte ce coup de pression de la grande distribution en pleine négociations commerciales.
L’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. Et la publicité ? Voilà maintenant plusieurs semaines qu’Intermarché placarde de nouvelles affiches dans ses rayons et brocarde ainsi certaines grandes marques, jugées coupables de vouloir hausser leurs prix de "manière injustifiée". Dans le viseur : Findus et ses pommes rissolées surgelées 68% plus chères, et désormais les soupes Knorr et leur augmentation de 39%, ou encore les gels-douche du Petit Marseillais aux nouveaux tarifs qualifiés de "fadas".
Cette pratique publicitaire, "déviante" selon les représentants de ces grandes marques sollicités par TF1, porte un nom chez nos voisins anglo-saxons coutumiers du fait : le name & shame, que l’on pourrait traduire par mise au pilori, au ton le plus souvent humoristique à l’échelle d’une stratégie commerciale. Une manière, en l’occurrence, pour Intermarché de se positionner en défenseur des intérêts des consommateurs. Mais pas que.
Car cette communication est aussi la conséquence de l’anticipation, voulue par le gouvernement à travers un projet de loi destiné à lutter contre l’inflation, des négociations commerciales annuelles entre supermarchés et industriels pour 2024. Leur conclusion, habituellement prévue le 1ᵉʳ mars de chaque année, a en effet été exceptionnellement avancée à janvier. Pour le journaliste spécialisé Olivier Dauvers, les affiches d’Intermarché ne sont rien d’autre que des "préliminaires", soit un premier levier de pression de la grande distribution, "avant de passer aux choses sérieuses".
Intermarché : préliminaires avant négos ! Ici >> https://t.co/tAJz6UXY46 — Olivier Dauvers (@Dauvers70) November 17, 2023
"Le dossier est un brin plus complexe que la présentation d’Intermarché, décrypte celui-ci sur son blog. Car, manifestement, Findus a des difficultés à répercuter la hausse de ses coûts (l’inflation de l’huile et des pommes de terre est une réalité). Sur 12 mois, sa boîte n’a augmenté 'que' de 17 %. Et c’est sans doute faute de parvenir à 'faire passer ces hausses de coûts' (chez Intermarché et chez les autres) que Findus a fait ce pas de côté. D’ailleurs, les rissolées Findus ont été moins inflationnistes que les marques de distributeurs, et notamment Intermarché (qui a oublié de l’indiquer à ses clients…) : 17% vs 28%."
Olivier Dauvers souligne, en outre, que seulement "deux enseignes ont accepté" de vendre les pommes rissolées de Findus à leur prix au kilo majoré de 70% : Cora et… Intermarché. "Car c’est l’originalité de la posture : Intermarché dénonce le stratagème de Findus mais a accepté de rentrer la gamme", note-t-il, adoptant à son tour un ton railleur. Même cas de figure pour les gels-douche du Petit Marseillais, toujours en rayon chez Intermarché qui, dans son affiche, justifie ainsi ce paradoxe : "Notre rôle est de vous proposer vos marques préférées mais aussi de vous alerter de ces comportements qui vous sont défavorables." Sauf que les soupes Knorr, elles, ont été purement et simplement retirées des rayons du magasin.
Comment expliquer cette différence de traitement ? "C'est assez facile pour les distributeurs de connaître la rentabilité de ces grands groupes, répond à TF1 Karine Sanouillet, experte de la grande distribution. Ils estiment donc aujourd'hui qu'il y a matière à aller obtenir des prix plus bas."