Le 13H

VIDÉO - L'essence y coûtait moins d'1 franc : le premier hypermarché de France fête ses 60 ans

par Maëlane LOAËC (avec AFP) | Reportage TF1 Justine Corbillon, Gilles Parrot et Emmanuel Bliard
Publié le 14 juin 2023 à 11h16, mis à jour le 14 juin 2023 à 19h08

Source : JT 13h Semaine

Le premier hypermarché français a vu le jour il y a tout juste 60 ans ce jeudi, le 15 juin 1963, dans l'Essonne.
Pour la première fois, les clients découvraient des produits frais, des vêtements, des outils de bricolage et de l'électroménager sous un même toit et en libre-service.
Une équipe de TF1 est retournée sur place et vous montre les archives.

C'est sous le flash des photographes que les premiers clients poussent leur charriot de courses à l'entrée du tout premier hypermarché de France. Le 15 juin 1963, il y a tout juste 60 ans ce jeudi, les Français découvrent ce centre Carrefour inédit, qui ouvre ses portes à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l'Essonne. Produits frais, textile et électroménager, 5000 produits sont accessibles sous le même toit, en libre-service. Un pari lancé par Marcel Fournier et les frères Jacques et Denis Defforey, les trois fondateurs de la société, inspirés par les enseignes gigantesques qui émergent déjà à cette époque aux États-Unis.  

L'hypermarché a été implanté dans cette ville de 36.000 habitants, à une vingtaine de kilomètres au sud de Paris, en face du donjon de la commune, datant du 18e siècle. "Demain, soit je suis riche, soit je suis ruiné", avait confié Marcel Fournier la veille de l'inauguration. La suite lui a donné raison. Le jour J, le centre est béni par un prêtre, parrainé par Françoise Sagan, et fait carton plein dès les premières heures d'ouverture. Quelque 2500 clients s'y pressent pour remplir leur caddie, et le magasin, victime de son succès, doit même fermer quelques heures pour être réapprovisionné, raconte Le Parisien.

"Il y avait plein de monde devant", se remémore Michel Faure dans le reportage du 13H de TF1 en tête de cet article. En 1963, cet homme alors âgé de 18 ans s'est rendu à vélo devant le magasin, se retrouvant aux premières loges pour assister à l'évènement. De retour sur ce parking 60 ans plus tard, il se souvient encore de sa toute première expérience du libre-service, une petite révolution. "Il n'y avait eu de grandes surfaces avant cela. À l'époque, on allait dans les petites boutiques, on vous servait", explique-t-il. "Alors que là, on entrait, et chacun se servait et prenait ce qu'il voulait, puis payait en caisse."

Le charriot de courses, une deuxième petite révolution

À l'époque, le magasin s'étendait sur 2500 mètres carrés et était doté de 450 places de parking. Les caisses furent rapidement prises d'assaut par des clients accrochés à leur Caddie, un nouvel objet qui faisait lui aussi son entrée dans le quotidien des Français. "Il est évident que choisir avec une petite voiture est plus rapide", commente un homme dans des images d'archives tournées dans les rayons, ce fameux 15 juin 1963. L'enseigne promettait aussi des petits prix : à la pompe, le litre d'essence coûtait 89 centimes de francs, soit 1,39 euros, une cinquantaine de centimes en moins par rapport à aujourd'hui. 

Désormais, le site s'étire sur 8400 mètres carrés et peut accueillir jusqu'à 900 véhicules. Au fil des décennies, Aïda Ouaibi a conservé ses différents uniformes d'hôtesse de caisse, de la couleur lilas à saumon, disposés dans un musée improvisé à l'arrière de la grande surface. "Auparavant, les employés n'avaient pas de tenue, ils avaient des blouses. Ma préférée, c'est un kimono, utilisé de 1993 à 2000", explique celle qui est dorénavant responsable de la relation clients du centre, en pointant une veste rouge nouée sur le côté. Elle fête cette année ses 35 ans de maison au sein de son "magasin de cœur".

Par sa taille, le centre de Sainte-Geneviève-des-Bois a créé une nouvelle norme : on parle d'hypermarché dès lors qu'il vend des denrées alimentaires et que sa surface commerciale dépasse 2500 mètres carrés. Avant lui, le bal de la grande distribution avait déjà été ouvert, mais avec des magasins plus petits, les supermarchés. Le premier a été inauguré quelques années plus tôt, le 15 octobre 1958, en région parisienne également, à Rueil-Malmaison, dans les Hauts-de-Seine, par l'entreprise française Goulet-Turpin, explique Actu.fr. Cet "Express Marché" rassemblait l'équivalent de dix épiceries sous un même toit avec plus de 2000 références, une première dans l'Hexagone, mais il s'étendait "seulement" sur 560 mètres carrés. La société est rachetée dans les années 1970 par le groupe de distribution Promodès, qui fusionne ensuite avec Carrefour,

60 ans plus tard, le modèle se maintient malgré des remous

Aujourd'hui, les hypermarchés ont conquis tout le territoire. La France métropolitaine compte 2255 de ces mastodontes, sur près 12 millions de mètres carrés de surfaces commerciales au total, selon le média spécialisé LSA. Près de deux euros sur cinq dépensés en grandes surfaces le sont dans un hypermarché. Les plus grands d'entre eux peuvent dépasser les 20.000 mètres carrés. Quant au groupe Carrefour lui-même, il est devenu l'un des géants du secteur : avec plus de 12.000 magasins dans le monde, il est le septième distributeur le plus puissant à l'international, selon le classement de la fédération américaine NRF en 2020. Mais il doit aujourd'hui faire face à des économies de coûts, qui pourraient le mener à supprimer 1000 postes en France

Le modèle de l'hypermarché est en effet de plus en plus menacé par le changement d'habitude de consommation des Français, qui se tournent davantage vers des artisans et spécialistes bio pour les plus aisés et les "discounters" pour les plus précaires. Dans les années 2000, ces grandes surfaces ont aussi été boudées à cause de l'arrivée du commerce en ligne. 

En pleine période d'inflation, le groupe Carrefour tente donc de se réinventer, avec de vieilles recettes, comme le retour de la consigne, ou des paniers anti-gaspillage. L'hypermarché de Sainte-Geneviève-des-Bois joue aussi la carte de "l'hyperproximité", en affichant par exemple le numéro de téléphone du directeur du centre, joignable sept jours sur sept pour répondre aux demandes de la clientèle, comme celle d'installer un banc au milieu des allées pour soulager les plus âgés. 

"Le 'tout sous le même toit' est mort il y a bien longtemps", synthétise l'expert de la consommation Olivier Dauvers, auprès de l'AFP. En revanche, "on ne peut pas dire que c'est la fin, bien au contraire" : les hypermarchés représentent toujours "70 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel" et sont les formats avec "les plus forts rendements au mètre carré", souligne-t-il.


Maëlane LOAËC (avec AFP) | Reportage TF1 Justine Corbillon, Gilles Parrot et Emmanuel Bliard

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