Le foie gras risque de devenir une denrée rare (et chère) lors des prochaines fêtes de fin d'année.En cause, une pénurie de canetons mulards due à l'épizootie de grippe aviaire qui a décimé les couvoirs en mars 2022.Ce sont près de 20 millions de volailles qui ont dû être abattus cette année.
Les consommateurs vont-ils pouvoir manger du foie gras durant les fêtes de fin d’année ? Cette question inquiète les producteurs de la filière, qui ont fait face, en mars 2022, à un quatrième épisode d’influenza aviaire (H5N8). Cette épizootie a décimé les couvoirs de canetons mulards, utilisés par les producteurs de foie gras. D’une agressivité extrême, il a entrainé la mise à l’arrêt complet, par les autorités, des élevages du Sud-Ouest mais aussi des Pays-de-la-Loire, région qui produit à elle-seule 72% des canetons mulards.
La situation a aussi entraîné la destruction des œufs et l'arrêt des inséminations. Entre mars et mai 2022, les couvoirs se sont vidés petit à petit, soit atteints par la grippe aviaire, soit mis en zone de protection [3 km autour d’un foyer de contamination, ndlr]. Par conséquent, l'inquiétude ne cesse de monter chez les producteurs qui craignent une pénurie de canetons mâles, et par conséquent une montée des coûts de production. D'autant que chez certains d'entre eux, les fermes sont déjà vides. "Normalement à cette saison, nous devrions avoir à peu près 2500 canards. Aujourd'hui, on n’a rien du tout", confie au 13H de TF1, dans le reportage en tête de cet article, Pierre-Yves Kuster, éleveur de canards à Badefols-sur-Dordogne (Dordogne).
Et le problème ne risque pas de se régler de sitôt. Car bien que l'activité de certains couvoirs - notamment dans le Sud-Ouest - a repris en juin, les délais de production sont incompressibles : il faut attendre six mois d'élevage de canettes avant qu'elles pondent, cinq mois d'incubation pour que les canetons soient livrés aux éleveurs, trois mois et demi d'élevage chez le producteur puis dix jours de gavage. Selon le Comité Interprofessionnel des Palmipèdes à Foie Gras (Cifog), un retour à la normale est attendu pour le second trimestre de 2023, soit bien après les fêtes de Noël et de Nouvel An.
Enregistrer les pertes
En tout, près de 20 millions de volailles ont dû être abattus cette année dans le pays à cause de la grippe aviaire. Dans l'Ouest de la France, ce sont plus de 80% des cannes reproductrices qui ont été tuées pour éviter la propagation de l'épizootie. Alors les producteurs de foie gras se battent pour les quelques palmipèdes apparaissant sur le marché. Quant aux autres, ils n'ont d'autres solutions que d'enregistrer des pertes importantes. "Il n’y aura pas d’animaux sur l’exploitation avant fin décembre, donc jusqu’à la fin de l’année, nous n’aurons pas d’activités", explique Pierre-Yves Kuster qui va devoir mettre ses huit employés au chômage partiel.
Pour ceux qui ont pu reprendre la production, ils tentent de travailler en surrégime. Mais malgré les efforts, les éleveurs font face un déficit en animaux qui risque d'avoir un impact sur leur chiffre d'affaires. "On va connaître des difficultés économiques qui vont être relativement lourdes", ajoute l'éleveur de canards à Badefols-sur-Dordogne.
À une trentaine de kilomètres de chez Pierre-Yves Kuster, Jean-François Roudier, quant à lui, vient de recevoir des volailles. Pourtant, ce ne sont pas des canetons mâles qui serviront à faire du foie gras, mais des femelles. Face à la pénurie, il faut s'adapter. "En attendant, ils me fournissent de la canette car je ne pourrai reprendre la production de foie gras qu’à partir de novembre. On trouve des solutions pour faire entrer de l’argent sur la ferme. Au niveau de la viande, nous aurons les mêmes qualités mais pour ce qui est du foie, ça sera plus aléatoire", explique-t-il.
Pour les magrets et les confits de canard, les quantités devraient être les mêmes, mais le foie gras pourrait être limité cette année pour les fêtes. "La semaine prochaine, nous n'aurons plus de foie gras à vendre. Lorsque l'on recevra les canetons au mois de novembre, nous n'aurons pas du tout la capacité, à un mois seulement, de faire les stocks de foie gras pour les fêtes de fin d'année", détaille-t-il. En 2021, la France n’a produit que 11.674 tonnes de foie gras, contre 14.593 tonnes en 2020 et 16.764 tonnes en 2019.