Plus de goût, de bio... mais toujours trop de plastique : enquête dans les coulisses des cantines scolaires

Virginie Fauroux | Reportage Sept à Huit
Publié le 9 mars 2022 à 17h46
Plus de goût, de bio... mais toujours trop de plastique : enquête dans les coulisses des cantines scolaires

"Manger sain", voilà désormais l'objectif des cantines scolaires.
Mais avec un budget maîtrisé, l'équation n'est pas simple pour trouver les bons menus.
Le magazine de TF1 "Sept à Huit" a mené l'enquête dans la cuisine collective qui approvisionne 19 communes de Seine-Saint-Denis.

Le défilé commence chaque jour à 12h15. À la Courneuve, en Seine-Saint-Denis, les enfants d'une école primaires se rendent classe par classe à la cantine. Un rituel bien rôdé qui concerne les six millions d'autres écoliers de France. En plat principal, deux options sont proposées ce jour-là : bœuf miroton ou un mystérieux égrené végétal. Pour l'accompagnement, en revanche, pas le choix, ce sera du chou-fleur en béchamel. Ce qui ne ravit pas tout le monde. "Je suis allergique aux légumes", lance ainsi un jeune garçon pour se justifier de ne pas y toucher, précisant qu'il préfère davantage les gâteaux. Mais les dames de la cantine veillent et demandent aux plus récalcitrants de goûter ce qu'il y a dans leur assiette avant de se forger une opinion. 

Ni l'égrené végétal, ni le chou-fleur n'ont été cuisinés sur place. Ces plats sont arrivés dans des barquettes en plastique jetable qu'il suffit juste de réchauffer. Ils sont fabriqués par une régie publique : le Siresco, qui nourrit 43.000 élèves par jour dans 19 communes du département. Une production quasi industrielle avec des coûts tirés vers le bas. De quoi se demander ce qu'il y a dans l'assiette de nos enfants, alors que la loi impose plus de bio et moins d'emballages plastiques. 

"Du sel au prix de la viande"

Pour le savoir, direction la cuisine centrale de Bobigny où deux diététiciennes, Laura et Magali, déterminent ce que vont manger les enfants dans les deux prochains mois. Elles doivent trouver sans cesse de nouvelles idées tout en respectant des normes strictes : 4 poissons, 8 fruits frais, 10 crudités chaque mois, c'est une obligation légale. En Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France métropolitaine, cet équilibre alimentaire est particulièrement important. "On essaye de proposer des repas équilibrés avec les composantes obligatoires au quotidien. Car pour certains enfants, c'est souvent le seul repas équilibré de la journée", expliquent-elles. Mais les diététiciennes marchent sur un fil. Sur chaque plateau servi, le prix moyen des matières premières devant être inférieur à deux euros. 

Pour tenir ce budget très serré, la seule solution est d'acheter de gros volumes. Résultat, les livraisons commencent dès six heures du matin dans cette cuisine mastodonte qui engloutit chaque jour 10 tonnes de denrées afin de fabriquer quotidiennement 25.000 repas. Et faute de place dans les chambres froides, tout est géré à flux tendu. Du coup, la moindre erreur de livraison peut vite tourner à la catastrophe. Daniel, le chef cuisinier, dirige une brigade de 34 personnes. Formé dans un restaurant gastronomique, puis chef cuisinier au ministère des Finances, il a été débauché pour trouver des alternatives aux produits ultra-transformés industrielles et revenir à une cuisine plus traditionnelle. 

Désormais, les bouillons de légumes, par exemple, sont composés de carottes, d'oignons, de céleris, d'ail et de laurier et mijotent toute une nuit. Très loin des critères précédents.  "Avant que j'arrive, on prenait de l'eau, on mettait de la poudre et on obtenait une sauce qui avait le goût de la poudre. Aujourd'hui, grâce à cette nouvelle façon de faire, on va avoir un sauté de bœuf, pas gastronomique, mais cuisiné 'comme à la maison'", dit-il. Et d'ajouter : "Au final, on a un produit moins cher parce que les poudres qu'on mettait avant, c'était principalement du sel qu'on payait au prix de la viande". 

Des perturbateurs endocriniens

Reste la question de ce que l'on appelle la liaison froide. Pour éviter la prolifération des bactéries, les plats disposés dans des barquettes en plastique subissent un refroidissement express. Ainsi, ils pourront être conservés jusqu'à cinq jours. Mais qu'en est-il gustativement ? "On sait que deux jours après, cela n'aura pas le même goût", prévient le chef cuisinier. Ensuite, une fois livrés dans les cantines, pas besoin de marmites, ni de fourneaux, les barquettes en plastique sont réchauffées directement dans un four. Et là aussi, ce n'est pas terrible. Car après 45 minutes à 130°C, les barquettes sont totalement gondolées. Selon l'Anses, des molécules de plastique peuvent se mélanger à la nourriture. À répétition, cette réaction serait responsable de puberté précoce et de cancer infantile. C'est ce qu'on appelle des perturbateurs endocriniens. 

Cette qualité qui laisse encore à désirer est responsable d'un gros gâchis, selon bon nombre de parents qui aimeraient retrouver une cuisine centrale à taille humaine. Chaque jour, 1/3 de la nourriture servie en restauration scolaire en France finit à la poubelle. 


Virginie Fauroux | Reportage Sept à Huit

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