A Bristol, l’esprit de Banksy s’affiche sur les murs... et toujours derrière le dos de la police

par Jennifer LESIEUR
Publié le 14 décembre 2016 à 12h13, mis à jour le 15 décembre 2016 à 11h50
A Bristol, l’esprit de Banksy s’affiche sur les murs... et toujours derrière le dos de la police

REPORTAGE – Une petite ville à 170 km à l’ouest de Londres, traversée par une rivière, baignant dans le trip-hop et les arts urbains : Bristol est la capitale européenne du street-art. Grâce à un ambassadeur aussi célèbre qu’inconnu, Banksy, mais aussi à toute la vogue d’artistes qu’il a inspirés, dont nous avons suivi la trace.

Même sous la pluie de décembre, les murs de Bristol claquent. Des explosions de couleurs, des figures poétiques ou provocatrices, des hommes et des bêtes ornent les façades de béton, dans l’angle mort des caméras de surveillance. C’est dans cette petite ville portuaire, rongée par le chômage sous l’ère Thatcher, qu’ont sévi une bande d’ados, ghettoblaster à l’épaule, bombe de peinture à la main, à la fin des années 80. Certains sont devenus célèbres : Massive Attack, Tricky, Roni Size ont sublimé le trip-hop. D’autres ont fait entrer le street-art dans les salles de ventes, comme Banksy, l’enfant du pays devenu millionnaire en gardant son anonymat. 

Qui est vraiment Banksy ?

Tout ce que l’on sait de l’homme derrière Banksy, c’est qu’il est né à Bristol en 1974, et qu’il a été apprenti boucher avant de se plonger dans le graffiti à la fin des années 80. Contrairement à une rumeur récente, ce n’est pas 3D, le leader de Massive Attack ! En revanche, les deux hommes se connaissent bien puisque 3D était aussi graffeur. "Bristol est un creuset de différents styles où se rencontrent hommes et femmes, sans hiérarchie", nous explique l’artiste Tina Altwegg, alias Winged Fox. "Le crew de Banksy est resté d’une loyauté totale et n’a jamais divulgué son identité, alors qu’on offre 3 000 livres Sterling pour une photo de lui. Sans cet anonymat, Banksy ne pourrait plus travailler. Il vit aujourd’hui entre Londres et les Etats-Unis, mais il revient régulièrement à Bristol." Peut-être vient-on de le croiser sur les docks réaménagés, ou à bord du SS Great Britain, un magnifique voilier de 1843… 

Comment la culture street a-t-elle pris ?

"Tout a commencé ici lorsque les jeunes de Bristol ont adopté le graffiti, né aux Etats-Unis dans les années 70", poursuit Tina Altwegg. "Ça a été un grand 'wow' pour eux, et un grand 'wow' pour la police aussi !" Eh oui : écrire ou peindre sur les murs de la ville, c’est interdit, pour Banksy comme pour les tagueurs du dimanche. Tout le monde ici se souvient de l’opération Anderson : le 20 mars 1989, la police a perquisitionné chez 72 personnes soupçonnées de vouloir décorer les rues. Ça ne les a pas empêchés de continuer. C’est justement l’esprit de rébellion qui nourrit la plupart des images qui fleurissent encore aujourd’hui sur les murs, avant d’être effacées par la pluie ou recouvertes par d’autres œuvres. 

Où sont les premières œuvres de Banksy ?

Pour preuve de cet esprit frondeur, l’un des premiers Banksy, The Mild Mild West, est apparu en 1999, pour protester contre l’implantation d’une chaîne de supermarchés dans le quartier populaire de Stokes Croft. Il trône toujours au-dessus de The Canteen, resto slow-food très prisé des habitants, qui le repeignent régulièrement pour éviter qu’il ne s’efface. Un autre Banksy première période, The Well-hung lover, orne une façade d’immeuble situé Frogmore Street. Il a été un peu vandalisé par des jets de peinture mais jamais effacé : le mur est une propriété privée. 

Qui sont ses suiveurs ?

Bristol regorgent de créations diverses en carreaux de céramique, en plaques de bronze, ou en relief comme les masques du Français Gregos. Parmi les autres street-artists de Bristol, citons Inkie, 3dom, Voyder, Jody Thomas et Alex Lucas. Les émules de Banksy privilégient le pochoir, plus rapide à appliquer derrière le dos de la police. Comme JPS, un ancien alcoolique dont la vie a changé après avoir assisté à une exposition de Banksy. Son style est très proche : The Big Deal, peint au pochoir, montre deux enfants en plein troc de billets, et son gladiateur près de la boîte The Queenshilling est très prisée des selfies. Plus loin, les petits personnages minimalistes mais si expressifs du Londonien Stik ornent toute un immeuble. Stik, qui a vécu dans la rue pendant 10 ans avant d’être révélé par une galerie, consacre aujourd’hui une bonne partie de sa notoriété à aider les sans-abri. 

Comment se prendre pour un street-artist ?

Rob Wheeler, street-artist bristolien pur jus, nous emmène au trou. Littéralement : The Island est un ancien poste de police, dont les cellules au sous-sol ont été reconverties en ateliers créatifs. Dans des odeurs entêtantes, des bombes de peinture et des tableaux vierges attendent le street-artist qui sommeille en nous, en toute légalité. Se trouver un nom d’artiste se révèle plus simple que d’en tirer un graff énergique. Nos pochoirs tout simples bavent, et on pense aux pros qui réalisent des œuvres complexes perchés en haut des murs, la nuit, à toute vitesse, sans se faire prendre. Rob, qui a signé des peintures murales impressionnantes, encourage tout le monde : "pas besoin de savoir peindre pour créer du street-art, l’important c’est de s’amuser, d’y mettre son énergie, sa rage et sa joie." Et si la peinture coule, tant mieux : "c'est super-street !"

A votre tour : carnet pratique pour un week-end à Bristol

Y aller : l’Eurostar vous emmène de Paris à Londres en moins de 2h30, à partir de 79 l’A/R, que l’on peut désormais offrir à ses proches grâce à une toute nouvelle e-carte cadeau. De Londres, plusieurs trains desservent Bristol au départ de la gare de Paddington, en 1h40.

Se loger : L'hôtel Mercure Holland House, redécoré pour refléter l’histoire locale, est à 10 minutes à pied du centre-ville. A partir de 76 euros la nuit.

A lire : En-dehors de la zone de confort, de Massive Attack à Banksy, de Mélissa Chemam (Anne Carrière) est le seul livre en français qui raconte l’histoire politique et artistique de Bristol. 

Visites guidées à pied : www.tourinaday.com

Pour aller plus loin : VisitBristol.com et VisitBritain.fr


Jennifer LESIEUR

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