En plein feu, au cinéma le 8 mars
Interview

André Dussollier au cœur du danger dans "En plein feu" : "Ce qui m’aurait plu, c’est le journalisme !"

Publié le 2 mars 2023 à 8h47, mis à jour le 2 mars 2023 à 9h15
JT Perso

Source : Sujet TF1 Info

Visage incontournable du cinéma français, André Dussollier donne pour la première fois la réplique à Alex Lutz dans "En plein feu", en salles le 8 mars.
L’histoire d’un père et son fils prisonniers de leur voiture lors d’un incendie qui ravage la forêt des Landes.
L’acteur raconte à TF1info cette expérience inédite, sa passion intacte pour son métier... et celui qu’il aurait adoré faire si ça n’avait pas marché.

Il triomphe actuellement aux Bouffes Parisiens dans un seul en scène où il rend hommage aux textes de ses auteurs préférés. Monstre sacré du cinéma français, André Dussollier, 77 ans, change encore de registre avec En Plein Feu, le nouveau film du jeune réalisateur Quentin Reynaud (Cinquième Set), en salles le 8 mars. Avec Alex Lutz, ils incarnent un père et son fils, prisonniers de leur voiture lors d’un incendie qui ravage les Landes. L’occasion de se parler enfin, à cœur ouvert, après des années de silence et de secrets. Et pour TF1 de recueillir les confidences d’un acteur toujours aussi motivé par son métier…

Comment vous êtes-vous retrouvé dans l’aventure inédite que représente pour vous En plein feu ?

C’est le réalisateur Quentin Reynaud qui m’a appelé. Pourquoi ? Il n’y a que lui qui puisse répondre. Mais j’étais content qu’il pense à moi pour incarner le père d’Alex Lutz dans cette histoire-là. On m’associe souvent aux "choses de l’esprit" et j’ai rarement l’occasion d’être dans des films qui sont bien concrets. Dans la réalité. Or là, on ne pouvait pas trouver mieux – ou pire – que ce feu de forêt qui nous cerne… Et qui ouvre sur un "deuxième fond", une histoire secrète dont le père et le fils connaissent les tenants et les aboutissants. Parce que c’est souvent à la faveur du drame, de la tragédie, que les choses profondes se révèlent. Ce qui me plaît aussi, c’est quand le cinéma est ancré dans l’actualité. Là, on était presque en avance sur la réalité puisqu’une partie du décor du film a été détruit dans les incendies qui ont ravagé le Sud-Ouest l’été dernier…

J'aime bien les silences parce que c’est là qu’on fait ressentir aux spectateurs des choses moins explicites à travers nos gestes, notre regard

André Dussollier

C’est la première fois que vous tournez avec Alex Lutz, qui est l’acteur fétiche de Quentin Reynaud… 

Et j’étais content de le découvrir ! Il est un peu comme l’idée que je m’en faisais. C’est quelqu’un qui excelle dans l’improvisation à tel point qu’on aurait pu tourner un deuxième film à partir des moments où nous attendions tous les deux dans la voiture, entre les prises. Avec lui, ça part sur un mot, sur une expression française, et soudain ça s’embrase – sans faire de mauvais jeu de mots, justement. Je crois que si on avait mis une GoPro sur le tableau de bord, on aurait pu filmer quelque chose qui n’aurait eu rien à voir avec En plein feu. Hors contexte mais totalement réjouissant !

Comme lui vous partagez une passion sur la scène. Et paradoxalement, dans En plein feu, vous jouez des hommes de peu de mots. Des taiseux. Est-ce que c’est plus dur ? 

Eh bien non. Je me rappelle que lorsque je tournais un film d’Eric Rohmer qui s’appelle Le Beau Mariage, j’avais beaucoup, beaucoup de textes. Mais ce que je préférais, c’était les moments de silence. J’ai aussi envie de vous citer une réplique que j’adore de Lucien Guitry. Un soir, à la sortie d’une pièce de théâtre, un admirateur vient le voir pour lui dire "vous êtes formidable quand vous dites ci et quand vous dites cela. Et puis alors vos silences…". Lucien Guitry le coupe et lâche : "Je sais, ce sont les miens". Les silences, c’est le terrain de jeu d’un acteur. Je pense au cinéma américain où c’est moins bavard. Chez nous, on fait souvent dire beaucoup de choses aux acteurs à cause de notre patrimoine culturel. Du théâtre justement. Mais moi, j'aime bien les silences parce que c’est là qu’on fait ressentir aux spectateurs des choses moins explicites à travers nos gestes, notre regard. Donc les taiseux, je suis pour. 

"En plein feu" : la bande-annonceSource : Sujet TF1 Info

Malgré l’expérience, un acteur comme vous a-t-il encore parfois la crainte de ne pas être à la hauteur ? 

Ben, tout le temps. Parce que chaque expérience est singulière, chaque expérience présente sa part de nouveauté. En ce moment je joue au théâtre et tous les soirs c’est un saut dans le vide. Même si ce sont les mêmes mots, le public change, moi aussi je suis différent. Et j’aime le danger que ça représente. C’est drôle parce que l’autre jour j’ai revu Peur sur la ville d’Henri Verneuil avec Belmondo et dedans il y avait Roland Dubillard dont je joue pas mal de sketches dans mon spectacle. Il disait que lorsqu’on est acteur "il faut se lancer dans le vide sans réfléchir. Si vous vous apercevez ensuite que vous avez oublié votre parachute, tant mieux. C’est alors que vous ferez vos preuves". Tous les rôles, toutes les aventures artistiques, c’est un peu ça. Je m’y engage volontiers, pleinement. Après, c’est la glorieuse incertitude de l’art comme du sport. Mais c’est ce qui nous fait avancer et fait aussi qu’on ne peut jamais s’installer…

Vous avez déjà remporté trois César et vous en auriez mérité un quatrième l’an dernier pour Tout s’est bien passé de François Ozon, où vous incarniez un homme qui décide de recourir à un suicide assisté…. Sauf que vous n’avez même pas été nommé. Comme l’expliquez-vous ?

Pour être nommé, il faut déjà que les gens regardent les films. Or je crois que celui-là, personne n’a eu envie de le voir. À l’époque il y avait le Covid et on n’avait pas envie de voir une histoire sur la mort volontaire… J’en ai parlé il y a quelques jours à François Ozon et il m’a dit que le film marchait très bien au Japon. Parce qu’il y a là-bas une population vieillissante et que les gens ne veulent pas être pesants pour la société. C’est triste quand on tourne un film qui ne trouve pas son public. Mais j’étais content de l’avoir fait et je me dis qu’il aura peut-être une seconde vie… Ou une troisième, je ne sais pas ! 

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Vous me parliez de votre passion pour l’actualité tout à l’heure. Vous êtes d’accord si je dis que vous faites l’un des seuls métiers où ne prend jamais sa retraite ? 

En tout cas ça ne m’est jamais venu à l’idée. Il y a des métiers, il n’y a pas de discussion. Des métiers que les gens sont obligés de faire pour vivre. Donc c’est un problème important, la retraite. Parfois je me dis que c’est quelque chose qu’on devrait préparer en amont. C’est un moment, c’est une échéance. Ok. Mais il faut aussi savoir ce qu’on va en faire. Les entreprises se soucient de ce que leurs salariés leur apportent dans le temps présent. Mais elles devraient aussi leur préserver quelques moments pour développer leur passion, quelle qu’elle soit. C’est peut-être un peu naïf ce que je dis. Mais ça permettrait qu’une seconde vie s’enclenche, plus proche de celle dont les gens peuvent rêver.

Si vous n’aviez pas percé dans le métier d’acteur, vous auriez fait quoi ? 

Quand j’ai fini mes études, j’avais 23 ans. J’ai toujours voulu faire du théâtre et lorsqu’on m’a proposé un poste d'assistant de philologie à la fac, je me suis dit que je ne me voyais vraiment pas là-dedans. Moi ce qui m’aurait plu, c’est le journalisme. Quand j’entends les grands reporters qui sont sur le terrain en Ukraine en ce moment, je me dis que j’aurais aimé être là, proche de l’événement. Être celui qui est là pour témoigner.

>> En plein de feu de Quentin Reynaud. Avec André Dussollier, Alex Lutz, Sophie Parel. 1h25. En salles le 8 mars.


Jérôme VERMELIN

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