BD CULTE – "Le testament de William S." (Dargaud), 24e volume des aventures de Blake et Mortimer, vient de sortir. Tiré à 500 000 exemplaires, il témoigne de la prodigieuse vitalité d’une série qui fête ses 70 ans cette année, malgré quelques petits détails surannés.
Blake et Mortimer, c’est un peu comme Sherlock Holmes : on sait à quoi s’attendre, on est rarement surpris, et chaque génération retombe sous le charme comme en 40. C'est le cas de le dire, puisque cette valeur-refuge de la BD a été instituée en 1946, lorsque Edgar P. Jacobs, ancien collaborateur d’Hergé, publia son premier album, Le Secret de l’Espadon. C’était il y a 70 ans. Depuis le décès de Jacobs, en 1987, d’autres auteurs ont repris le flambeau, dont les excellents Yves Sente au scénario et André Juillard au dessin.
Ce dernier duo signe aujourd’hui Le Testament de William S., une 24e aventure qui pousse son côté british encore plus loin puisque Blake et Mortimer y enquêtent sur la véritable identité de Shakespeare – s’il a réellement existé ! Deux camps s’affrontent autour d’une énigme trouvée dans les sous-sols d’un palais vénitien. En jeu : une pièce inédite et une forte somme d’argent qui valent bien quelques vies humaines. Entre énigme historico-littéraire à travers l’Europe et bagarres avec des voyous cravatés, on a là les ingrédients d’un Blake et Mortimer soigné et de bonne tenue, même si certains tics d’époque font sourire.
Une galanterie qui peut paraître un rien lourdingue
Grâce à la plume élégante d’André Juillard, nos héros ont les mêmes petites rides qu'à l'époque du Secret de l'Espadon. Leur attitude de gentlemen, elle, paraît surannée, à une époque où la galanterie ressemble à de l’assistance à personne en danger : Mortimer offre son bras aux dames à tout bout de champ et les abreuve de compliments gênants ("vous alliez le charme à l'intelligence" (...) "votre culture et votre intelligence n'ont d'égale que votre gentillesse, Elizabeth"). La réserve toute militaire de Blake est plus conforme au flegme britannique, et le smoking lui va si bien…
Mieux vaut prendre ce paternalisme désuet pour ce qu’il est : une composante du charme de la série, au même titre que son dessin, continuateur de la fameuse ligne claire, son texte copieux qui promet un temps de lecture bien plus long que celui d'un album classique, l’élégance des tenues et des moyens de transport… Les "good lord" de l’un et autres "by Jove !" de l’autre ont encore de beaux jours devant eux.