Atom Egoyan : "Dans Captives, je dépeins un monde extrême"

Publié le 6 janvier 2015 à 17h00
Atom Egoyan : "Dans Captives, je dépeins un monde extrême"

INTERVIEW – Après avoir fait sensation en compétition à Cannes, Captives sort enfin en salles. Un passionnant thriller sur la disparition d'un enfant avec Ryan Reynolds et Rosario Dawson, signé par le cinéaste canadien Atom Egoyan. Il s’est confié à metronews.

Votre film n’a pas fait l’unanimité en projo presse. Comprenez-vous que certains puissent le détester ? 
Je dépeins un monde extrême. Plus on fait de recherches sur ces réseaux pédophiles, plus on découvre à quel point ils sont tordus. Dans mon film, j’ai voulu réunir six personnages autour de cet univers particulièrement venimeux. C’était le challenge. Ca peut paraître invraisemblable pour certains spectateurs, mais c’est bien réel. L’autre aspect très intense de l’intrigue, c’est la situation de ce couple, qui ne sait pas ce qu’est devenu leur fille. Le père rejoue la scène dans sa tête, encore et encore, la mère ne parvient pas à l’accepter… Ca peut être pénible à regarder, mais c’est le film que je voulais faire. Et je suis très content du résultat.

Contrairement à 99,9% des auteurs de polars ou de thrillers, vous nous montrez tout de suite que la petite Cassandra est toujours vivante, 8 ans après. L’un de vos challenges en tant que scénariste était-il de créer du suspense, malgré tout ?
Le suspense, c’est jusqu'où va aller ce réseau qui a enlevé Cassandra. On la voit raconter des histoires, utiliser ses souvenirs pour torturer sa mère. Des histoires qu’elle enregistre et qui sont envoyées sur le web, à des gens qu’on ne voit pas. Combien sont-ils ? Qu’en font-ils ? Je me suis demandé aussi ce que pouvait devenir un enfant enlevé par un pédophile une fois qu’il avait grandi. Le thriller est un genre basé sur l’attente des spectateurs. Là, l'attente est basée sur l’existence de ce réseau et sa manière de fonctionner. Un monde alternatif de plus en plus complexe et toxique. Mais intriguant aussi.

Avez-vous écrit le scénario d’une traite ? Où avez-vous assemblé patiemment chaque pièce, chaque personnage, chaque période, à la manière d’un puzzle ?
J’ai écris d’une traite, c’est une manière très naturelle pour moi. Il n’y a jamais eu de version linéaire du scénario si c’est ce que vous voulez savoir. Mes influences dans ce domaine sont des écrivains comme William Faulkner, avec Tandis que j’agonise par exemple, ou bien Russell Banks que j’ai adapté avec De Beaux Lendemains. Des histoires où le même événement est raconté encore et encore, suivant différents points de vue. Je pense aussi à une pièce comme Krapp’s Last Tape, de Samuel Beckett, où un homme fait face à trois époques de sa vie, un texte magnifique. Au cinéma l’un des maîtres dans ce domaine était Alain Resnais, qui vient de nous quitter. En 1994, lorsque j’ai présenté Exotica, il y avait aussi Pulp Fiction et Before the Rain, des films qui redécouvraient cette façon de sculpter le temps.

Captives est-il aussi une façon d’affronter des peurs personnelles en tant que père ? Je pense à la disparition d’un enfant, à la peur qu’il soit confronté aux horreurs décrites dans le film ?
Bien sûr, c’est l’une des raisons principales d’écrire, il me semble. Maintenant je ne porte pas de jugement moral. La privation de liberté d’un individu par un autre est terrible, c’est un fait. Ce qui m’intéresse c’est d’explorer l’humanité des gens qui commettent ces actes terribles.

"Sur grand écran, on n’a pas beaucoup de temps pour convaincre"

A-t-il été compliqué de réunir tous ces comédiens, dont certains sont très demandés comme Ryan Reynolds ?
Plutôt facile parce qu’ils avaient envie de faire le film. Tous ont répond très favorablement au script. La seule difficulté consistait à les avoir au même moment car comme vous dites ils ont des emplois du temps très chargé !

Votre film précédent, Les 3 crimes de Memphis, n’est pas sorti en salles en France. Comment l’expliquez-vous ?
C’est difficile à dire. C’est une histoire qui se déroule aux Etats-Unis, basée sur une histoire, celle des West Memphis Three, ces adolescents accusés de la mort d’un enfant. Je n’étais pas l’auteur du script et même si j’en ai fait la promo dans des festivals, je m’en suis progressivement détaché pour faire Captives qui est complètement mon film.

Après toutes ces années, est-ce toujours difficile de sortir les films dont vous rêvez ?
Le plus dur, c’est de faire face aux attentes des gens. Toute mon équipe était très excitée lorsqu’on nous a proposé de venir à Cannes. Maintenant il faut affronter les réactions, ceux qui comprennent, ceux qui ne comprennent pas… Lorsqu’on commence dans ce métier, on a besoin d’être soutenu, encouragé. C’est comme ça qu’au fur et à mesure on acquiert une réputation et qu’on peut continuer. Aujourd’hui l’une des difficultés du cinéma est la concurrence des autre médias, de la télévision notamment. Sur grand écran, on n’a pas beaucoup de temps pour convaincre et l’attention du spectateur doit être totale. Là où la télé permet aux histoires de s’installer et aux spectateurs d’être un peu plus distraits.

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La rédaction de TF1info

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