Disponible sur Disney+, "Barbare" est le premier film aussi malin que terrifiant du réalisateur Zach Cregger.L’histoire d’une jeune femme qui découvre un mystérieux inconnu dans la maison qu’elle a louée sur Airbnb.Aux Etats-Unis, ce petit budget d’une incroyable maîtrise a reçu la bénédiction de l’écrivain Stephen King.
Et si le film d’horreur était, aujourd’hui, le genre le plus créatif du cinéma américain ? L’un des plus riches, c’est certain. Des cauchemars sophistiqués d’Ari Aster (Héredité, Midsommar) aux productions malines de Jason Blum (American Nightmare, Blackphone) jusqu’au récent Smile de Parker Finn, succès surprise au box-office, de jeunes talents prometteurs s’y expriment loin des diktats des studios hollywoodiens et des films de superhéros à la chaîne.
Issu de la scène comique, acteur de second rôle dans une poignée de sitcoms inédites en France, le réalisateur et scénariste de Barbare Zach Cregger n’a pas franchement le CV d’un grand maître de l’épouvante. Grave erreur ! Tourné pour un budget dérisoire de 4,5 millions de dollars, son premier film d’une incroyable maîtrise en a rapporté dix fois plus depuis sa sortie fin septembre.
À Detroit pour un entretien d’embauche, Tess (Georgina Campbell) a loué une maison sur Airbnb dans le quartier pauvre de Brightmoor. À son grand désarroi, un certain Keith (Bill Skarsgaard) y a déjà déposé ses valises depuis plusieurs jours. Il pleut, c’est la nuit, tous les hôtels de la ville sont complets. Lorsque ce garçon (trop ?) charmant propose de lui laisser la chambre et de dormir sur le canapé, elle n’a pas d’autre choix que de dire oui.
Le brio de la première partie de Barbare consiste à installer le spectateur dans la même posture de défiance que Tess vis-à-vis de son colocataire inattendu. Jouant avec nos a priori et notre connaissance supposée du genre, Barbare orchestre un jeu de faux-semblants et tisse sa toile jusqu’à un premier rebondissement qui hérisse le poil… et semble détruire toute logique. On s’arrêtera là pour ne pas spoiler les plus curieux d’entre vous.
Dans un entretien accordé au New York Times, Zach Cregger, 41 ans, explique avoir eu l’idée de son film en lisant The Gift of Fear de Gavin Becker. Un essai paru en 1997 dans lequel cet expert en sécurité encourage ses lecteurs à développer leur instinct pour se protéger des situations de violence. Et plus particulièrement en présence d’un inconnu. Ou d'une.
"Je voulais écrire une scène dans laquelle il y aurait tous les drapeaux rouges qu’un homme ne voit pas mais que n’importe quelle femme pourrait reconnaître", raconte-t-il. "J’ai pensé à un double booking sur Airnbnb qui obligerait l’héroïne à cohabiter ou bien à dormir dans sa voiture. Je ne savais pas où j’irais ensuite. Mais j’ai écrit le film que vous pensez voir : avec l’idée que Keith est le méchant."
Un clin d'oeil au mouvement MeToo
Habile et astucieux, le scénario de Barbare déjoue les attentes du spectateur avec l'intrusion d'un troisième protagoniste, joué par l'acteur Justin Long, afin de développer un propos plus large qui fait écho aux préoccupation sociétales nées dans le sillage du mouvement MeToo. Tout en restant incroyablement divertissant. "Je voulais me surprendre", insiste Zach Cregger à propos de son processus d'écriture.
"Stephen King dit qu’un auteur est comme un paléontologue qui exhume un fossile un os après l’autre. C’est le fossile qui vous dicte où vous allez. C’est une belle manière d’écrire". L’élève a bien retenu les leçons du maître vu la réaction de ce dernier après avoir découvert son travail. "Ce film m’a époustouflé", a-t-il twitté fin octobre. "C’était fou. Incroyablement fou !".
Auréolé d'une telle bénédiction, Barbare aurait sans doute cartonné en salles chez nous aussi. Mais c’est finalement la plateforme Disney+ qui en acquis les droits de distribution pour la France. C’est bien dommage car l’expérience doit être encore plus radicale sur grand écran. Mais bon, on ne va pas bouder notre plaisir pour autant.
>> Barbare de Zach Cregger. Avec Georgina Campbell, Bill Skarsgaar, Justin Long. 1h43. Disponible sur Disney+