Brillante Mendoza : "Les histoires d’amour, ce sont les problèmes des pays développés"

Publié le 22 mai 2016 à 18h00
Brillante Mendoza : "Les histoires d’amour, ce sont les problèmes des pays développés"

INTERVIEW – Avec "Ma’ Rosa", en compétition officielle à Cannes cette année, Brillante Mendoza met en scène le calvaire d’une famille de petits commerçants, à Manille, forcée de vendre de la drogue pour arrondir ses fins de mois. Et qui se retrouve un soir pris au piège d’une unité de police corrompue. Metronews a rencontré le cinéaste philippin, sur la Croisette, où il a déjà remporté le prix de la mise en scène en 2009 pour "Kinatay".

Avec Ma’ Rosa, on retrouve le style quasi-documentaire qui fait la force de votre cinéma. Mais à quel point l’intrigue est-elle bien véridique ?
Elle est 100% véridique car basée sur une histoire vraie. Le film est presque une réplique de ce qui s’est réellement passé. En vérité j’ai été moi-même impliqué dans cette histoire, pas directement mais indirectement à travers l’un des personnages…

Quel personnage ?
Ca je ne peux pas vous le dire ! (rires). Mais je suis proche de cette famille que j’ai suivi, que j’ai interviewé. J’ai également essayé de rencontrer des policiers impliqués dans l’affaire afin de la reconstituer au mieux. Comprendre ce que cette famille avait vécu et comment elle en était arrivée à vendre de la drogue pour arrondir ses fins de mois.

La leçon, c’est que la réalité est parfois plus incroyable que la fiction, non ?
Avec mon style de cinéma, ma façon de raconter des histoires, je suis plus attiré par les histoires vraies. Après l’esthétique se trouver dans la façon de les raconter. Il y a plein de façon de faire des films. Moi c’est la route que j’ai envie d’emprunter.

Vos films donnent une vision terrible du quotidien à Manille. La famille vend de la drogue, la police est corrompue. Il n’y pas de bien et de mal…
En tant que réalisateur, j’estime qu’il faut être connecté à son environnement. C’est le cas pour un cinéaste comme pour un peintre. Et l’inspiration n’a pas forcément à venir des choses qui sont belles et gentilles. Mais aussi des choses horribles, dérangeantes. Je ne fais pas ça pour exploiter la pauvreté. Mais parce que ça me touche, et que j’ai envie de faire changer les choses. Même si je suis conscient que je ne suis qu’un réalisateur et que je ne vais pas changer le monde avec mes films. Mais si des gens sont touchés, ceux qui peuvent changer les choses sont touchés, c’est un début…

La police philippine ne va pas adorer votre film…
Oui, peut-être (sourire). Les policiers ne vont sans doute pas apprécier l’image que je renvois d’eux mais ils ne peuvent pas nier ce que je montre. Ce genre d’histoire fait la une des journaux philippins tous les jours ! Ce qu’on voit dans le film existe dans d’autres pays du monde, y compris dans des pays occidentaux. Mais pas à une telle ampleur, je crois.

Pourquoi ne pas faire un jour un film dans le même style sur les classes aisées de Manille ? 
Moi ce que j’aime, c’est faire des films sur les marginaux. Les riches le sont à leur façon, puisque il ne sont pas très nombreux aux Philippines. Mais avec mon cinéma j’ai envie de représenter la vie quotidienne dans mon pays. Et puis de quoi souffrent les riches ? Ils n’auront jamais de problèmes à se nourrir, à s’habiller, à se loger. Leurs problèmes sont peut-être plus personnels. Mais moi je m’intéresse aux questions sociales, pas aux histoires d’amour. Les histoires d’amour sont les problèmes des pays développés.


La rédaction de TF1info

Tout
TF1 Info