Cannes 2017 - "Rodin", la critique : et Vincent Lindon sculpta jusqu'au bout de l'ennui

Sylvain Lefort
Publié le 24 mai 2017 à 12h51, mis à jour le 24 mai 2017 à 16h01
Cannes 2017 - "Rodin", la critique : et Vincent Lindon sculpta jusqu'au bout de l'ennui

ON HESITE - Troisième film français en lice pour la Palme d'or, "Rodin" de Jacques Doillon offre à Vincent Lindon un écrin de choix pour une nouvelle performance d'acteur impressionnante. La mise en scène, trop classique, plombe hélas ce vrai-faux biopic du sculpteur de légende.

Sur le papier, Rodin a tout pour séduire le jury : Vincent Lindon, un acteur particulièrement apprécié par Cannes, lauréat du prix d’interprétation masculine il y a deux ans ; un sujet patrimonial pour commémorer le centenaire de la disparition du sculpteur, propice à la fureur du désir et à la peinture des affres de la création ; un réalisateur de nouveau sur le devant de la scène, Jacques Doillon, qui avait fait les beaux jours de la Croisette naguère, notamment avec La Drôlesse en 1979 et La Pirate en 1985, éclairé alors par Bruno Nuytten, réalisateur d’un certain Camille Claudel en 1988. La boucle est bouclée… Ou pas.

Le pitch

Alors qu’il se situe à un tournant de sa carrière artistique, Rodin affronte ses démons artistiques et existentiels : ses relations avec ses modèles et ses assistants, notamment la jeune Camille Claudel, avec laquelle il mène une double vie conjugale et amoureuse ; avec sa femme, Rose ; avec ses pairs, les artistes, de Monet à Mirbeau. 10 années cruciales dans la carrière du sculpteur. 

Les points forts

Inutile de chercher ici un remake de Camille Claudel, réalisé en 1988 par Bruno Nuytten, avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu. En se focalisant sur 10 années bien précises de l’existence du sculpteur, dont la relation avec Camille Claudel ne constitue qu’une partie, Jacques Doillon évite les pièges du biopic classique pour aller à ce qui pour lui constitue l’essentiel : la relation de Rodin à son art, à son travail, à ses modèles, ses maîtresses et son épouse. Campé par Vincent Lindon, qui décidément est à son meilleur pour incarner des personnages dans leur dimension manuelle et corporelle, Rodin y apparaît ni comme un saint, ni comme un monstre – juste un homme qui tente d’achever la commande que lui a passée l’Etat, "La Porte de l’enfer", et la création mouvementée et longue durée d’une statue consacrée à Balzac. Très souvent filmé de dos au travail, Rodin est littéralement sculpté par la lumière. Très beau travail de Christophe Beaucarne.

Les points faibles

Malgré ses talents de directeurs d’acteurs, Jacques Doillon rate son coup avec Izia Higelin dans le rôle de Camille Claudel : et c’est dommage car il y avait tout lieu d’attendre des étincelles de la rencontre entre le sculpteur et son tout jeune modèle, une thématique chère à son auteur. Où sont la passion et la fureur qui caractérisaient La Pirate, par exemple ? Sa mise en scène, qui avance par blocs, tel un sculpteur, est trop souvent elliptique pour capter l’attention du spectateur. Lequel reste souvent au bord du chemin, sans repères, notamment chronologiques. Malgré ses partis pris d’austérité et de rigueur, la réalisation souffre d’académisme, surtout dans ses reconstitutions (travail dans l’atelier, visite de Mirbeau). Cinéaste de la parole et du conflit, Doillon reste dans une forme de lourdeur qui empêche toute vie de s’insérer – à l’inverse de Van Gogh de Pialat, modèle avéré, auquel on pense souvent, à rebours. 

Des chances au palmarès ?

Si Vincent Lindon n’avait pas eu le prix d’interprétation il y a deux ans, pourquoi pas ? Là, mis à part un prix pour la contribution technique, difficile de le voir figurer au palmarès final.

Ce qu'en dit la Croisette...

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