DÉCRYPTAGE - C’est un mélange détonnant d’humour noir, de thriller et d’horreur. En avant-première ce mardi dans plusieurs villes de France, avant sa sortie nationale le 5 juin, "Parasite" de Bong Joon-ho a tout pour s’offrir un formidable succès en salles. On vous explique pourquoi.
Il y a des signes qui ne trompent pas. Samedi après-midi, quelques heures avant l’annonce du palmarès du 72e Festival de Cannes, une file interminable de spectateurs s'étirait aux abord du Palais des Festivals pour assister à la séance de rattrapage de "Parasite", la future Palme d’or de Bong Joon-ho. Il faut dire que depuis sa projection officielle, le 22 mai, après celle de "Once Upon a Time in Hollywood" de Quentin Tarantino, cette satire féroce de la lutte des classes made in Séoul faisait l’objet d’un buzz formidable sur la Croisette.
"J’ai déjà fait partie d’un jury, à Saint-Sébastien et à Berlin, et je sais que le processus pour élire le meilleur film est quelque chose de vraiment très compliqué et même un peu bizarre", nous confiait le cinéaste sud-coréen en milieu de semaine, lorsqu’on l’interrogeait sur ses chances de décrocher la récompense suprême. "Sans parler du facteur chance qui joue énormément. On verra… Qui sait ?", ajoutait-il, sans se départir de la bonne humeur permanente qui le caractérise.
Un réalisateur qui sait tout faire
Son triomphe, le modeste Bong Joon-ho le doit à tout sauf à la chance. Et il est d’autant plus mérité qu’il avait face à lui des auteurs confirmés comme Pedro Almodovar, Ken Loach, Terrence Malick, les frères Dardenne, ou donc Quentin Tarantino, l’un de ses plus grands fans. Reste qu’à 49 ans, Bong Joon-ho n’est pas tout à fait un débutant. Rejeton de la nouvelle vague du cinéma sud-coréen qui a émergé au début des années 2000, cet ancien étudiant en sociologie s’est forgé une filmographie aussi solide qu’éclectique.
Polar déjanté avec "Memories of Murder", film de monstre avec "The Host", drame psychologique avec "Mother", science-fiction avec "Snowpiercer", l’adaptation de la BD française "Le Transperceneige"… Bong Joon-ho sait tout faire et injecte à chaque fois sa touche personnelle : mise en scène précise et spectaculaire, écriture incisive, goût du rebondissement permanent et humour noir bien dosé. Chez lui, les "vrais gens" sont confrontés à des dilemmes moraux qui laissent des traces, au sens propre comme au sens figuré.
Après "Okja", une production Netflix tournée en partie en Amérique, avec un casting international prestigieux, "Parasite" avait de faux airs de retour aux sources pour son auteur. On y retrouve Sang Kang-ho, son acteur fétiche, dans le rôle d’un père de famille pauvre dont le fils est engagé comme prof particulier auprès de la fille d’un riche homme d’affaires de Séoul.
"Parasite" commence comme une comédie savoureuse, jouant du décalage entre deux univers qui s’affrontent. Les acteurs sont irrésistibles et l'intrigue se fait habilement l'écho des tensions sociales qui agitent la Corée du Sud actuelle et au-delà. Puis sans crier gare, Bong Joon-ho fait basculer son film vers des contrées plus obscures, avec un plaisir machiavélique et la maestria visuelle que ses fidèles connaissent bien.
Si la Palme d’or est un gage de qualité auprès d'un cercle de cinéphiles plus restreint que par le passé, "Parasite" a tout pour séduire un large public, notamment en France où le cinéma asiatique réalise souvent de jolis scores. "Une affaire de famille", la Palme 2018 du Japonais Kore-Eda, a ainsi attiré près de 800.000 spectateurs en France. Un drame tendre, lumineux, mais bien plus intimiste que son successeur au palmarès.
Le film de Bong Joon-ho boxe clairement dans une autre catégorie, grâce à son utilisation habile des codes du film de genre. Le cinéaste devrait sans difficulté battre son meilleur score chez nous, avec 678.000 entrées pour "Snowpiercer" en 2013. Jusqu’où ira-t-il ? Premier élément de réponse ce mardi avec les avant-premières organisées dans une trentaine de salles à travers la France, avant sa sortie nationale le 5 juin.
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