Benjamine de la course à la Palme d'or, la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy a présenté samedi son premier, "Banel & Adama".Née en France de parents sénégalais, cette diplômée de la Fémis a conçu cette romance comme un hommage à sa culture africaine.Mais aussi pour combler un manque de représentation dans le paysage cinématographique.
La première fois que Ramata-Toulaye Sy est venue au Festival de Cannes, elle était encore étudiante. "J’étais restée quelques jours et je n’avais pas vu beaucoup de films", raconte la réalisatrice de Banel & Adama. "J’ai très peu de souvenirs, si bien que pour moi, c'est cette année ma première fois." Benjamine de la compétition à 36 ans, elle est aussi l’une de sept femmes en lice pour la Palme d’or, du jamais-vu sur la Croisette.
"Au départ, je devais présenter mon film à 'Un certain regard'", nous explique-t-elle, quelques heures avant de monter les marches avec son équipe. "La veille de l’annonce de la sélection, on m’a appelé pour me dire qu’on était en compétition. J’ai tout de suite ressenti beaucoup de fierté. C’est un peu effrayant aussi d’être parmi les maîtres. On attend plus leurs films que le mien, mais je suis là pour me battre."
Je voulais que cette histoire se déroule en Afrique mais qu’elle soit universelle
Ramata Toulaye-Sy
Banel & Adama, c’est l’histoire d’un jeune couple dont l’amour est mis à rude épreuve par les traditions de leur village, situé au nord du Sénégal, à la frontière de la Mauritanie. "L’intrigue est intemporelle", précise la réalisatrice. "Elle pourrait se dérouler dans les années 1950 comme dans les années 2020. On a cherché un village sans électricité ni portable, à 8 heures de route de Dakar. Je voulais que cette histoire se déroule en Afrique mais qu’elle soit universelle."
Fille d’immigrés sénégalais, Ramata-Toulaye Sy est née en région parisienne où elle a passé toute son enfance. C’est sur les bancs de la Fémis, la prestigieuse école de cinéma, qu’elle a eu l’idée de Banel et Adama, dont elle a présenté le scénario lors de son concours de fin d’études en 2015. Elle l’a écrit en hommage à sa culture familiale. Mais aussi pour combler un manque de représentation criant dans le paysage cinématographique.
"Demandez à un Européen ou un Américain de vous citer des personnages de fiction africains, ils n’en seront pas capables alors qu'il en existe plein", estime-t-elle. "Alors que là-bas tout le monde connaît Roméo et Juliette. Je me suis inspirée des grandes héroïnes tragiques comme Médée, comme Antigone. Je voulais en créer la version africaine. Mais c’est avant tout l’histoire d’une femme qui veut vivre sa passion jusqu’au bout."
D’une beauté graphique permanente, Banel & Adama bénéficie du goût de sa réalisatrice pour les arts et la peinture en particulier. "Je me suis beaucoup inspirée de Van Gogh, de Munch, l’artiste afro-américain Kerry James Marshall, du Ghanéen Amoakoa Boafo aussi", avoue-t-elle. "Je suis incapable de peindre, alors je le fais avec le cinéma. C’est pour ça que ma mise en scène est très esthétique. Dans le film, il y a très peu de dialogues parce que je pense qu’on peut dire beaucoup par les silences, par les corps, par les regards. Par les couleurs aussi."
À l’heure du combat pour la diversité, Ramata-Toulaye Sy refuse l'étiquette de porte-drapeau, même si elle a conscience d’incarner une exception dans un univers encore trop masculin. "Même si je n'ai pas eu de mal à réunir le budget, je fais mon premier film à presque 37 ans et je sais qu’il y a des hommes qui font le leur à 22 ans", observe-t-elle.
"En réalité c'est beaucoup plus difficile pour une femme, plus difficile pour les Africains aussi. Et je pense que ça mérite qu’on se questionne là-dessus. Le problème du cinéma, c’est le problème du monde. On vit dans un monde d’hommes alors que ce devrait être un monde mixte. On ne devrait plus compter et avoir la parité dans tous les domaines."
>> Banel & Adama de Ramata-Toulaye Sy. Avec Khady Mane, Mamadou Diallo, Binta Racine Sy. 1h27. En salles prochainement
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