Interview

André Dussollier et Jacques Gamblin réunis dans "Le Tigre et le Président" : "Nous avions le physique des personnages !"

Propos recueillis par Jérôme Vermelin
Publié le 5 septembre 2022 à 9h44, mis à jour le 5 septembre 2022 à 10h21

Source : Sujet TF1 Info

André Dussollier et Jacques Gamblin se donnent la réplique dans "Le Tigre et le Président", en salle mercredi.
Un film qui raconte l’histoire rocambolesque de Paul Deschanel, tombé d’un train pendant son bref mandat, en 1920.
TF1info a réuni ces deux visages incontournables du cinéma français pour un entretien à bâtons rompus.

C'est un duo de première classe. André Dussollier et Jacques Gamblin incarnent respectivement George Clemenceau et Paul Deschanel dans Le Tigre et le Président, un premier film de Jean-Marc Peyrefitte consacré au plus court mandat présidentiel de l’Histoire de la République française. Un conte politique qui se déroule en 1920, mais qui fait écho à bien des débats actuels comme nous l’ont confié les deux comédiens…

Le Tigre et le Président, c’est un film de retrouvailles pour vous ?

André Dussollier : Avec Jacques, on s’est connu sur Les Enfants du Marais de Jean Becker, même si on n’avait pas beaucoup de scène ensemble. Ça remonte à quelques années…  

Jacques Gamblin : Il y a 23 ans, il paraît ! 

André : 23 ans ? Tant que ça ? Bon… C’est bien de se retrouver avec ça, avec des personnages assez différents. 

Jacques : Même si c’est exactement la même époque !

André : En même temps, il paraît que nous avons le physique des personnages ! C'était donc tout à fait naturel qu’on pense à nous.

Jacques : Et à personne d’autre !

C’est du sport de haut niveau quand on occupe ces fonctions politiques. Il faut avoir une intelligence, une faculté d’analyse, une force physique aussi
Jacques Gamblin

Si Clemenceau est une figure incontournable de l’Histoire de France, Deschanel y occupe une place un peu particulière. Que connaissiez-vous de lui ? 

Jacques : Rien. Même pas cette fameuse chute de train que j’ai découverte en préparant le film. J’avoue que je suis très inculte. C’est honteux ? 

André : Moi je ne connaissais que ça de lui, la chute du train et sa rencontre avec le garde-barrière auquel il dit : "Je suis le président de la République" et l’autre qui lui répond "Et moi, je suis la reine d’Angleterre". Il faut bien avouer que c’est assez inattendu comme rencontre…

Jacques, ça veut dire que vous avez dû faire vos devoirs pour préparer le rôle ? 

Jacques : Oui, j’ai lu une bonne douzaine de livres… Non, vous rigolez ? Je me suis surtout appuyé sur le travail de Jean-Marc Peyrefitte, le réalisateur. C’est un passionné d’Histoire et il suffisait que je sonne à sa porte pour avoir des réponses. Il a lu 6000 pages de discours de Deschanel pour en extraire les perles au cours de ce bref mandat, à peine sept mois. Il en a même fait un petit livre qu’il a distribué à toute l’équipe, une espèce de digest qui nous a immergé dans son éloquence, son goût pour la phrase et les merveilleuses propositions pour la France de cet être extrêmement visionnaire. J’ai vu quelques vidéos aussi, mais on y voyait cette façon de parler très emphatique. L’imiter aurait été insupportable alors j’ai choisi quelque chose de plus simple, en accord avec le metteur en scène. 

Le Tigre et le Président montre la brutalité de la vie politique, toujours d’actualité. Doit-on en conclure que tous les hommes ne sont pas faits pour ce métier ? 

Jacques : Tout le monde n’est pas fait pour le 110 mètres haies, tout le monde n’est pas fait pour être champion olympique ! C’est du sport de haut niveau quand on occupe ces fonctions politiques. Il faut avoir une intelligence, une faculté d’analyse, une force physique aussi…. Je ne sais pas comment ils font ! De ce point de vue-là, je les admire tout à fait.

C’est un vrai travail d’artisan quand on doit jouer un personnage assez éloigné de nous-même physiquement. Qu’il ait existé ou pas d’ailleurs. C’est notre terrain de jeu
André Dussollier

Clemenceau vs. Deschanel, c’est le combat d’un conservateur contre un progressiste ? 

André : Progressiste, ça va bien à Deschanel puisqu’il a des idées inattendues à l’époque qui vont être reprises par la suite comme l’élection du président au suffrage universel direct, le vote des femmes ou l’abolition de la peine de mort. Clemenceau, c’est plutôt un pragmatique. Il sort de la guerre qu’il a gagnée, du traité de Versailles. Mais il se fait balayer par l’attente des Français qui correspond à celle d’un monde de paix. Encore aujourd’hui, on lui reproche d’être celui qui a un peu humilié les Allemands.

Deschanel, c’est aussi un romantique ? 

Jacques : Romantique, je ne sais pas ce que c’est. Il a un idéal de justice, d’égalité. C’est un utopiste, sans doute. Mais en même temps pas tant que ça puisque toutes ses idées ont été réalisées. Mais pas encore toutes puisqu’à un moment, il parle d’un gage fraternel alloué à une personne, non pas pour son travail, mais simplement parce qu’elle est vivante. On ne se souvient jamais de l’origine des idées, mais celle-là a été reprise par Benoît Hamon lors de sa campagne de 2012 avec le revenu universel. Ça ne l’a pas empêché d’être battu, mais sans doute qu’on en reparlera dans quelques années.

Ce genre de film, c’est l’occasion de se transformer, parfois de manière radicale. C’est l’un des plaisirs du métier d’acteur ? 

Jacques : C’est toujours un régal de se masquer. Je suis né dans la tradition du Carnaval, à Grandville. Pour être franc, c’est l’une des premières raisons qui poussent à devenir comédien. Au début, j'adorais fabriquer, sculpter des personnages, au théâtre comme au cinéma. Et longtemps, ça m’a rendu plus fragile de jouer des choses plus proches de moi, qui me ressemblaient physiquement en tout cas. 

André : C’est un vrai travail d’artisan quand on doit jouer un personnage assez éloigné de nous-même physiquement. Qu’il ait existé ou pas d’ailleurs. C’est notre terrain de jeu. Il y a le texte, qu’on nous fait lire. Mais il y aussi cet espace où on peut amener notre imagination, notre invention. Notre interprétation personnelle. 

Un troisième film ensemble, ça vous tente ? 

Jacques : Si le scénario nous transporte, on signe tout de suite ! 

André : On pourrait peut-être se retrouver dans le monde contemporain cette fois ? 

>> Le Tigre et le Président de Jean-Marc Peyrefitte. Avec Jacques Gamblin, André Dussollier. 1h38. En salle le 7 septembre.


Propos recueillis par Jérôme Vermelin

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