Disney met la touche finale à une nouvelle mouture de "Blanche-Neige et les sept nains" avec de vrais acteurs.Après le débat suscité par le casting de l’actrice américaine d'origine colombienne Rachel Zegler, c’est le nouveau visage de ses compagnons de petite taille qui crée la polémique.Coécrite par Greta Gerwig, la réalisatrice de "Barbie", cette relecture moderne du conte des frères Grimm n'a pas fini de faire parler.
Et si la nouvelle version des aventures de Blanche-Neige avait raison de la politique progressiste de Disney ? Depuis plusieurs mois déjà, les polémiques s’enchaînent au sujet des partis pris artistiques de cette version en "live action" du conte des frères Grimm qui sortira sur les écrans le 22 mars prochain. Si cette relecture résolument moderne est mise en scène par Marc Webb, l’homme derrière les trois derniers Spider-Man, on en doit le scénario à un duo féminin composé de Eric Cressida Wilson (La Secrétaire, Fur) et… Greta Gerwig, qui triomphe actuellement avec sa Barbie féministe. Tiens, tiens.
Tout a commencé avec le choix de l’actrice Rachel Zegler, à l’été 2021. Moitié colombienne par sa mère – et polonaise par son père - la révélation du West Side Story de Steven Spielberg serait-elle trop "latino" pour interpréter l’héroïne que le grand public assimile depuis des décennies au film d’animation de 1937 ? C’est l’avis de nombreux internautes qui n’ont pas digéré non plus les déclarations de la jeune femme à l’automne.
Blanche-Neige ne sera plus là à attendre un homme
Rachel Zegler
"L’essentiel de mon personnage ne fonctionne pas pour le public d’aujourd’hui", a-t-elle estimé lors de la D23 Expo, une manifestation organisée par Disney pour présenter ses prochains films. "Nous avons fait un gros effort pour réparer ça et faire d’elle une femme moderne (…) Elle ne sera plus là à attendre un homme. On assistera à son voyage pour devenir une merveilleuse leader", ajoutait celle qui donnera la réplique à la star israélienne Gal Gadot dans le rôle de la méchante sorcière.
Mais la transgression ne s’arrête pas là. À l’annonce du projet, Peter Dinklage, l’acteur de petite taille de la série "Game of Thrones", s’était ému du "double discours" de Disney en matière de diversité. "J’ai été scotché qu’ils soient fiers d’engager une actrice latino tout en continuant de raconter cette histoire", avait-il lancé dans le podcast de Marc Maron. "Prenez un peu de recul et réfléchissez bien. Parce que ça n’a aucun sens. Vous êtes progressistes d’un côté, mais de l’autre vous faites un film sur cette p..... d’histoire rétrograde de sept nains qui vivent ensemble dans une grotte ?"
Bonjour les "sept créatures magiques"
À l’époque, Disney avait pris bonne note de ces craintes légitimes. "Pour éviter de renforcer les stéréotypes du film d’animation original, nous adoptons une approche différente avec ces sept personnages et avons consulté des membres de la communauté du nanisme", avait annoncé un porte-parole de la firme dans un communiqué. "Nous sommes impatients de partager davantage à mesure que le film entrera en production après une longue période de développement."
Le fruit de ce travail ? Il a été dévoilé au cours de l’été par le DailyMail. Sur des clichés issus du tournage dans le Bedfordshire, on découvre que les nains ont été remplacés par des "créatures magiques". Parmi les sept, un seul est incarné par un comédien de petite taille. Cinq ont la peau blanche et deux ont la peau noire, l’un d’entre eux étant incarné par une femme. Shocking ? C’est l’avis de David Hand, le réalisateur du film de 1937 dont il porte le même prénom.
Mon père et Walt Disney se retourneraient dans leur tombe
David Hand, le fils du réalisateur du film de 1937
Dans un entretien accordé au Daily Telegraph, il estime que "c’est une honte" que Disney "essaie de faire quelque chose de neuf avec ce qui a eu un tel succès. Leur vision est tellement radicale désormais. Ils inventent de nouveaux trucs woke et je ne suis pas d’accord avec ça. Je trouve même ça un peu insultant ce qu’ils essaient de faire avec ces films classiques. Il n’y a pas de respect pour ce que Disney et mon père ont fait. Je crois que Walt et lui se retourneraient dans leur tombe s’ils savaient."
Fresh controversy over Disney's Snow White remake https://t.co/PdGmIFRBCj pic.twitter.com/8PjP8vu7O7 — Daily Mail Online (@MailOnline) August 16, 2023
Est-ce une simple affaire de génération ? Pas forcément. Outre-Atlantique, de nombreux observateurs estiment que l’agenda progressiste Disney commencerait à avoir un impact négatif sur les finances de l'entreprise. Certains en veulent pour preuve les succès mitigés au box-office de La Petite Sirène avec son héroïne afro-américaine, source de polémiques interminables sur les réseaux sociaux, ou de Buzz l’éclair, le spin-off de Toy Story dont le baiser lesbien lui a valu d’être censuré dans plusieurs pays arabes.
Officiellement, la major n’affiche aucune volonté de revenir en arrière sur les questions de société. Même si elle doit en payer le prix fort. On se souvient qu'au printemps 2022, l’ancien PDG Bob Chapek s'était prononcé publiquement contre la loi "Don’t say Gay" votée par l’État de Floride, interdisant d'enseigner des sujets en lien avec l'orientation sexuelle ou l'identité de genre à l'école primaire. Le gouverneur conservateur Ron De Santis avait aussitôt réagi en faisant passer une loi privant les parcs Disney des privilèges d’extra-territorialités dont ils disposaient depuis des années, leur permettant de construire à leur guise.
Revenu aux affaires cet hiver, Bob Iger a aussitôt réaffirmé son attachement aux valeurs "d'inclusion, d'acceptation et de tolérance ". Avec toutefois un bémol. "Est-ce que j'aime que l'entreprise soit mêlée à une controverse ? Bien sûr que non", a-t-il réagi à la question d’un salarié lors d’une conférence interne le 28 novembre dernier. "Cela peut être une source de distraction. Cela peut avoir un impact négatif sur la compagnie. Je vais tâcher de calmer les choses dans la mesure du possible."
Quid des prochaines productions maison ? À voir. Alors que la major s’est lancée dans un grand plan de restructuration, la presse spécialisée révélait début juin le départ dans la plus grande discrétion de Lantondra Newton, sa vice-présidente et "cheffe de la diversité". Son job depuis sept ans chez Mickey ? "S’assurer que Disney s’engage et produise des divertissements qui reflètent le public mondial", pouvait-on lire dans un mémo révélé par Variety. Elle n’a toujours pas été remplacée.