Dans "Simone, le voyage du siècle", la comédienne se glisse dans la peau de Simone Veil.Réalisé par Olivier Dahan, le biopic qui sort en salles ce mercredi retrace le destin d'une femme hors du commun.Rencontre avec Elsa Zylberstein, à l'initiative de ce projet.
La ressemblance est frappante, voire troublante. Dans Simone, le voyage du siècle, Elsa Zylberstein se glisse avec brio dans la peau de Simone Veil, figure emblématique du féminisme à l'origine de la légalisation de l'avortement en France. Un projet ambitieux initié par la comédienne qui incarne l'ancienne ministre de la Santé de ses 36 à ses 87 ans, tandis que Rebecca Marder hérite de la période allant de l'adolescence à l'aube de la trentaine.
Loin du biopic classique, le film réalisé par Olivier Dahan (La Môme, Grace de Monaco) propose un portrait à la fois intime et grandiose d'une femme dont la vie a été marquée par des tragédies, mais surtout par des combats qui ont marqué la société. On y (re)découvre les différentes étapes de la vie de Simone Veil, jeune fille rescapée d'Auschwitz qui, grâce à sa force et à sa résilience, a été ministre de la Santé, présidente du Parlement européen, et même immortelle à l'Académie française. Un film qui, contre toutes attentes, fait également terriblement écho à l'actualité...
Vous êtes à l'origine du projet. Qu'est-ce qui vous touchait tant chez Simone Veil pour avoir voulu faire un film sur elle et l'incarner ?
Beaucoup de choses. C'est compliqué de dire pourquoi, mais j'avais l'intuition qu'une femme comme elle méritait un grand film. Simone Veil a traversé le siècle en se battant pour les femmes, pour la dignité, contre l'injustice, l'extrême droite et le totalitarisme. Elle a épousé tant de causes. C'est un exemple et un modèle de résilience, de courage, de force, d’humanité.
Vous l'avez également rencontrée…
Oui et ça a été déterminant. J'ai eu la chance de la rencontrer plusieurs fois et c'est vrai que son parcours force le respect. C'est une combattante, une guerrière, mais derrière tout ça, je ressentais aussi chez elle beaucoup d'humanité, d'empathie et de sensibilité. Et quand j'ai commencé à lire Une vie, je me suis dit "Oh mon Dieu, mais quelle femme, quel extraordinaire destin ! Il lui faut un film".
Je voulais avoir son visage pour coller au plus près de ce qu'elle était
Elsa Zylberstein
Votre transformation physique est impressionnante, elle a nécessité jusqu'à 7 heures de maquillage par jour. C'était une étape essentielle ?
Disons que c'était la cerise sur le gâteau. Je ne voulais pas avoir mon visage. Simone Veil est une personnalité trop connue, trop aimée des Français. Je voulais avoir son visage pour coller au plus près de ce qu'elle était. Pendant un an, je me suis préparée pour entrer dans ses chaussures, dans chacun de ses pas, dans chaque respiration, chaque mot, chaque geste. Je voulais l'intégrer en moi de manière viscérale et véritable. Il fallait aussi trouver ses douleurs, ses failles, son intime. Parce que si ce n'est que du maquillage, tout le monde peut être maquillé…
Y-a-t-il un côté jubilatoire à s'oublier complètement ?
Je ne sais pas si c'est jubilatoire, mais le fait de ne plus du tout être dans son propre corps, c'est troublant. J'étais en pleine possession de mes armes d'actrice, mais je n'étais plus dans le corps d'Elsa. J'avais pris neuf kilos, chaque pas que je posais, ce n'était plus moi. Quand je vois des photos du tournage, je ne me reconnais pas. Mais il n'y a jamais de hasard dans les rôles qu'on joue, il y a toujours des échos intimes.
J'étais à mille lieues de penser que le droit à l'avortement serait à nouveau d'actualité avec la sortie du film
Elsa Zylberstein
Quand on voit son parcours, on se dit que Simone Veil était bien plus qu'une simple femme politique…
Pour moi, elle n'est pas une femme politique au sens strict du terme. Elle a évidemment obtenu des postes de très haut niveau pour faire changer les choses et se battre pour améliorer la vie des gens, fondamentalement. Mais elle avait toujours cette empathie, cette grande humanité qui force le respect. Quand elle va faire le journal de 20h en direct d'un hôpital et qu'elle décide de rester avec le malade du sida parce qu'elle est bouleversée au lieu de préparer son intervention, c'est parce qu'elle s'oublie. Elle n'est pas sur son ego. Ça fait une grande différence.
Le film sort alors que le droit à l'avortement est menacé. Dans la vie, rien n'est jamais vraiment acquis, non ?
J'étais à mille lieues de penser que le droit à l'avortement serait à nouveau d'actualité avec la sortie du film. Quand on voit ce qui se passe aux États-Unis, avec des dizaines ou plus d'États qui reculent et qui sont contre l'avortement. Ça parait fou que le choix fondamental des femmes de disposer de leur corps et de leur désir soit remis en question. Je me dis que les femmes en sont encore là, c'est fou, c'est un éternel recommencement. Au fond, est-ce qu'on apprend réellement de nos erreurs ou de l'Histoire ? Il faut peut-être des générations et des générations pour que ça change. Et encore, je ne suis même pas sûre de ça…
Qu'avez-vous appris en faisant ce film ?
Je dirais que Simone Veil m'a donné du courage, de la force et une volonté que j'avais déjà de toute façon. Elle m'a aussi appris et refait comprendre que dans la vie, il n'y a pas de fatalité. Tout est à réinventer. Surtout quand on vient de l'enfer.
Diriez-vous que Simone Veil, c'est le rôle de votre vie ?
Je ne sais pas… Mais c'est un rôle essentiel dans ma vie, c'est certain.