Festival de Cannes

"Club Zero" : la comédie grinçante qui va vous vacciner contre les régimes extrêmes

Publié le 28 septembre 2023 à 18h30

Source : TF1 Info

Dans "Club Zero", une étrange professeure de nutrition entraîne ses jeunes élèves dans une spirale destructrice.
Une métaphore des phénomènes de radicalisation qui n'a pas peur d'avoir recours aux scènes choc pour illustrer son propos
TF1info est allé à la rencontre de sa réalisatrice, l'Autrichienne Jessica Hausner, disciple douée de Michael Haneke.

Ne cherchez pas plus loin la scène la plus dérangeante de l’année au cinéma. Dans Club Zero, en salles depuis ce mercredi 27 septembre, une lycéenne convertie à un régime extrême vomit le contenu du plateau repas que ses parents lui ont servi… avant de le manger de nouveau. Lors des premières projections du film au dernier Festival de Cannes, certains spectateurs, dont l’auteur de ces lignes, ont éprouvé un haut-le-cœur bien légitime. D'autres une colère noire, voire les deux. "Ça ne me dérange pas", sourit la cinéaste autrichienne Jessica Hausner. 

Disciple de Michael Haneke, qui l’engagea à ses débuts comme script sur le diabolique Funny Games, cette fille d’un célèbre peintre viennois cultive le goût du malaise avec une délectation certaine. Quatre ans après Little Joe, dans lequel une plante expérimentale suscitait des pulsions morbides chez ses propriétaires, c’est une autre forme d’envoutement qu’elle met en scène dans Club Zero.

Une gourou bien sous tous rapports

Nutritionniste à succès, l'énigmatique Miss Novak (Mia Wasikowska) est engagée par un lycée privé pour transmettre ses préceptes à de jeunes élèves sans histoire. D’abord cocasse pour le spectateur, le régime qu’elle leur propose se fait plus politique, comme une réponse aux injonctions de la société de consommation. Puis carrément dangereux pour la santé de ses nouveaux adeptes, au grand désespoir de leurs parents…

"L’idée qu’une professeure manipule l’esprit de ses étudiants m’est venue rapidement", raconte la réalisatrice autrichienne. "Et puis je me suis rappelée de la légende du Joueur de flûte de Hamelin, qui punit les adultes en enlevant leurs enfants. Très vite c’est devenu un film sur ces trois groupes essentiels dans notre société : les parents, les enfants et les enseignants chargés de les éduquer. C’est un système qui nous arrange tous. Mais est-ce qu’il fonctionne vraiment ?".

Mia Wasikowska incarne l'énigmatique Miss Novak, une nutritionnistes aux méthodes extrêmes.
Mia Wasikowska incarne l'énigmatique Miss Novak, une nutritionnistes aux méthodes extrêmes. - BAC FILMS

Avec son humour acide et ses séquences provoc, Club Zero ausculte une mécanique à l’œuvre dans tous les phénomènes de radicalisation. "Ceux qui en sont victimes ne sont pas des gens cinglés qui croient à des trucs cinglés", estime Jessica Hausner. "En réalité, je crois qu’on a tous en nous une faiblesse qui nous donne envie de faire partie d’un groupe et de croire en quelque chose qui a du sens. D’autant plus que les préceptes de nutrition du film sont crédibles. C’est peu à peu qu’ils décollent des normes raisonnables de la science."

Ex-Alice de Tim Burton, Mia Wasikowska incarne Miss Novak avec un détachement pour le moins ambigu. "Pour préparer le rôle, nous sommes allés à la rencontre d’anciens membres de sectes pour leur demander à quoi ressemblait leur gourou", raconte Jessica Hausner. "Nous avons appris que les plus convaincants étaient ceux qui croyaient vraiment en ce qu’ils racontaient au groupe. Dans le film, Miss Novak pense sincèrement qu’elle fait le bien. C’est ça qui la rend crédible." Et encore plus flippante.

Et la fameuse scène du vomi, alors ? "Le but, ce n’était pas de choquer mais de montrer l’extrémisme de la situation", tempère la réalisatrice. "La grève de la faim a toujours été un moyen de contestation politique. Et c’est ce que fait le personnage. Pour souligner son propos, elle a ce geste radical qui n'est pas nouveau. On le voit d’ailleurs en ce moment avec ces activistes du climat qui se collent la peau au sol ou qui envoient de la peinture sur des œuvres d’art."

Si Club Zero laisse un goût amer dans la bouche du spectateur, son auteure se défend de jouer la carte du nihilisme branché. "Je sais que certains pensent que le film nous dit que la jeune génération actuelle est malheureuse à cause de la crise économique", observe-t-elle. "Moi je pense au contraire qu’elle est prête à abandonner une partie de nos richesses si c’est nécessaire pour sauver la planète."

>> Club Zero de Jessica Hausner. Avec Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein. 1h50. En salles.


Jérôme VERMELIN

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