"Le Tigre et le Président" retrace le bref mandat de Paul Deschanel, en 1920, et sa rivalité avec George Clemenceau.Une comédie historique interprétée par Jacques Gamblin et André Dussollier, au cinéma le 7 septembre.TF1info a recueilli les confidences de son réalisateur, Jean-Marc Peyreffite, qui signe son premier film.
C’est l’histoire du président de la République que tout le monde a oublié, ou presque. Le 21 septembre 1920, Paul Deschanel démissionne au bout de sept mois et trois jours, marqués par sa disparition rocambolesque suite à une chute de train en rase campagne. En salle mercredi 7 septembre, Le Tigre et le président raconte le mandat unique de cet homme de lettres aussi moderne qu’angoissé. Et sa rivalité à la fois cocasse et redoutable avec le vétéran George Clemenceau, héros de la Première Guerre mondiale. Jacques Gamblin et André Dussollier sont les têtes d’affiche de ce conte politique dont TF1info s’est entretenu avec son réalisateur, Jean-Marc Peyrefitte, qui signe là ses débuts derrière la caméra.
Les réalisateurs ont souvent un lien très personnel avec leur premier film. Pourquoi étiez-vous intéressé par l'histoire du président Deschanel ?
J’avais un attachement familial à Paul Deschanel. Mes parents me racontaient toujours qu’il avait tout loupé et ça déclenchait à la fois de la raillerie, mais aussi beaucoup d’affection. J’aimais bien ce mélange d’émotions. Pour la petite histoire, mon père avait été blessé durant la guerre d’Algérie, c’était une gueule cassée. Je suis allé à Moussy-le-Vieux, où se trouve la demeure donnée aux gueules cassées après la Première Guerre mondiale. Et je me suis aperçu là-bas que lorsqu’on parlait de Paul Deschanel, c’était encore et toujours pour se moquer de lui à cause de la chute du train. 100 ans après ! Alors j’ai lu ses discours, j’ai lu la biographie écrite par Thierry Billard.
Qu'avez-vous découvert ?
Que non seulement il était plus complexe que l'image qu'on avait de lui, mais surtout que c'était visionnaire, un homme qui avait des clartés sur tout ce qui allait se passer dans la suite du XXème siècle. Et je me suis dit que c’était injuste qu’il soit réduit à la chute d’un train. Ce que je voulais aussi à travers lui, c’est parler des gens différents, des gens qui sont un peu à côté. Qui ne font pas partie des forts qui écrivent l’Histoire. Mais pour en faire un film, il me fallait un antagoniste. Et il était tout trouvé en la personne de Clemenceau, qu’il avait battu à l’élection présidentielle alors que ce dernier était persuadé de l’emporter.
Deschanel avait pressenti qu’entre le communisme et le capitalisme qui ne disait pas encore tout à fait son nom, il existait une troisième voie humaniste, au centre
Jean-Marc Peyrefitte
Cette chute de train, elle s’est vraiment déroulée comme vous le montrez dans le film ? Ou bien avez-vous pris quelques libertés avec la réalité historique ?
Cette chute est totalement avérée. Ce pauvre président Deschanel est véritablement tombé du train et a été retrouvé par un poseur de voies qui l’a amené chez le garde-barrière. Mais on a pris quelques libertés parce qu’on sait très peu de choses sur la manière dont ça s’est réellement passé. Il existe trois biographies de Paul Deschanel et trois versions différentes de la chute. Une fois, c'est par la porte, une fois, c'est par la fenêtre. Une fois, il a voulu se suicider…
Ce qui veut dire que Deschanel lui-même a laissé planer le doute ?
Il a complètement laissé planer le doute. À l’époque, son mandat est en perdition, les médias sont vent debout contre lui, si bien qu’il a préféré ne pas s’étendre sur le sujet. En revanche, il y a un épisode qui n’est pas dans le film et que je trouve savoureux : le compositeur Erik Satie a proposé d’écrire un opéra sur l’épisode du train et de le jouer au Moulin Rouge. Deschanel avait conscience de l’opinion publique - c’est bien pour ça qu’il souhaitait instaurer l’élection du président au suffrage universel direct - et il voulait se servir de ce projet pour la retourner à son avantage. Malheureusement, ça n’a pas abouti à cause des angoisses dont il était pétri et des médicaments qu’il n’aurait pas dû prendre.
Qui est Deschanel, le politique ? Un romantique ? Un progressiste ? Un visionnaire ? Les trois à la fois ?
Oui, et j’y ajouterais un poète. Déjà, parce que c’était un type qui avait un incroyable rapport au verbe. C’était un Académicien et pour avoir lu la totalité de ses discours, je peux vous dire qu’ils sont écrits dans une langue absolument formidable. Il avait des idées effectivement progressistes, avant-gardistes et ultra-sociales. Il avait pressenti qu’entre le communisme et le capitalisme qui ne disait pas encore tout à fait son nom, il existait une troisième voie humaniste, au centre.
On la cherche encore, non ?
Oui et j’espère d’ailleurs que le film aura une petite résonance avec la politique d’aujourd’hui. Ce n’est pas une petite histoire poussiéreuse ! En plus, on l’a tourné dans l’esprit d’un conte, en prenant des libertés qui nous ont permis d’imaginer une comédie pour faire réfléchir les gens. Et les pousser à se questionner sur l’époque actuelle. Est-ce que nous ne sommes pas confrontés aux mêmes problèmes politiques qu’il y a 100 ans ?
Justement : pour vous, que nous dit cette histoire sur la politique actuelle ?
Ce qui me touche, c’est la volonté de Paul Deschanel d’essayer de casser les quatre murs de son bureau pour aller à la rencontre des Français. Dans le film, ça culmine avec ce couple de garde-barrières qui l’accueillent suite à sa chute. Ce sont des gens qui se battent avec un deuil de la Première Guerre mondiale, qui font preuve d’une vraie sincérité. Et les heures qu’ils passent ensemble lui redonnent du souffle. Si les gens qui nous gouvernent se rappelaient pourquoi ils font ce métier, s’ils laissaient de côté les querelles d’appareil et les petits coups bas pour se souvenir que le personnage principal de la politique, c’est le peuple, alors les choses iraient un peu mieux.
>> Le Tigre et le Président de Jean-Marc Peyrefitte. Avec Jacques Gamblin, André Dussollier. 1h38. En salle le 7 septembre.
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