Oscars 2021 : pourquoi la Chine boycotte la victoire de Chloé Zhao, réalisatrice de "Nomadland"

Publié le 27 avril 2021 à 16h41, mis à jour le 4 mai 2021 à 17h29

Source : JT 13h Semaine

MALAISE - Couronnée aux Oscars dimanche 25 mai pour son film "Nomadland", la réalisatrice chinoise Chloé Zhao a été boudée par les médias de son pays, qui n’ont même pas retransmis la cérémonie cette année. Explications.

En remportant l’Oscar de la meilleure réalisatrice pour Nomadland, également sacré meilleur film, Chloé Zhao est entrée dans l’histoire du cinéma. Elle est seulement la seconde femme à l’emporter dans cette catégorie, après Kathlyn Bigelow en 2010 pour Démineurs. Mais elle est aussi la toute première citoyenne chinoise à être couronnée ainsi à Hollywood. En toute logique les médias de son pays auraient dû parler d’elle toute la journée de lundi au moins. Sauf que non.

Ni l’agence Xinhua, ni la chaîne publique CCTV ne lui ont consacré un article ou un reportage dans les heures qui ont suivi la cérémonie tandis que les posts consacrés à la cinéaste et son film ont été supprimés des réseaux sociaux a pu constater le bureau de la chaîne CNN à Hong Kong où pour la première fois depuis 1968, l’événement n’a pas été retransmis à la télévision. Idem sur le reste du territoire chinois où deux plateformes l’avaient diffusé ces dernières années. 

De "fierté nationale" à "traîtresse"

Ce boycott pur et simple est le fruit d’une campagne de dénigrement menée à l’encontre de Chloé Zhao depuis sa victoire aux Golden Globes en mars dernier. Alors que le quotidien national Global Times n’avait pas hésité à la qualifier de "fierté de la Chine", des internautes ont exhumé une interview de 2013 dans laquelle la jeune femme, qui a étudié son pays à l’âge de 15 ans pour étudier en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis, évoquait sa jeunesse.

Interrogée par le magazine FilmMaker sur la résonance personnelle de son premier pays, Les Choses que mon frère m'a apprises, consacrée à une adolescente élevée dans une réserve indienne, Chloé Zhao expliquait : "Tout remonte à l’époque où j’étais adolescente en Chine, vivre dans un lieu où il y a des mensonges partout. Je recevais beaucoup d’informations qui étaient fausses durant ma jeunesse, et je suis devenue très rebelle vis-à-vis de ma famille et de mon héritage. Je suis allée en Angleterre et soudain, j’ai réappris mon histoire."

Même si parfois les choses ont l’air différentes, j’ai toujours vu de la bonté dans les gens que je rencontrais, partout dans le monde
Chloé Zhao, lors de son discours de remerciements dimanche

Il n’en fallait pas plus à certains pour qualifier Chloé Zhao de "traîtresse" et réclamer l’interdiction de Nomadland en Chine, quand bien même le film, tourné aux États-Unis, raconte les conséquences de la crise des subprimes sur la vie quotidienne de centaines de milliers d’Américains, contraint de vivre sur les routes à la recherche d’un travail à l’âge où d’autres, plus chanceux, coulent une retraite paisible au soleil de la Floride.

Pour enfoncer le cou, les mêmes détracteurs pointent du doigt une interview accordée début mars par Chloé Zhao au site australien News.com.au dans laquelle dit que les États-Unis "étaient désormais mon pays". Le média en question aura beau avouer avoir mal retranscris les propos de la cinéaste, qui disait en réalité que les États-Unis "n’étaient pas mon pays malgré tout", le mal était fait…

Ces dernières semaines, Chloé Zhao s’est bien gardée de commenter la polémique, préférant sans doute se focaliser sur les bonnes ondes qui entourent son film et sa carrière Outre-Atlantique. Après trois réalisations à petit budget – Nomadland n’a coûté que 5 millions de dollars – elle a été choisie par Disney pour mettre en scène The Eternals, l’adaptation d’une BD Marvel avec Angelina Jolie et Salma Hayek.

Dimanche, lors de son discours de remerciements, elle a clairement fait allusion à ses origines, citant un poème que son père, un industriel chinois, lui lisait lorsqu’elle était petite. "La première phrase, c’était : ‘les gens naissent foncièrement bons (…) J’y crois toujours aujourd’hui. Même si parfois les choses ont l’air différentes, j’ai toujours vu de la bonté dans les gens que je rencontrais, partout dans le monde." À bon entendeur…

Si Chloé Zhao semble être, bien malgré elle, la principale responsable du boycott des Oscars par la Chine, la nomination dans la catégorie meilleure court-métrage documentaire de Do Not Split, un film racontant la répression des manifestants pro-démocratie à Hong-Kong, en 2019, n’a pas non plus aidé. Rappelons que dans cette catégorie c’est Colette, le film d’Anthony Giacchino consacré à la résistante française Colette Marin-Catherine, qui a été sacré.

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Jérôme VERMELIN

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