"The Batman" arrive en salle ce mercredi après sept longues années de gestation.Un justicier de Gotham plus jeune et plus sombre incarné par le Britannique Robert Pattinson.Envoûtant et diabolique, le film de Matt Reeves ressuscite la franchise avec panache.
Il y a un nouveau prince à Gotham. Encore orphelins de Christian Bale, divin justicier de la trilogie de Christopher Nolan, considéré jusqu'ici comme le meilleur Batman de tous les temps au cinéma, les fans de comics attendaient sa nouvelle incarnation par son jeune compatriote Robert Pattinson avec un mélange d’excitation et d’inquiétude. Rassurons-les d’emblée : le résultat est à la hauteur… et même bien au-delà.
Avant d’entrer dans le vif du sujet sans trop spoiler, effectuons un petit retour en arrière. Et plus précisément à l’été 2015 lorsque Ben Affleck, qu’on n’a pas encore vu dans le boursouflé Batman v. Superman : l'aube de la justice de Zack Snyder, vend à la Warner l’idée d’un film dont il serait à la fois l’acteur et le réalisateur. The Batman, c’est son titre, va rester de longs mois dans les starting-blocks jusqu’au début de l’année 2017 où sa vedette, en proie à des problèmes personnels, annonce qu’elle ne souhaite plus le mettre en scène.
Un blockbuster né dans la douleur
Après avoir réalisé les deux derniers volets du reboot à succès de La Planète des singes, c’est Matt Reeves qui reprend le flambeau et l’écriture du projet encore loin, très loin de voir le jour. En janvier 2019, surprise : Ben Affleck ne fait plus partie du projet qu’il avait lui-même initié. Puis le 16 mai, Robert Pattinson décroche le rôle au détriment de Nicholas Hoult et d’une poignée de malheureux prétendants. Ne reste plus qu’à se mettre au travail…
Entamé en janvier 2020 à Londres, le tournage de The Batman va être suspendu deux mois plus tard par l’apparition de la pandémie de Covid-19. Après plusieurs faux départs, l’équipe se trouve en septembre mais au bout de trois jours, Robert Pattinson lui-même est testé positif et renvoyé chez lui sans son costume de superhéros. Zut, alors.
À l’époque, les tabloïds s’en donnent à cœur joie et affirment que Matt Reeves est furieux contre sa vedette. Après bien des spéculations, les prises de vues s’achèvent en mars 2021. La sortie est envisagée en septembre avant que le studio, prudent, fixe la date du 4 mars 2022 pour les Etats-Unis, et deux jours plus tôt en France. Le résultat, après tant d’embuches, est un petit miracle.
Aussi glauque que "Joker"
Depuis le début, Matt Reeves présentait son bébé comme un film noir où le célèbre justicier mènerait une enquête criminelle plutôt qu’une énième orgie d’effets spéciaux numériques dont même les moins regardants d’entre nous commencent à se lasser très sérieusement. Eh bien figurez-vous qu’il a tenu promesse. Soyons clair : The Batman regorge de morceaux de bravoure. Mais c’est bel et bien son atmosphère qui saisit d’emblée le spectateur. Aussi envoutante que cafardeuse, la vision de Gotham City qui nous est proposée n’est pas sans rappeler celle du Joker de Todd Philips avec Joaquin Phoenix.
Dans cette mégalopole gangrenée par le crime à tous les étages, refrain connu, un jeune justicier masqué – et milliardaire - règle son compte à la racaille nocturne lorsqu’il ne file pas un coup de main au commissaire Gordon sous l’œil mauvais de ses collègues. Ça tombe bien : en pleine campagne de réélection, le maire vient d’être poignardé à mort sous nos yeux par un étrange tueur à cagoule lors de la scène d’ouverture, aussi glauque que terrifiante. Sur le cadavre, il a laissé un mot doux adressé à… Vous avez deviné ?
Un Batman taillé pour Pattinson
La bonne idée de The Batman, c’est de sauter les préliminaires. Exit la mort des parents de Bruce Wayne, la démonstration de gadgets dans la Batcave sous le manoir familial ou encore la mise au point du célèbre signal lumineux dans le ciel de Gotham, des séquences vues et revues dans les films précédents. Ici tout est déjà en place, comme dans notre imaginaire, pour mieux se focaliser sur l’intrigue et les personnages. Et à vrai dire LE personnage.
Icône des ados à ses débuts grâce à Twilight, Robert Pattinson a démontré depuis son goût pour les performances borderline, du Cosmopolis de David Cronenberg au Good Time des frères Safdie en passant par The Lighthouse de Robert Eggers. Ce Batman 2022 semble avoir été taillé pour lui. À la fois hanté, nerveux, souffreteux et mélancolique, il a de faux airs de rock star déchue et ce n’est pas un hasard si Matt Reeves a fait du sublime "Something in the way" de Nirvana le thème musical lancinant du film.
Avec un hôte aussi séduisant, on n’a plus qu’une seule envie : partir avec lui en promenade dans les allées sombres de Gotham pour débusquer le petit malin qui terrorise les puissants à coups de pièges diaboliques. En chemin, il va croiser la route d’une jeune femme avec de longues bottes en cuir, et des oreilles de chat sur sa cagoule, une certaine Selina Kyle alias Catwoman qu’incarne Zoë Kravitz avec un mélange détonnant de malice et de sensualité. Son alchimie avec Robert Pattinson est dingue, vous n’imaginez même pas.
Si The Batman captive de bout en bout, alors qu’il dure 3 heures et des poussières, c’est en partie grâce à la qualité de ses interprètes qui parviennent à nous rejouer un refrain connu comme certains chanteurs recyclent un vieux classique pour en faire un tube post-moderne. Mais aussi parce que Matt Reeves, en grand maître du jeu, ne perd jamais le fil d’un scénario qui gagne en densité - et en intensité - au fil des minutes.
Peuplé de freaks réjouissants et de pièges mortels, The Batman a été construit comme un puzzle machiavélique qui va permettre au jeune Bruce Wayne d’exorciser ses démons pour sortir de sa peau d'ado vengeur et endosser le costume d'adulte justicier. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’une suite est déjà en préparation. Et vu le carton qui s’annonce, on en a déjà l’eau à la bouche. Et même des petits frissons derrière la nuque, tiens !
>> The Batman de Matt Reeves. Avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz , Colin Farrell, Paul Dano. 3h. En salle mercredi.