Le cancer lui a pris sa voix : le bouleversant combat de Val Kilmer pour revenir dans "Top Gun : Maverick"

Publié le 6 juin 2022 à 19h45, mis à jour le 6 juin 2022 à 20h42

Source : JT 20h WE

L'acteur américain reprend le personnage de Iceman dans "Top Gun : Maverick", actuellement en salles.
Le rôle a été réécrit pour tenir compte du cancer de gorge qui lui a pris sa voix il y a quelques années.
Un drame qu'il raconte également dans le bouleversant documentaire "Val", disponible en VOD.

Tourner la suite de Top Gun sans Val Kilmer ? Impossible pour Tom Cruise. Mais si le projet était dans les cartons depuis plusieurs années, il a fallu s’adapter au drame qui a bouleversé la carrière de l’un des acteurs américains les plus doués de sa génération. En 2014, à l’âge de 55 ans, celui qui a joué Jim Morrison, Batman et Doc Holliday, entre autres rôles majeurs, perd la parole suite à un lourd traitement contre le cancer de la gorge. Tandis qu’un tube relié à son estomac lui permet de s’alimenter, il parvient à s’exprimer à l’aide d’un dispositif électronique qui lui confère une voix métallique, condamnant a priori sa carrière d’acteur. 

Si vous faites partie des bientôt 2 millions de spectateurs qui ont vu Top Gun : Maverick en France, vous savez que son personnage, Tom "Iceman" Kazansky, revient à l’écran pour quelques minutes d’anthologie. Alors que Peter "Maverick" Mitchell a encore fait des siennes, son vieux camarade devenu amiral lui évite une retraite anticipée en l’envoyant enseigner à la célèbre école où ils se sont connus. Dans une scène déjà culte, les deux vétérans échangent par clavier interposé, avant que Iceman, atteint d’un cancer en phase terminale, prononce quelques mots avec ce qui lui reste de voix. 

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Magie de l'intelligence artificielle

À la veille de la sortie du film aux États-Unis, le magazine Fortune a révélé que cette prouesse avait été accomplie grâce à la société Sonantic qui a utilisé l’intelligence artificielle pour recréer plusieurs versions de la voix de Val Kilmer à partir d’images d’archives de sa carrière. "Nous avions à cœur de lui rendre sa voix, en fournissant un nouvel outil qui pourra l’aider quels que soient ses projets créatifs à l’avenir", explique John Flynn, le PDG de cette société habituée à créer des timbres synthétiques pour des jeux vidéo.

Revoir Val Kilmer à l’écran est d’autant plus bouleversant lorsqu’on a vu Val, le documentaire de Leo Scott et Ting Poo présenté l’an dernier au Festival de Cannes. Disponible chez nous sur OCS ou en VOD, il a été réalisé à partir de 800 heures d’images filmées par l’acteur lui-même depuis son adolescence. Des archives incroyables, révélatrices de la vie intime et de la carrière de celui que le réalisateur de The Doors Oliver Stone qualifie de "puzzle dans un mystère enveloppé d’énigmes".

Deuxième fils d’un riche homme d’affaire californien, Val Kilmer rêve de devenir acteur depuis sa tendre enfance. Il vient d’être admis à la prestigieuse Julliard School de New York, en 1977, lorsque son plus jeune frère Wesley meurt noyé à l’âge de 15 ans dans le jacuzzi de la villa familiale, victime d’une crise d’épilepsie. Le jeune homme soigne alors son chagrin sur les planches comme il peut. Obsédé par l'idée de jouer "Hamlet avant 27 ans", on le voit donner la réplique à de futures stars comme Kevin Bacon et Sean Penn.

Après un premier rôle au cinéma dans la comédie d’action Top Secret !, c'est à contrecœur qu'il monte à bord d'un certain Top Gun en 1985. "Je trouvais le scénario idiot et je n’aimais pas le bellicisme du film. Mais j’étais sous contrat avec le studio et je n’avais pas le choix", raconte-t-il dans le documentaire, avec le franc-parler qui le caractérise et qui suscite l’incompréhension, sinon l’inimitié d’une partie de ses collègues à Hollywood qui le jugent bien prétentieux pour un blond californien.

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Je me considère comme un être humain, intelligent et sensible… avec l’âme d’un clown
Val Kilmer dans le documentaire "Val"

Le personnage d’Iceman se résumant à sa manière de mastiquer le chewing-gum, Val Kilmer lui invente une histoire personnelle qu’il se raconte à lui-même avant le tournage. "Son père l’avait abandonné et c’est pourquoi il était guidé par le besoin d’être parfait en tout point. C’est cette obsession de la perfection qui le rendait si arrogant", souligne-t-il. "Je jouais délibérément la rivalité entre le personnage de Tom et le mien hors caméra. En réalité, j’ai toujours considéré Tom comme un ami et nous nous sommes toujours soutenus." Ce qui rend leurs retrouvailles aujourd’hui encore plus belles. 

Dans Val, l’acteur aujourd’hui âgé de 62 ans apparaît diminué, mais vaillant, entouré des siens, sa fille Mercedes et son fils Jack notamment, fruits de son mariage à la fin des années 1980 avec la comédienne anglaise Joanne Whalley, sa partenaire dans Willow de Ron Howard. C’est d’ailleurs Jack qui assure la narration de ce témoignage parfois déchirant lorsqu’on voit son père assister à une projection de Tombstone dans le désert pour des fans, moyennant finances.

Val Kilmer dans le documentaire "Val", disponible sur OCS et en VOD.
Val Kilmer dans le documentaire "Val", disponible sur OCS et en VOD. - A24

"Je vends le moi d’avant et pour beaucoup de gens, c'est la chose la plus humiliante qu’on puisse faire", explique-t-il. "Mais ça me permet de rencontrer mes fans et ce qui finit par arriver, c’est que je me sens reconnaissant plutôt qu’humilié." Plus loin, on le voit quitter une interminable séance d’autographes en fauteuil roulant, la tête cachée sous une couverture, après avoir perdu connaissance. Une image terrible.

Résumer la vie d’un acteur en deux heures n’est pas chose aisée, surtout lorsqu’on a occupé le haut de l’affiche pendant près de trois décennies. Mais Val a le mérité de dresser, en creux, le portrait d’un type jamais tout à fait à sa place dans une industrie du spectacle qui n’a pas beaucoup d’estime pour les perfectionnistes dans son genre. "Je me considère comme un être humain, intelligent et sensible… avec l’âme d’un clown", finit-il par avouer, au fond plus malicieux qu’orgueilleux. Et profondément attachant.


Jérôme VERMELIN

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