DECRYPTAGE – Jean Castex a annoncé ce jeudi que les cinémas, comme l’ensemble des établissements culturels, ne rouvriraient pas avant le début du mois de février. Alors que la fréquentation s’est effondrée en 2020, les exploitants craignent que les spectateurs se détournent durablement des salles obscures au profit des plateformes de streaming.
Le monde culturel ne se faisait guère d’illusion. Le Premier ministre Jean Castex a confirmé ce jeudi 7 janvier que l’ensemble des établissements culturels et des salles de spectacle resteraient fermés dans les prochaines semaines alors que la France enregistre encore 15.000 nouveaux cas de contamination au Covid-19 chaque jour. Un secret de Polichinelle puisque le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal l’avait annoncé sur le plateau du 13H de TF1 dès le 1er janvier.
À défaut d’un calendrier précis, Jean Castex a toutefois promis d’étudier les conditions d’une réouverture début février, en concertation avec les professionnels du secteur. "Nous souhaitons leur donner de la visibilité en travaillant avec eux à l’élaboration d’une méthode d’ouverture encadrée et progressive", a-t-il indiqué, promettant de refaire un point le 20 janvier. Manière de gagner du temps ?
Un secteur lourdement impacté en 2020
"Une méthode d’ouverture encadrée et progressive, je ne sais pas du tout ce que c’est", soupire Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération Nationale des Cinéma Français (FNCF), qui milite depuis plusieurs semaines pour une réouverture avant les vacances de février. "Est-ce que c’est 'progressive' en fonction des secteurs ? Progressive territorialement en tenant compte de la situation dans les départements ? C’est une question qu’on va devoir éclaircir."
Rappelons que les salles de cinéma ont été fermés le 16 mars, suite à l’annonce du premier confinement. Rouvertes le 22 juin, elles ont été soumises à un couvre-feu à partir du 16 octobre, entraînant la suppression des séances du soir, avant d’être totalement fermées de nouveau le 30 octobre. Bilan : une fréquentation qui a chuté de 69,4% au cours de l’année 2020, avec 65,10 millions de tickets vendus, contre 213,07 millions en 2019.
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Si aucune salle n’a mis la clé sous la porte à ce jour, beaucoup sont fragilisés par cette fermeture prolongée. Soit parce qu’elles ont emprunté ces dernières années pour se moderniser. Soit parce qu’elles occupent de larges superficies qui engendrent d’importants loyers comme les multiplexes. Voire les deux. Une situation à laquelle le gouvernement a jusqu’ici répondu par plusieurs plans d’aide au secteur. Au-delà de la question financière, c’est le bien-fondé de la fermeture qui interroge les exploitants, alors qu’ils avaient mis en place un protocole sanitaire strict lors de la réouverture en juin.
Mi-décembre, après l’annonce de la non-réouverture des salles pour la fin de l'année, la FNCF et d’autres organisations professionnelles avaient saisi le Conseil d’État pour la contester. Ce dernier a donné raison au gouvernement. Mais dans son avis rendu le 23 décembre, il a estimé que "si la situation sanitaire s’améliore, le maintien de la fermeture générale, attentatoire aux libertés, ne pourra pas être justifiée par la seule persistance d’un risque de contamination de spectateurs par le virus."
Maintenir les cinémas fermés, c’est aussi faire le jeu des plateformes de streaming estiment les professionnels du Septième art, obligés de constater l'engouement pour Netflix, Amazon, Disney+ et consorts ces derniers mois. "C’est une question de mode de vie, d’habitude", observe Marc-Olivier Sebbag. "C’est aussi une des raisons pour lesquelles on milite pour que cette fermeture mortifère ne soit pas prolongée. Parce que les seules gagnantes, ce sont des entreprises américaines qui pour l’instant ne contribuent pas à l’écosystème du cinéma en France."