Covid-19 : qui est Joe Rogan, le roi du podcast accusé de désinformation sur Spotify ?

En décidant de retirer sa musique de Spotify, le rockeur Neil Young a mis en lumière le succès de Joe Rogan, 54 ans, l’animateur dont le podcast est suivi par 11 millions d’auditeurs en moyenne par épisode. Accusé de faire la promotion des théories antivax, ce personnage "sans filtre" a connu jusqu’ici le genre d’ascension dont l’Amérique raffole. Passionné de stand-up, ce fils d’un policier du New Jersey va longtemps cumuler les petits boulots avant de réaliser ses rêves. Il sera ainsi chauffeur de limousine, ouvrier sur les chantiers, prof d’arts martiaux et même détective privé…

Après une apparition sur MTV en 1994, il décroche un rôle de sportif excentrique dans la série Hardball sur la chaîne Fox puis d’électricien macho dans la sitcom NewsRadio. Mais c’est en 1997 qu’il entre dans une nouvelle dimension en interviewant les stars de MMA (Mixed Martial Arts) depuis les coulisses. Bientôt propulsé commentateur, débordant d’énergie, il mène alors une double carrière d’humoriste et d’animateur qui le voit notamment présenter le jeu télé "Fear Factor".

C’est en 2009 qu’il lance The Joe Rogan Experience, un rendez-vous hebdomadaire gratuit, enregistré et filmé avec une bande de potes récurrents et des invités souvent prestigieux comme Elon Musk, Kanye West, Miley Cyrus, Quentin Tarantino ou encore Snoop Dogg. On y parle de politique, de philosophie, de ses hobbies, de tout et de rien en fumant et en buvant des coups…

Après avoir battu des records de téléchargements sur iTunes et de visionnages sur Youtube, le podcast débarque sur Spotify en mai 2020 pour la bagatelle de 100 millions de dollars. Et le succès est au rendez-vous puisqu’il s’agit du programme le plus écouté de la plateforme de streaming, devant les célèbres conférences TED. "On voulait juste déconner et raconter de la merde", résume l’animateur dont le positionnement idéologique est difficile à décrire.

Ni de gauche, ni de droite, Joe Rogan se dit favorable au mariage gay et au port d’arme, partisan des drogues récréatives et ennemi juré de la cancel culture. Durant la dernière campagne présidentielle, il déclare que voter pour Joe Biden, c’est "comme avancer dans les bois avec une torche dont la batterie est en train de crever. Vous ne savez pas si vous allez en sortir vivant", ce qui lui vaut d’être retweeté par Donald Trump. 

Finalement il révélera après l'élection avoir voté pour Joe Jorgensen, la candidate du Parti libertarien pour qui la réponse de l’administration américaine contre le Covid est "la plus grande atteinte à nos libertés de notre temps". Un discours que l'animateur va défendre, peu ou prou, à travers ses propos et ses choix d’invités durant la pandémie.

Dès avril 2020, le célèbre Dr. Anthony Fauci reproche sur NBC à Joe Rogan de décourager les vaccinations chez les jeunes. "Si vous avez genre 21 ans, et que vous me demandez 'est-ce que je dois me faire vacciner ?', je vous dirai 'non', avait-il expliqué. "Si vous êtes en bonne santé et que vous faites du sport tout le temps comme moi et que vous vous nourrissez bien, je ne pense pas que vous deviez vous inquiéter de ça".

En septembre dernier, l’animateur choque un peu plus après avoir révélé qu'il a été testé positif suite à un voyage en Floride. Sans dire s’il s’est fait vacciner ou non, il affirme en effet s'être soigné en suivant un traitement à base de vitamines et d’ivermectine, un médicament non-autorisé qui peut non seulement provoquer des vomissements et des diarrhées. Mais aussi être mortel s’il est administré avec d’autres substances.

Fin décembre, Joe Rogan va un peu plus loin en recevant le professeur Robert Malone, un scientifique qui affirme, entre autres, que les vaccins à ARN messager sont susceptibles d'endommager durablement les organes des enfants. Une théorie battue en brèche par la communauté scientifique mais qui a fait de lui l’une des voix les plus appréciées des antivax. Suite à son passage, Youtube supprimera la version vidéo du podcast. Spotify, en revanche, en a maintenu la version audio, toujours disponible à ce jour.

C’est cette inaction qui a poussé le 14 janvier dernier une centaine de médecins et experts à publier une lettre ouverte dans laquelle ils réclament à la plateforme de ne plus héberger le podcast Joe Rogan qu’ils accusent "d’endommager la confiance du public vis-à-vis de la recherche scientifique" depuis le début de la pandémie de Covid. Une demande restée sans réponse jusqu’au coup de force de Neil Young il y a quelques jours.

Dans un message vidéo posté dimanche soir sur Instagram, Joe Rogan se défend et dénonce ceux qui accusent son podcast de "propager de la désinformation". Il explique "faire de son mieux pour effectuer des recherches" sur les sujets qu’il aborde et qu’il cherche à "créer des discussions intéressantes que les gens apprécient (…) Si je vous emmerde, je suis désolé. Et si vous appréciez le podcast, merci."

Spotify, de son côté, a annoncé sa décision d’introduire des liens dans tous ses podcasts évoquant le Covid-19 afin de guider ses utilisateurs "vers des informations factuelles et scientifiquement sourcées", a annoncé son PDG et fondateur Daniel Ek. "Nous avions une obligation de faire plus pour fournir de l'équilibre". Se débarrasser du populaire Joe Rogan ? Visiblement pas pour le moment.