"Obsession" sur Netflix : et si on tenait l'un des pires thrillers érotiques de tous les temps ?

Publié le 20 avril 2023 à 17h55

Source : TF1 Info

Déjà porté à l’écran par Louis Malle avec "Fatale" il y a 30 ans, le roman "Dangereuse" de Josephine Hart fait l’objet d’une nouvelle adaptation sur Netflix.
Mini-série en quatre épisodes, "Obsession" n’a malheureusement ni la chaire ni l’intelligence du film avec Jeremy Irons et Juliette Binoche.
Entre le ridicule et l’indifférence, ce thriller érotique est un sommet d’adaptation ratée dont on retiendra surtout une grotesque scène de sexe... avec un oreiller.

Confortablement installé dans votre canapé, vous avez lancé Obsession, la minisérie Netflix recommandée par l’algorithme au courant de tous vos petits plaisirs coupables. Durant l’épisode 1, vous vous êtes laissé intriguer par la liaison interdite entre le chirurgien William Farrow et la girlfriend de son fils aîné, la mystérieuse Anna Barton. Disons-le tout de suite : rien ne va dans cette nouvelle adaptation de Dangereuse, le roman érotique de l’Anglaise Josephine Hart dont le regretté Louis Malle avait tiré Fatale en 1992. À qui la faute ? Un peu tout le monde, personne dans ce ratage complet n’ayant retenu les règles essentielles d’un thriller érotique réussi. 

La première à ne jamais négliger, c’est le casting. Pour donner aux spectateurs l’illusion d’une passion dévorante, les meilleurs films du genre se sont toujours reposés sur l’alchimie un peu inexplicable entre les deux comédiens. On pense pêle-mêle à Michael Douglas et Glenn Close dans Liaison Fatale, à Mickey Rourke et Kim Basinger dans 9 semaines 1/2 ou justement à Jeremy Irons et Juliette Binoche chez Louis Malle… On ne leur demande pas de tomber amoureux pour de vrai, juste d’être sur la même longueur d’ondes. Le pire, c’est que dans Obsession ils sont sur la même : mais la mauvaise.

La chair est triste... et comique

Aperçu dans Le Hobbit et quelques bonnes séries britanniques, Richard Armitage semble avoir confondu la naissance du désir avec le diagnostic d’un cancer de la prostate. Malheureux comme les pierres au début de la série, il le restera jusqu’au bout. Lors de la première rencontre entre William et Anna, il glisse fébrilement une olive entre les lèvres de sa partenaire, la jeune Charlie Day, qui le fixe les yeux écarquillés d’effroi comme s’il venait de lui offrir une capsule de cyanure. On imagine le réalisateur, mégaphone en main, leur hurler que la passion entre ces deux êtres est dangereuse. Effrayante. Funeste. Il n’empêche : on ne joue pas l’imminence du sexe comme si une bombe à retardement menaçait de détruire la planète.

Et on en vient au deuxième commandement du genre : la réussite des scènes cochonnes. Dans Obsession, c’est bien simple : ces séquences semblent avoir été conçues comme une série d’épreuves sportives pour d’obscurs Jeux Olympiques du cinq à sept. C’est très acrobatique, sans doute chorégraphié au millimètre avec l’aide d’un "coordinateur d’intimité" dont les Anglo-saxons raffolent désormais pour éviter les mauvaises surprises. Mais ce n’est jamais excitant. Reste que le comble du malaise est atteint lors de l’épisode 2 où William traque Anna et son fils durant un week-end amoureux à Paris.

Lors d’une scène qui fait beaucoup parler sur les réseaux sociaux, le chirurgien s’invite dans la chambre d’hôtel où la jeune femme a séjourné avec son fiancé. À genoux devant leur lit, il retire ses chaussures - faut pas pousser - puis se jette sur la couette, à la recherche de l’odeur de sa proie. Après l’avoir découverte sur un oreiller, il déboutonne sa braguette et se colle le tissu sur visage d’une main pendant qu’il se soulage de l’autre. Au secours ! Le malheureux Richard Armitage a sans doute voulu jouer le titre de la série au pied de la lettre. Sauf qu’il ressemble davantage à un dangereux serial killer qu’à un amoureux transi.

Ce qui nous amène au troisième commandement du thriller érotique : sa crédibilité. S’il est conçu pour émoustiller le spectateur, ce qui le sépare de la pornographie, c’est - normalement - sa capacité à proposer des personnages qui font réfléchir sur la condition humaine. Sur le papier, Obsession orchestre la rencontre entre un homme de pouvoir enfermé dans les conventions sociales et une jeune femme brisée par un traumatisme précoce. Ils sont beaux, riches et ambitieux mais leurs tourments sont aussi les nôtres. Enfin, ils devraient.

Savoir comment et combien de temps ces deux agents secrets du sexe vont dissimuler leur relation n’a guère d’importance. Ce qui compte, ce n'est pas le suspense mais de nous faire ressentir leur lente descente vers le chaos. Et de nous interroger : à leur place, on aurait fait quoi ? Au lieu de ça, cette série sans âme qui ferait passer 50 Nuances de Grey pour un film de James Ivory propose un interminable jeu du chat et de la souris entre deux psychopathes grotesques avec lesquels on n’entre jamais en empathie. Sinistre.


Jérôme VERMELIN

Tout
TF1 Info