"Dépendance day" : le roman d'un Alzheimer qui ose dire son nom

par Jennifer LESIEUR
Publié le 19 février 2015 à 12h41
"Dépendance day" : le roman d'un Alzheimer qui ose dire son nom

ROMAN - Dans "Dépendance Day" (JC Lattès), Caroline Vié raconte la vie de trois générations de femmes sous la menace génétique de la maladie d'Alzheimer. Un thème dur qu'elle choisit de parsemer d'humour noir, la meilleure des médecines à un mal incurable.

En 2012, notre consœur Caroline Vié avait signé un premier roman singulier et dérangeant, Brioche. L'histoire de cette critique ciné qui séquestre un célèbre acteur américain, sous la menace d'un pistolet, avait révélé une voix directe et extralucide, celle des gens qui savent épingler les comportements de leurs semblables et perdre pied avec plus d'élégance qu'à Buckingham Palace.

Un gène encombrant dans la famille

Dans Dépendance Day, changement d'univers mais pas totalement de style. La narratrice répond au doux prénom de Morta. Sa mère, c'est Clotho, et sa grand-mère, Lachésis. Des personnages pareils leur donneraient une petite parenté avec ceux d'Amélie Nothomb, sans compter qu'ils sont joliment excentriques. On dirait bien "zinzin", s'il n'y avait un hic : chez ces femmes, la maladie d'Alzheimer se transmet aussi facilement que le nom de famille.

Passera, passera pas, le fichu gène ? Qui enfermera qui ? Morta écrit des polars mais c'est sa chronique familiale qu'on lit, entre son père farouche militant communiste, son frère Didi, sa meilleure amie Véronique dont la brutale franchise fait tellement de bien. Sa chronique maternelle, surtout, cette relation fusionnelle où Morta aimait tant avoir Clotho toute à elle, le temps d'une journée, avant les premiers gestes incohérents, les trous de mémoire, la génétique qu'on essaie d'ignorer mais qui est bien la seule à ne pas vous oublier, elle.

Grâce à une bonne dose d'humour noir, Morta évite ou répare la casse. En phrases courtes qui font mouche, l'auteur décrit comme personne les salles d'attente des médecins, les maisons spécialisées et les hôpitaux psychiatriques qui sentent l'urine et le désinfectant. C'est dur, ça serre le cœur jusqu'à l'abîme, mais ça regarde les choses en face.

A lire : Dépendance Day, de Caroline Vié, éditions JC Lattès, 212 p., 17 euros.


Jennifer LESIEUR

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