INTERVIEW – Champion des ventes depuis dix ans, Guillaume Musso publie ce mardi "L’Inconnue de la Seine" (Ed. Calmann-Lévy), un thriller qui puise son inspiration dans une célèbre légende de Paris. Il s’est confié à LCI.
Le Covid n’a pas freiné Guillaume Musso, au contraire. C’est durant les périodes de confinement qu’il a imaginé l’intrigue de L’Inconnue de la Seine (Calmann-Lévy), son nouveau roman disponible ce mardi. Roxane, son héroïne, est une jeune flic affectée au Bureau des affaires non conventionnelles, une brigade qui enquête sur des mystères à la frontière du surnaturel.
Dès son arrivée, elle hérite de la disparition d’une jeune femme, retrouvée nue et amnésique par la brigade fluviale. Les choses se compliquent lorsqu’elle découvre que son ADN correspond à celui d’une célèbre concertiste, décédée un an plus tôt dans un crash d’avion…
L’Inconnue de la Seine est une variation autour d’un fait divers qui a marqué l’histoire de la littérature. Quand l’avez-vous découvert ?
Je me rappelle qu’au bac de français, j’avais au programme un roman d’Aragon, Aurélien, dans lequel il écrit que Bérénice ressemble au masque de l’inconnue de la Seine. Je me rappelle que j’étais allée voir à quoi elle ressemblait et ça m’a donné l’idée d’une femme qu’on retrouverait nue et amnésique, de nos jours dans la Seine. L’histoire de la vraie noyée remonte, elle, à la fin du XIXe siècle. Elle est conduite à la morgue de Paris et l’employé qui s’occupe d’elle est subjugué par la beauté et la sérénité de cette femme passée de vie à trépas avec un sourire assez étrange. Si bien qu'il décide de prendre l’empreinte de son visage pour en faire un masque en plâtre qui sera dupliqué au fil des années pour devenir une sorte d’icône littéraire qu’on retrouve dans le Paris bohème des années 1920-1930. Plus tard il servira aussi de représentation pour les secouristes américains qui s’entraînent à rattraper des mannequins avec le visage de l’inconnue dont on dira, avec une formule qui a failli être le titre du livre, que c’était la femme la plus embrassée du monde.
Aucune allusion au Covid-19
Votre héroïne, Roxane, travaille pour le Bureau des affaires non conventionnelles. C’est une brigade qui existe vraiment ?
Non, ce service n’existe pas ! Dans le livre, il a été créé dans les années 1970 pour s’occuper des affaires qu’on ne pouvait pas expliquer par la rationalité. Il n’existe pas mais il aurait pu exister parce que, durant cette décennie-là, certaines institutions se sont emparées des OVNIs, des phénomènes paranormaux. Le roman a failli se dérouler à cette époque d’ailleurs, je voulais faire une sorte de X-Files à la française. Pour diverses raisons, l’intrigue se situe aujourd’hui mais je n’exclus pas de raconter un jour les débuts du Bureau des affaires non conventionnelles, sa création, ses premières enquêtes…
Dans L’Inconnue de la Seine, il y a beaucoup d’allusion à l’actualité. Le roman se déroule dans le Paris d’Anne Hidalgo envers lequel les personnages sont assez critiques…
C’est un roman que j’ai écrit durant la crise sanitaire, dans un Paris assez triste, mais à l’arrivée je pense que c’est l’une de ses forces parce que l’action se concentre sur peu de lieux, en cinq jours avant Noël… Paris et moi, c’est un peu une histoire d’amour contrariée. Il y a quantité de choses que j’aime ici et d’autres que j’aime moins. Mais ce n’est pas une façon de faire passer un message. Je me méfie toujours de ce genre de romans. Là, on voit tout le livre à travers les yeux d’une flic qui vient de passer des années difficiles et qui ressent une certaine angoisse à vivre dans la capitale pour des raisons confuses. On visite aussi de beaux endroits mais c’est un Paris contemporain que j’ai essayé de rendre assez réaliste.
Un clin d'oeil à Belmondo
En revanche il n’y aucune référence au Covid-19. C’était un choix délibéré ?
Clairement. Je n’avais pas envie de repasser douze heures par jour dans un univers rempli de contraintes. Le masque, le gel… je ne trouvais pas ça sexy et en plus ça me semblait un peu artificiel. Murakami dit qu’un livre peut transpirer l’actualité sans en parler de façon directe. Je pense donc que ce roman est ancré dans son époque, par son lieu, la façon dont se comportent les gens, les mentalités dans une ville comme Paris.
Sans trop spoiler, le livre rend hommage à Jean-Paul Belmondo. La coïncidence est étonnante, non ?
Ce n’est pas la première fois que je parle de Belmondo. Je l’ai rencontré deux fois et il m’avait dit qu’on lui avait parlé de la référence que je faisais à la montre qu’il portait dans Peur sur la ville dans l’un de mes romans. C’est un film qui m'effrayait quand j’étais petit. C’était l’un de ces premiers thrillers urbains français avec un tueur en série, violeur, avec un œil en verre… Un autre film de Belmondo qui a beaucoup compté pour moi, c’est Le Magnifique. Je faisais déjà un clin d’œil à son personnage, François Merlin, dans La vie secrète des écrivains.
J’essaye toujours, dans la mesure de mes moyens, d’écrire le livre que j’aimerais lire en tant que lecteur
Guillaume Musso
La jeune fille et la nuit est en cours d’adaptation pour France 2. C’est un projet qui vous tenait à cœur ?
Oui parce que c’est un roman qui se déroule sur les lieux de mon adolescence, dans le Sud de la France, dans le lycée où j’ai plus tard enseigné. Je suis content parce que l’adaptation est tournée en anglais, ce qui est assez cohérent puisque les élèves évoluent sur un campus international. C’est aussi pour ça qu’il y a une distribution mixte, avec des acteurs anglo-saxons comme Ioan Gruffud et Rupert Graves et des Français comme Grégory Fitoussi et Vahina Giocante. J’ai vu les premiers rushes et j’ai été vraiment séduit.
Avez-vous planché vous-même sur l’adaptation ?
On me l’a proposé, oui, mais les journées n’ayant que 24 heures, je suis davantage absorbé par des projets nouveaux et j’accepte sans aucun mal qu’une personne extérieure propose sa version du matériau d’origine, à condition qu’il en respecte l’esprit.
Et écrire votre propre série ?
C’est une envie, oui. Mais il faut que ce soit le bon moment. Surtout, il faut que j’aie l’impression que ce travail ne va pas être à vide, ou à perte. C’est la grande différence qu’il peut y avoir avec cette liberté enivrante qu’on ressent lorsqu’on écrit un livre. Vous pouvez avoir n’importe quel décor, n’importe quel casting. Vous êtes le seul maître à bord. Après, c’est intéressant de travailler avec des contraintes. Et puis au bout de 15 ans d’écriture solitaire, à raison de 10 ou 12 heures par jour, on peut avoir envie d’un projet plus collaboratif. Je pense que ça fait peut-être un peu trop longtemps que je suis seul dans ma caverne. Ce qui explique aussi pourquoi je suis venu vous rencontrer aujourd’hui ! (sourire).
Vous êtes depuis 10 ans le romancier français qui vend le plus de livres dans l'Hexagone. Comment rester motivé avant de se remettre au travail ?
J’ai besoin de me distraire moi-même. J’essaye toujours, dans la mesure de mes moyens, d’écrire le livre que j’aimerais lire en tant que lecteur. Encore plus durant la pandémie : c’était un plaisir de fuir dans une réalité parallèle où il n’y avait pas le Covid, où les gens pouvaient aller boire un verre en terrasse… J’aime la littérature parce que la vie ne suffit pas. Elle est trop corsetée, parfois trop douloureuse, triste, prévisible. Et moi j’ai besoin de me dire qu’il y a ce rail, en dehors de la vie. On me dit souvent que mes livres sont des divertissements en croyant me faire de la peine. Au contraire ! J’adore ce mot, divertir. Étymologiquement, ça veut dire aller à l’extérieur de soi. Et ce que j’aime, quand on lit mes livres, c’est qu’on me dise : "j'ai été ailleurs pendant 2 heures, j’ai tout oublié. J’étais diverti, j’étais quelqu’un d’autre. J’ai vécu une bribe de vie qui n’était pas la mienne". C’est la force des livres. Et je crois que ça ne changera pas tellement l’expérience auteur-lecteur est quelque chose d’intime.
>> L'inconnue de la Seine de Guillaume Musso. Editions Calman-Lévy. 432 pages. 21,90 euros
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