Emmanuel Hamon : "Avec "Exfiltrés", je voulais réaliser un thriller à hauteur d’homme"

Publié le 1 mars 2019 à 7h00, mis à jour le 2 mars 2019 à 21h53

Source : Sujet TF1 Info

INTERVIEW – Dans "Exfiltrés", son premier film en salles le 6 mars, le réalisateur Emmanuel Hamon raconte le parcours d’une femme qui quitte la France avec son fils pour rejoindre la Syrie, et le combat de son mari pour les faire revenir. Il s’est confié à LCI.

Ancien assistant-réalisateur de Maurice Pialat et Patrice Chéreau, Emmanuel Hamon a fait un long détour par le documentaire politique avant de revenir à la fiction. "Exfiltrés", en salles mercredi 6 mars, raconte l’histoire, une jeune mère en rupture avec la société française qui décide de rejoindre la Syrie avec son petit garçon. Autour de Sylvain, son mari, se met alors en place une chaîne de solidarité qui réunit plusieurs générations et nationalités.

Ce premier film entre drame intime et thriller politique, tourné entre la France et la Jordanie, réunit quelques-uns des meilleurs comédiens du moment à l’image de Swann Arlaud ("Petit Paysan"), Jisca Kalvanda ("Divines"), Charles Berling dans le rôle d’un chirurgien parisien influent et Finnegan Oldfield ("Les Cowboys") dans celui de son fils, humanitaire en Turquie.

"Exfiltrés" s’inspire d’une histoire vraie, qui s’est déroulée en 2015. Pourquoi aviez-vous envie d’en faire un film aujourd’hui ? 

Emmanuel Hamon : La première fois qu’on me l’a racontée, j’étais totalement en haleine. Je trouvais cette histoire incroyable, j’avais envie de savoir comment ça allait se terminer. Et en même temps je voyais la possibilité, à travers trois jeunes personnages d’une même génération, de questionner la question de l’engagement, bon ou mauvais, dans le monde dans lequel on vit aujourd’hui.

C’est une histoire vraie… mais à quel point ?

C’est une histoire totalement vraie. Les grands mouvements dramatiques du scénario correspondent à la réalité. Ils sont dignes du thriller le plus efficace possible, et là aussi c’est totalement vrai, tout comme la rencontre entre les personnages d’horizons très éloignés. Après, quand on écrit un scénario, on essaie toujours d’en faire quelque chose de plus personnel, sinon le film serait la décalcomanie d’un fait divers.

"Exfiltrés" raconte un problème humain qui parle à n’importe quel spectateur, de n’importe quelle couleur, de n’importe quelle origine sociale
Emmanuel Hamon

Que connaissiez-vous de la réalité de ces femmes qui ont quitté la France pour rejoindre la Syrie ? 

J’ai lu beaucoup de choses dans la presse, des articles, des enquêtes, des livres comme Les Revenants de David Thompson. Mais la plupart du temps il traitait beaucoup de la radicalisation. Ce n'est pas ce que je voulais faire. Ce qui m’intéressait à travers le personnage de Faustine, jouée par Jisca Kalvanda, c’est de parler de quelqu'un qui n'a pas trouvé sa place dans la société française, alors qu’elle est Française. Elle ne l’a pas trouvé non plus dans son couple. Ni dans une espèce d’engagement à travers son travail d’assistante sociale dans une ville de banlieue. Elle part pour toutes ces raisons-là, plus que par fanatisme. Elle pense trouver sa place en Syrie… Et ça s’avère être une catastrophe. 

Le film dévoile ensuite ce qui arrive à une famille lorsque l’un de ses membres quitte la France pour un pays comme la Syrie actuelle. Qui peut agir, ce qu’il est possible de faire ou pas… Aviez-vous aussi une volonté de pédagogie ? 

Je ne voulais pas faire une leçon de géopolitique sur la situation au Moyen Orient, mais il fallait donner des cartouches au spectateur pour qu’il comprenne les tenants et les aboutissants de ce qui se passe à l’écran. Ce que je voulais, c’est rester à hauteur d’homme. Le personnage de Sylvain, le mari interprété par Swann Arlaud, est celui auquel on peut le plus facilement s’identifier. Pour  comprendre la sidération. Et une forme d’impuissance à agir sur une situation qui le concerne directement puisqu’il s’agit de sa femme et de son enfant. C’est un problème humain qui parle à n’importe quel spectateur, de n’importe quelle couleur, de n’importe quelle origine sociale.

Pourquoi avez-vous choisi de tourner en Jordanie ? 

C’est un choix totalement réfléchi. Il y a pas mal de fictions actuelles en rapport avec la Syrie qui se tournent en réalité au Maroc. Moi je ne voulais pas aller là-bas. D’abord parce que c’est très loin de la Syrie. Or il y a beaucoup de personnages de Syriens dans le film et je trouvais juste normal de faire appel à eux. Sans parler des traits physiques et de la manière de parler arabe qui n’est pas là même. Il se trouve qu’il y a aujourd’hui un million de réfugiés syriens en Jordanie, ce qui nous a permis de faire appel à des gens qui portaient en eux une histoire forte. C’est le cas de Kassem Al-Kohja, qui joue le rôle d’Adnan dans le film. C’est un garçon de 23 ans qui vit en France désormais et qu’on a recruté lors d’un casting sauvage.  

"Exfiltrés", c’est un film engagé ? 

Je fais partie des gens qui estiment que tout film est politique. Celui-ci parle de choses qui nous concernent tous, qu’on a du mal à comprendre ou à appréhender. J’espère qu’il permettra d’éclairer le public et j’assume de l’avoir tourné en optant pour la forme du thriller. Avec l’idée que le spectateur soit embarqué du début à la fin dans une espèce de course haletante. Après le "terrain de jeu" du film étant ce qu’il est, il entre forcément en résonance avec l’actualité.

>> "Exfiltrés" de Emmanuel Hamon. Avec Jisca Kalvanda, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield. En salles le 6 mars


Jérôme VERMELIN

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