"Everything Everywhere All At Once" : attention, objet filmique non identifié

Publié le 30 août 2022 à 15h54

Source : Sujet TF1 Info

À la fois hystérique et intimiste, la comédie fantastique de Daniel Kwan et Daniel Scheinert est le succès inattendu du cinéma américain.
Ou l’histoire d’un couple d’immigrés sino-américain en crise qui découvre les joies du multivers.
Spectaculaire et radical, c’est la preuve qu’il y a encore une alternative aux films de superhéros.

Sur le papier, c’est une superbe anomalie. Sorti au printemps dernier aux États-Unis, Everything Everywhere All At Once a engrangé plus de 100 millions de dollars au box-office. Il faut dire que le deuxième film de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, qui sort en France ce mercredi 31 août, est précédé d'un bouche-à-oreille enthousiaste, n’est pas inspiré d’un comics à succès, comme 90% des blockbusters actuels. Il n’a pas non plus d’acteur hyper bankable au générique.

Sa vedette, la Malaisienne Michelle Yeoh, héroïne culte de Tigre et Dragon, le chef-d'œuvre de Ang Lee, s’est faite plutôt discrète depuis qu’elle a joué Aung San Suu Kyi dans The Lady de Luc Besson en 2011. Et que dire de son mari à l’écran, le revenant Ke Huy Khan, ex-enfant star dans Les Goonies et Indiana Jones et le temple maudit, qui s'offre un comeback aussi spectaculaire qu'inespéré.

Mutations burlesques et gags sous la ceinture

Ici, ce duo improbable incarne Evelyn et Waymond, un couple d’immigrés chinois au bord du divorce. Joy, leur fille, est amoureuse d'une autre femme, à rebours des valeurs traditionnelles du grand-père maternel qui débarque de Chine. L'atmosphère est tendue, mais rien ne prépare le spectateur au choc à venir. Alors que la méchante dame des impôts jouée par Jamie Lee Curtis lui réclame une somme astronomique d’impayés pour la laverie familiale, Evelyn fait la rencontre d'un certain... Alpha Waymond.

Cette version "alternative" de son mari va lui faire découvrir l’existence de mondes parallèles où leur vie est potentiellement plus belle, plus folle, plus dangereuse. Plus tout, en fait. Vous n’aviez rien compris au metavers dont tout le monde parle depuis avant-hier ? Les Daniels en livrent une interprétation tour à tour hystérique, intimiste et spirituelle en 139 minutes qui nécessitent d’avoir le cœur bien accroché. La rétine aussi, ce n’est pas plus mal. Car la singularité de ce duo unique dans le cinéma américain actuel, c'est sa patte visuelle.

Avant d’aller voir leur nouveau film, n’hésitez pas à jeter un œil au premier, Swiss Army Man, dans lequel Daniel Ratcliffe jouait un cadavre dont les pets le transformaient en jet ski. Vous avez bien lu. Ou encore le clip de "Turn down for what" de DJ Snake, où les habitants d’une barre HLM sont pris de convulsions destructrices. Explosions de violence, mutations burlesques, gags sous la ceinture : le cocktail détonne et déroute parfois, le duo faisant fi de toute structure narrative conventionnelle pour pousser très loin son délire. Le réduire à une forme d’esbroufe un peu vaine serait injuste.

Car si le spectateur non averti n’est pas à l’abri d’une migraine ophtalmique, Everything Everywhere All At Once reste attachant parce qu’il raconte avant tout l'histoire d'une famille, simple et universelle, avec ses regrets, ses incompréhensions, ses non-dits et derrière tout ça l’amour indestructible qui unit ses membres. Seulement sur la forme, Daniel Kwan et Daniel Scheinert ne font aucune concession aux codes du cinéma mainstream. Une audace qui s'est avérée payante puisque forts du carton de cet objet filmique non identifié, ils viennent de signer un contrat d’exclusivité avec Universal. Le multivers leur appartient.

>> Everything Everywhere All At Once de Daniel Scheinert, Daniel Kwan. Avec Michelle Yeoh, Ke Huy Quan, Jamie Lee Curtis. 2h19. En salle mercredi 31 août 2022.


Jérôme VERMELIN

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