Fabrice Eboué : "Le Crocodile du Botswanga est un film qui tombe à pic"

Publié le 19 février 2014 à 11h37
Fabrice Eboué : "Le Crocodile du Botswanga est un film qui tombe à pic"

INTERVIEW – Après le succès de "Case Départ", en 2011, Fabrice Eboué retrouve Thomas Ngijol dans une nouvelle comédie intitulé "Le Crocodile du Botswanga". Ou la rencontre entre un dictateur africain imaginaire, un jeune footballeur à la recherche de ses racines et son agent légèrement intéressé. Une comédie corrosive et bien rythmée qui n'épargne aucune communauté. "Metronews" a interrogé son scénariste, interprète et co-réalisateur, à la veille de sa sortie en salles.

Ce nouveau film réunit de nombreux comédiens de Case Départ, à commencer par Thomas Ngijol. Aviez-vous besoin de recomposer cette bande autour de vous ?
Après Case Départ, j'avais envie de quelque chose de complètement différent du duo comique un peu classique qu'on formait avec Thomas. J'ai commencé à écrire sur le thème du dictateur, qui a déjà été fait en comédie, mais pas vraiment du point de vue africain. Et puis connaissant Thomas par coeur, j'ai réalisé qu'il était le seul à pouvoir jouer le président Bobo. Il a cette capacité à passer d'un sourire d'enfant, très contagieux, à quelque chose de plus dur, et même effrayant. Pareil pour sa femme : je bosse sur les spectacles de Claudia Tagbo, on s'entend très bien, ce qui est plutôt une garantie dans ce métier parfois difficile. Si bien qu'on a rappelé aussi Etienne Chicot, qui était le maître dans Case Départ et joue là un nostalgique de l'Algérie française. Pareil pour Franck de Lapersonne, parfait pour jouer les éponges un peu lèche-cul ! En revanche dans la forme je voulais faire un film très différent, surtout pas un calque du précédent.

Case Départ, c'était une répétition grandeur nature avant ce film ?
Disons que Le Crocodile du Botswanga est un bien plus gros challenge, pour moi comme pour toute l'équipe. Case Départ était une comédie très classique, très familiale. Sur celui-ci, je voulais que ce soit moins évident, avec un humour plus trash, plus noir. Parce que c'est un film plus personnel que lorsqu'on partage la réalisation avec Thomas.

Il paraît que vous êtes "fasciné" par les dictateurs. Comment avez conçu le vôtre ?
Avant de parle du dictateur il faut parler du pays imaginaire, le Botswanga, qui pour moi se situe entre le Maghreb et l'Afrique du Sud. Si j'emploie cette formule, c'est parce que c'est un patchwork de pleins de pays d'Afrique. Je ne voulais en stigmatiser aucun. Si bien que le dictateur est lui-même un mélange entre Mobutu, Bokassa et Dadis Camara, l'ancien président de Guinée Bissau. Comme bien d'autres il est arrivé avec plein de bonnes intentions, la volonté d'enrayer la corruption. Avant que plein de zones d'ombre apparaissent, petit à petit. C'est le cas du président Bobo dans le film : il a l'air très sympathique au départ, avant de devenir bien plus trouble, voire dangereux. Tout ce qui est dans le film est tiré d'anecdotes bien réelles. Car même si on est dans une comédie, la caricature va parfois à peine plus loin que la réalité.

"L'humour que j'ai sur scène ou dans mes films, c'est celui que j'ai avec mes amis"

Comme vos spectacles, vous flirtez avec les limites en matière d'humour, sans jamais les franchir. Est-ce un équilibre compliqué à trouver ? Ou bien très naturel pour vous ?
Tout est très spontané. J'ai coutume de dire que je ne triche pas. L'humour que j'ai sur scène ou dans mes films, c'est celui que j'ai avec mes amis quand je bois un verre le soir. Ce serait navrant d'avoir une formule. Ce que je trouve bien avec ce film, c'est qu'il arrive maintenant. Il prouve qu'on peut rire de tout dans une industrie du divertissement à priori très cloisonnée par les investisseurs, les chaînes de télé, etc. La vérité, c'est que quand on propose une comédie saine, qui rit de tout le monde pour que ce soit universel, alors il n'y a pas forcément de limite. La plus grande forme de racisme, ce serait d'exclure telle ou telle communauté parce qu'on ne pourrait soi-disant pas rire de tout. Au contraire. C'est en incluant tout le monde dans nos vannes qu'on conservera l'universalité dans ce pays.

Au-delà de l'affaire Dieudonné, ressentez-vous une forme de crispation vis-à-vis des humoristes ?
Tout à fait. Et cette crispation, c'est la meilleure amie des extrêmes. Evidemment qu'il faut être vigilant, évidemment qu'il faut faire attention lorsqu'on s'exprime en public. On a une responsabilité. Mais il faut aussi se dire que toute interdiction n'est bonne pour personne. Et continuer à faire confiance à l'intelligence du public. Ce film tombe à pic. Des gens me disent : "mais vous n'avez pas peur ?". Et je leur réponds : bien au contraire. Je suis très fier le sortir maintenant car il est la preuve qu'on est encore dans un pays intelligent où les gens ont envie de communier tous ensemble et de rire de la diversité qui la compose.

Les crocodiles du président Bobo s'appellent Jean-Marie, Marine et Marion. La famille Le Pen va adorer, non ?
J'espère qu'ils iront voir le film ! Encore une fois je veux qu'on puisse rire de tout. Du moment que le rire est sain et sans mauvaise intention.

"J'espère que la famille Le Pen ira voir le film"

Dans un registre différent, votre personnage dans le film est fasciné par les poupées gonflables. Ça aussi c'est très personnel ?
J'ai fait un film qui se passe en Afrique mais je suis métis et il y a chez moi ce côté très "franchouillard", que j'assume pleinement. La comédie sert aussi à parler du bonheur de la vie : la bouffe, la bonne chair, et un côté un peu plus paillard, oui. Tout ce qui fait le sel de l'existence !

Vos prochains projets ?
Je reprends mon dernier spectacle au Casino de Paris du 27 février au 2 mars pour quatre représentations exceptionnelles. Je sais qu'on reviendra avec Thomas dans un film de duo dans l'esprit de Case Départ. Mais le prochain sera sans doute avec Claudia Tagbo. On s'entend très bien et je suis en train d'écrire pour elle.


Jérôme VERMELIN

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