Interview

VIDÉO - Fabrice Luchini bouleversant dans "La Petite" : "Je ne fais que ce que j’ai envie de faire"

Publié le 20 septembre 2023 à 9h31

Source : TF1 Info

L'acteur français surprend et tire les larmes dans "La Petite", le nouveau film du réalisateur Guillaume Nicloux.
L'histoire d'un père en deuil, qui part à la recherche de la mère porteuse engagée par son fils homosexuel.
L'occasion rêvée pour une interview qui est vite sortie des rails de la promo classique.

Vous ne l’avez jamais vu comme ça. Dans La Petite, le nouveau film de Guillaume Nicloux adapté du roman de Fanny Chesnel, Le Berceau, Fabrice Luchini incarne un septuagénaire dont le fils homosexuel meurt avec son compagnon dans un accident d’avion. Brisé, il apprend que le couple avait décidé d’avoir un enfant avec l’aide d’une mère porteuse. Contre l’avis de tous, il va partir à la recherche de ce bébé à naître… On s’est habitué à ses envolées lyriques, de la scène à l’écran ? Ici l’un des acteurs préférés des Français émeut d’un simple geste, d’un simple regard, et par son incroyable détermination à devenir grand-père. 

Dans La Petite, vous jouez un homme de peu de mots. C’est reposant pour vous ? 

Ce n’est pas parce qu’il ne parle pas beaucoup que ça ne parle pas énormément. Dire des trucs, ça n’est pas juste une question de mots. Je sors d’une interview avec un Monsieur de RTL qui me dit que ce personnage, on a envie de le prendre dans les bras, qu’il est super attendrissant. Je n’en reviens pas ! Je n’avais pas prévu le fait que parler très peu produise de l’affection. Mais avec la maturité, on se rend compte que l’important, ce n’est pas les mots, dans les rapports avec les êtres. 

Les silences de cet homme en font une énigme. Est-ce qu’il vous a fallu le construire intérieurement, peut-être davantage que d’habitude ? 

Je ne suis pas un intellectuel, je n’analyse pas du tout mon boulot. On me met dans une situation, cette situation est énorme, immense. Il perd son fils dans la première minute du film, il apprend que ce fils attendait un enfant avec une mère porteuse. Guillaume Nicloux m’a demandé d’être à la fois complètement en creux, de jouer un misanthrope déprimé, et après d’avoir une force de vie pour aller chercher cet enfant. Et c’est lui qui m’a dirigé de cet état en creux, déprimé, profond, émouvant et triste jusqu’à la joie par la découverte d’un miracle. Parce que je ne mesurais pas que pour les êtres humains, l’enfant c’est la grande question. C’est pour ça que La Petite est un film sur le miracle que produit l’enfant dans la vie des êtres. Et comme ça normalise, le fait d’avoir un enfant, les gens disent "Ah putain ! Ah ben oui, ah voilà !". Comme l’a dit le Monsieur de RTL, ils ne m’ont jamais vu aussi attendrissant... Ils ne me connaissent pas bien !

Dans le film, tout le monde essaie de convaincre cet homme de ne pas aller vers cet enfant. Les parents du compagnon de son fils, sa fille et même la mère porteuse… Parce qu’il a un âge où on dit aux gens que leur vie est finie ? 

C’est génial votre truc ! Isabelle Huppert disait qu’on lit le scénario d’un film, on tourne un autre film du scénario… et le public voit un troisième film. Je n’avais pas vu ça du tout. Je ne le savais pas du tout. Et vous me renseignez. Effectivement tout le monde veut l’éteindre. Et il ne s’éteint pas. Ce n’est pas du tout de ma faute, hein ? Moi je suis simplement l’interprète d’un scénario, adapté d’un très beau roman par un grand metteur en scène qui m’a entraîné. Moi je ne suis responsable de rien, sinon que d’être vacant et un petit peu somnambule. Et présent. C’est la fameuse phrase d’Hitchcock : "Bien distribué, normalement bien joué". Je ne dis pas que je joue bien, hein ? Il n’y a pas tellement de vertus pour les acteurs, à part les grands numéros, le biopic où on se transforme en Victor Hugo avec une barbe. Mais vous avez dit une chose étonnante qui n’était pas dans mes mains. Je ne savais qu’il y avait ça. Je ne sais rien quand je tourne.

Si cette interview ne me plaît pas, je vous dis "arrache-toi, je me casse, tu me flégon les yecous !"
Fabrice Luchini

L’homme que vous jouez revendique sa liberté d’agir comme il l’entend. Et vous, vous sentez-vous plus libre que jamais à ce stade de votre carrière ? 

Écoutez, je n’aime pas qu’on me casse les yecous. Parfois quand on me propose des émissions de télé je pense au syndrome de Christophe Hondelatte qui se lève (durant un numéro de "On n’est pas couché en 2011" – NDLR). Et je me dis finalement ce n’est pas si con. Je suis libre dans le sens où je reprends La Fontaine sur scène, c’est un bonheur absolu… Bon c’est pénible par moments mais c’est ma passion. J’ai créé cet été une lecture sur Victor Hugo consacrée à la mort de Léopoldine, que je vais jouer aussi en octobre… Est-ce que je me sens plus libre ? Je ne fais que ce que j’ai envie de faire. Oui, globalement. Pas à ce point-là. Je ne suis pas sûr d’avoir eu envie de faire cette interview. Mais si ça ne me plaît pas… Je vous dis "arrache-toi, je me casse, tu me flégon les yecous !". Ce qui n’est pas le cas. Parce que c’est merveilleux la promotion, contrairement à ce qu’on pense. Ce n’est pas que de la promotion. Parce que les gens savent ce qu’ils vont aller voir. Il n’y a aucun vendeur de films. Qu’est-ce que tu vas dire aux gens ? Tu ne crois pas qu’ils savent ? Même avant que le film se fasse, ils savent inconsciemment s’ils ont envie de voir un film sur le miracle d’un homme déterminé à retrouver un bébé, de retrouver ce bébé éblouissant, de partir de la dépression et d’aller vers la naissance… Ils savent ! Ce n’est pas le baragouin que tu vas faire. Mais pourquoi c’est passionnant ?

Oui, expliquez-moi...

Parce que vous me dites un truc extraordinaire que je n'avais pas vu. Parce qu’on ne sait pas ce qu’on fait. Là, je vais reprendre le théâtre, je sais que je vais dire du Hugo et du La Fontaine. Ça je sais exactement comment le moins mal dire possible. Mais un rôle au cinéma… C’est pour ça qu’ils ont tort les acteurs de se prendre la tête. Là, je tourne avec Chiara Mastroianni et Melvil Poupaud pour Christophe Honoré et c’est un bonheur. Mais il y en a qui disent "laissez-moi, je me concentre !". Chacun sa méthode, je ne juge pas. Mais ce n’est pas toi qui va monter le film, acteur. Tu n’es qu’un élément de la musique globale et c’est le patron, le metteur en scène, qui prendra la prise qui décide ! Tu n’es rien dans un film !

La Petite vous donne également l’occasion de rapper. C’est une nouvelle carrière qui s’ouvre ? 

Dans mon spectacle, je raconte une anecdote à propos d'un ministre socialiste qui disait que c’était trop élitiste la manière dont j’abordais La Fontaine et qu’il fallait que j’aille en banlieue pour faire du rap. Donc sur scène, j’en fais un peu tous les soirs. Une minute pour détendre. Et après, je reviens.

Et aujourd’hui ? 

Là non,  parce que je ne le sens pas. Mais écrivez-moi le texte et je le ferai avec grand plaisir !

>> La Petite de Guillaume Nicloux. Avec Fabrice Luchini, Mara Taquin, Maud Wyler. 1h33. En salles ce mercredi 20 septembre


Jérôme VERMELIN

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