Julia Ducournau : "Titane est né d’un cauchemar où j’étais enceinte et j’accouchais de pièces de moteur"

Propos recueillis par Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 14 juillet 2021 à 20h14, mis à jour le 17 juillet 2021 à 22h44
JT Perso
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Source : Sujet TF1 Info

INTERVIEW – La réalisatrice française Julia Ducournau a créé la sensation avec "Titane", son deuxième film en lice pour la Palme d’or, en salles depuis ce mercredi dans toute la France. Elle s’est confiée à LCI.

C’est le film dont tout le monde parle sur la Croisette. Avec Titane, la réalisatrice Julia Ducournau a confirmé toutes les promesses de Grave, son premier long-métrage, et son statut de chef de file du renouveau du cinéma fantastique français. Au lendemain d’une projection officielle qui a secoué la Croisette, nous l’avons retrouvé pour parler de cette expérience unique…

Quels souvenirs gardez-vous de la présentation du film, mardi soir ? 

J’ai été très surprise du tapis rouge et de la montée des marches. Ça me stressait énormément et en fait on s’est éclaté avec Vincent et Agathe. Et puis évidemment beaucoup d’émotion à l’issue du film, la réception du public, les applaudissements. Tout ça…

Est-ce que comme votre héroïne dans le film, vous avez ressenti de fortes vibrations ? 

(Sourire) Pendant la projection, j’étais très attentive à la salle et ce que j’ai beaucoup aimé, c’est la tension et l’attention du public. Il y avait un silence très concentré, ponctué d’éclats de rires, quelques cris ici et là. Mais j’ai senti quelque chose qui était tendu vers l’écran et ça m’a fait très plaisir. 

C’est vrai que Titane est né d’un cauchemar récurrent ? 

Dans lequel j’étais enceinte et j’accouchais de pièces de moteur, oui. C’est un cauchemar que j’ai fait pendant longtemps et j’ai toujours trouvé l’image très intéressante. Je me suis toujours dit aussi que j’essaierais de l’interpréter d’une certaine manière. Ça a surement guidé l’esthétique du film, énormément même. 

Et comment donne-t-on naissance à un film à partir d’un tel cauchemar ? 

La question, c'est plutôt "comment écrit-on un film ?". Moi, je fonctionne comme ça en général, j’ai des images qui me plaisent. Et dans ce cas précis, j’avais aussi l’idée de faire un film sur l’amour parce que pour moi, c’est assez difficile d’en parler et je voulais me confronter à ça. C’était périphérique dans Grave et là voulais placer cette thématique au centre : jusqu'où aller dans l’acceptation inconditionnelle et totale de quelqu’un. Mais tout ça n’est pas quelque chose de très construit et de très fluide dans ma tête. Ça vient par idées et ensuite on connecte les points pour créer une histoire autour de ça. 

Si je dis que c’est un film de genre sur le genre…

C’est vrai. Le film interroge ce qui fait ce que nous sommes, ce qui nous construit. Et de quoi on est prêt à se délester pour s’approcher le plus de notre essence - les déterminismes familiaux, sociaux, sexuels - pour choisir la personne qu’on veut devenir.

S’ils sont bien écrits, à un moment ce sont les personnages qui guident la route et qui vous emmènent vers des chemins dans lesquels on ne pensait pas passer

Julia Ducournau

Titane est un film où on sent votre plaisir à donner vie à des scènes visuellement sublimes et parfois très compliquées comme le plan séquence où Alexia se balade entre les voitures avant de danser sur l’une d’elle… 

Mais avant ça il y a l’écriture qui peut être très douloureuse ! Je dis toujours que pour 95% de calvaire on a 5% d’extase quand on touche une scène à l'écriture et qu’on la voit bien dans sa tête. Ça aide ensuite au moment du tournage. Je me dis "j’aime tellement cette scène qu’il faut vraiment que je lui fasse justice en faisant un beau film autour". Souvent ça permet d’oublier toutes les difficultés qu’on peut avoir par ailleurs. 

Le film ressemble-t-il alors à celui que vous imaginiez au départ ? Vous a-t-il parfois échappé ? 

Heureusement ! Bien sûr ! Il faut que ça vous dépasse en permanence. S’ils sont bien écrits,  à un moment ce sont les personnages qui guident la route et qui vous emmènent vers des chemins dans lesquels on ne pensait pas passer. Sur le tournage, on peut avoir des moments de communion qui sont formidables comme avec ce plan séquence que vous décriviez, lors du salon auto. Mais aussi lors de la scène de pogo avec les pompiers. On savait tous qu’à ces moments-là, on touchait à quelque chose de très, très juste et qui nous dépassait parce que c’était encore mieux que tous les moyens qu’on avait mis en œuvre pour y arriver.

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Alexia est incarnée par Agathe Rousselle, qui tient son premier rôle au cinéma. Savait-elle jusqu’où vous alliez l’emmener psychologiquement, physiquement ? 

Pendant le casting, je ne donnais pas le scénario aux actrices, juste des scènes, et j’expliquais grosso modo le contexte. Une fois que je choisis Agathe, je suis archi-transparente sur absolument tout. Parce que d’abord je sais qu’on va avoir un tournage difficile. Parce qu’on a peu de temps pour faire énormément, en particulier sur ce film qui a été réalisé avec des contraintes logistiques et formelles, sans parler des effets spéciaux, des décors compliqués, du feu… C’est pour ça que j’ai été très claire avec elle avant sur comment ça allait se passer. L’énergie, la motivation, l’endurance que ça réclame. Et puis évidemment la question de la nudité. Où là je suis totalement claire sur ce que je veux montrer, comme je veux le montrer. Qui sera sur le plateau à ce moment-là. De sorte que si l’actrice a un problème, on fasse autrement. Je n’arriverais pas à travailler dans le non-dit puisque de toute façon mes films rejettent le non-dit. Des films qui montrent pour sortir du silence par l’image. Vu que je suis comme ça dans la vie, c’est pareil sur un plateau.

Vincent s’est beaucoup préparé physiquement pour le rôle

Julia Ducournau

Pour Vincent Lindon, c’était un vrai challenge ? Presque une renaissance ? 

Avec Vincent, on se connaît depuis plusieurs années, mais il a été pris de court le jour où je lui ai dit que je pensais à lui en écrivant le personnage. Je pense qu’il ne s’y attendait pas du tout. Par la suite, je pense qu’il a compris, sans qu'on se le dise, que c’était le moment de lui proposer ça. Quand il me parlait de ses désirs de cinéma, de son âge, quand on parlait comme dans la vie normale, je sentais qu’il avait envie d’un nouveau cycle. Vincent s’est beaucoup préparé physiquement pour le rôle, mais en réalité il s’y était déjà préparé avant que je lui demande.

Figurer au palmarès samedi soir, vous en rêvez ? 

Je suis superstitieuse donc c’est très difficile pour moi de répondre ! Jusqu’ici j’étais concentrée sur la projection hier soir, et la sortie aujourd’hui en salles. Je suis en train de lâcher le bébé et c’est déjà un accomplissement pour moi.


Propos recueillis par Jérôme Vermelin, à Cannes

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