À qui la Palme d’or du Festival de Cannes après "Titane" ? Le jury de Vincent Lindon a du pain sur la planche

Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 17 mai 2022 à 8h00

Source : Sujet TF1 Info

La 75e édition du Festival de Cannes ouvre ses portes ce mardi.
21 films venus du monde entier sont en lice pour la prestigieuse Palme d’or.
De quoi animer les débats du jury présidé par l’acteur français Vincent Lindon.

À l’argus de la Palme d’Or, Titane ne vaut clairement pas Parasite. Avec 300.000 entrées, dans un contexte bien particulier, le film de Julia Ducournau primé sur la Croisette l’été dernier n’a pas eu l’impact de celui de son collègue Sud-coréen Bong Joon-Ho, applaudi par près de 2 millions de spectateurs en France deux ans plus tôt, sans parler de son triomphe historique aux Oscars. Entre ces deux extrêmes, la récompense suprême du Festival de Cannes conserve un prestige indéniable pour les cinéphiles, un "label" qui garantit à son lauréat une visibilité mondiale, à défaut de faire de l’ombre aux blockbusters américains.

Cette année, 21 films sont en lice et plusieurs de leurs réalisateurs ont déjà touché au Graal. C’est le cas par deux fois des frères Dardenne (Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005), de retour avec Tori et Lokita, l’histoire d’une adolescente et d’un enfant africains qui ont migré vers l’Europe sans leurs parents. Quatre ans après Une affaire de famille, le Japonais Hirokazu Kore-Eda revient avec Les Bonnes Etoiles, tourné en Corée sur fond de trafics d’enfants. 

Une 10ème Palme pour la France ?

Palme choc en 2007 avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le récit d’un avortement clandestin, le Roumain Cristian Mungiu est en lice avec la chronique sociale R.M.N. Enfin après avoir déjoué les pronostics avec la comédie satirique sur l'art contemporain The Square en 2017, le Suédois Ruben Ostlund embarque des influenceurs pour une croisière mouvementée dans Sans Filtre, la star américain Woody Harrelson dans le rôle du capitaine.

Après Titane, la France a-t-elle les moyens de décrocher une dixième Palme d’or ? Trois films tricolores seulement sont en course cette année. Valeria Bruni-Tedeschi avec Les Amandiers, qui raconte la genèse du théâtre crée par Patrice Chéreau. Arnaud Desplechin avec Frère et sœur, un drame intimiste interprété par Marion Cotillard et Melvil Poupaud. Et puis la jeune Léonore Serailles avec Un petit frère, le portrait d’une famille ivoirienne qui s’installe en France, des années 1980 à nos jours.

Il n’y a pas de raison de sanctionner un film parce qu’il ne porterait pas de message politique universel
Vincent Lindon dans le JDD

Il ne faut pas non plus oublier Claire Denis, la réalisatrice culte de Chocolat et Trouble Every Day, qui a dirigé en anglais Margaret Qualley et Joe Alwyn dans Des étoiles à midi, une romance durant la guerre civile au Nicaragua. Président du jury, Vincent Lindon la connaît bien Claire Denis pour avoir travaillé à trois reprises avec elle, jusqu’au récent Avec amour et acharnement, primé en février dernier à Berlin. Mais les affinités personnelles ne sont pas toujours une garantie de succès sur la Croisette, bien au contraire. Les convictions alors ? 

"Il n’y a pas de raison de sanctionner un film parce qu’il ne porterait pas de message politique universel", assure le Monsieur 100.000 volts du cinéma français dans un entretien publié dans le JDD. "Comme acteur, je n’accepte pas un rôle pour la seule raison qu’il est engagé, je dis oui à un scénario (…) Sailor et Lula et Taxi Driver n’étaient pas des films engagés mais ce sont des chefs-d'œuvre qui ont justement remporté la Palme d’or."

Des outsiders séduisants

Avoir ses habitudes sur la Croisette n'est pas non plus une garantie de succès. Si plusieurs grands noms jamais Palmés figurent dans la liste des 21 comme le Canadien David Cronenberg (Les Crimes du Futur), l’Américain James Gray (Armaggedon Time) ou le Sud-coréen Park Chan-wook (Decision to Leave), Cannes adore leur préférer un outsider. Et cette année, ce sont trois jeunes cinéastes originaires du Moyen-Orient qui pourraient bien créer la surprise.

Après avoir dénoncé l’enfer du trafic de drogue dans La loi de Téhéran, l’Iranien Saaed Roustayi est attendu au tournant avec Les frères de Leïla, une chronique familiale sur fond de crise économique. Dans Les Nuits de Mashaad, son compatriote Ali Abbasi (Border) raconte l’histoire vraie du tueur de prostituées qui a secoué son pays, dans les années 2000. Après Le Caire Confidentiel, le Suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh a lui choisi de mettre en scène les luttes de pouvoir au sein d’une école coranique du Caire dans Boy from Heaven.

Enfin si certains d’entre vous se posent la question, sachez qu’après avoir triomphé à l’Eurovision, l’Ukraine ne remportera pas la Palme d’or. Et pour cause : si les films de Sergei Loznitsa (The Natural History of Destruction) et Maksim Nakonechnyi (Bachennya Metelyka) seront présentés durant la quinzaine, ils ne sont pas en compétition, tout comme Mariupolis 2 du Lituanien Mantas Kvedaravičius, tué début avril à Marioupoul où il avait tourné.

En revanche il y a un Russe dans la course, peut-être le seul à être autorisé sur la Côte d’azur dans le contexte actuel. Après avoir assisté au Festival de Cannes à deux reprises depuis son salon en raison de ses déboires judiciaires avec le pouvoir moscovite, Kirill Serebrennikov défendra Madame Tchaïkovsky, ou la relation conflictuelle entre le célèbre compositeur et sa jeune épouse. Sa participation est déjà un événement. Et sa présence au palmarès ne manquerait pas d’être commentée, peu importe la récompense.


Jérôme Vermelin, à Cannes

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